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330929 mai 2016 – A quoi pense(nt) l’OTAN, ou les USA si l’on veut, avec cette agitation militarisée sur les frontières de la Russie, en plus de la mise en place de bases faisant partie du réseau BMDE, l’une en Roumanie d’ores et déjà en activité, l’autre en Pologne, en construction ? A rien, en un sens, nous voulons dire : à rien qui ressemblât à l’aspect politique, avec ses conséquences militaires possibles, de ces mesures.
Quand nous disons “à rien”, nous parlons d’un silence complet à cet égard. Le 27 mai, sur ConsortiumNews et RT, le très-connu commentateur britannique John Pilger, écrit, à partir des USA : « Retournant aux USA pour l’année électorale, je suis frappé par le silence... » Pilger a suivi déjà quatre élections présidentielles US depuis l’année turbulente de 1968. Il a pu suivre la disparition progressive des marques des guerres extérieures US au profit d’un souvenir ripoliné, dont on ne garde qu’un refrain, – savoir que du point de vue des USA, depuis des décennies, « seuls les Américains ont payé le prix de la liberté » (au Vietnam, en Irak, plusieurs fois, au Kosovo, pour marquer les étapes essentielles, cela sur le fond de l’affirmation désormais indiscutée que les deux bombes atomiques sur le Japon ont eu, quasiment comme seul résultat, de « sauver un million de vies humaines », sans autre précision et c’est bien cela qu’on enseigne aux jeunes têtes blondes, – ou brunes et de plus en plus, désormais, diversité oblige plus que jamais)
« The 2016 election campaign is remarkable not only for the rise of Donald Trump and Bernie Sanders but also for the resilience of an enduring silence about a murderous self-bestowed divinity. A third of the members of the United Nations have felt Washington’s boot, overturning governments, subverting democracy, imposing blockades and boycotts. Most of the presidents responsible have been liberal – Truman, Kennedy, Johnson, Carter, Clinton, Obama.
» The breathtaking record of perfidy is so mutated in the public mind, wrote the late Harold Pinter, that it “never happened. … Nothing ever happened. Even while it was happening it wasn’t happening. It didn’t matter. It was of no interest. It didn’t matter.” Pinter expressed a mock admiration for what he called “a quite clinical manipulation of power worldwide while masquerading as a force for universal good. It’s a brilliant, even witty, highly successful act of hypnosis.” »
Par conséquent, ce qui se passe aujourd’hui sur les frontières russes de l’OTAN n’offre guère d’intérêt, sinon le commentaire convenu que la Russie menace l’OTAN selon la technique habituelle, – en se trouvant là où elle (la Russie) se trouve, qui est justement là où des troupes de l’OTAN se déploient pour des manœuvres et où des bases du système BMDE sont en train d’entrer en service ; car, que vient faire la Russie là où les troupes de l’OTAN effectuent des manœuvres et là où des bases du système BMDE sont déployées, on vous le demande un peu ? Provocation (russe) pure et simple...
Nous avons beaucoup hésité à prendre au sérieux cette affaire, tant il en a déjà question auparavant, à plusieurs reprises. Mais désormais, il y a diverses forces rassemblées sur la frontières russe, il y a des bases BMDE ouvertes ou en préparation, et surtout ce dernier fait entraînant des déclarations précises et remarquables de Poutine sur ce que l’on risque. Dès lors, l’affaire prend une autre tournure, et il s’agit effectivement d’en dire quelques mots.
Pour situer précisément le contexte, nous nous permettons de répéter ce que nous avons déjà dit à propos de la phase actuelle, le 24 mai, situant cette séquence dans un ensemble d’évènements dont les élections présidentielles US. Nous écrivions ainsi :
« Il est manifeste que le “parti globaliste”, que représente Hillary Clinton, est dans un Panic Mode considérable devant l’ascension de Trump, avec ses intentions, déjà fortement esquissées, d’un arrangement avec les Russes et d’un désengagement de la politique expansionniste agressive, éventuellement pour entreprendre, au niveau intérieur, une opération de grande envergure de déstructuration de l’appareil financier qui emprisonne actuellement les USA justement dans cette politique expansionniste agressive. Il est fortement suggéré, ici et là, et d’ailleurs selon la pression de l’évidence, que la seule véritable “chance” que voit ce “parti globaliste”, avec sa piétaille neocon, de freiner sinon de bloquer Trump en cas de victoire, c’est de parvenir à créer des conditions conflictuelles avec la Russie qui l’obligerait (lui, Trump) à rester dans une position et une politique de confrontation, tout en l’obligeant (toujours lui, Trump) à rester dans le cadre “globaliste” en place.
» Il s’agit d’une sorte de pari absolument irrationnel dans la mesure où “des conditions conflictuelles avec la Russie” comportent des risques de conflit au plus haut niveau, y compris avec le risque de l’engagement nucléaire. Mais il est vrai, et ceci explique cela d’une façon lumineuse, que, contrairement à ce qu’en jugent habituellement les connaisseurs, nous nous trouvons dans le chef de ces activistes dans des conditions d’irrationalité extrême, sinon d’affectivisme échevelé où les psychologies et les caractères, souvent proches de l’hystérie, sont totalement incapables de contrôler cette sorte de situation, y compris dans la conceptualisation elle-même et dans l'évaluation des effets. Il est évidemment improbable que tout cela soit un montage de bout en bout et que tous les acteurs de ces diverses manœuvres y soient impliqués en complète connaissance de cause, et avec une capacité à la fois de manipulation et de contrôle des évènements ; il nous paraît même improbable que des “plans” de cette sorte soient délibérément dressés et suivis. Il s’agit plus certainement d’une dynamique d’une inspiration plus extrahumaine qu’élaborée dans les laboratoires-sapiens adéquats, activée par le déterminisme-narrativiste autant que par la panique terrorisée générée par le personnage de Trump, et entraînant l’état d’esprit “globaliste” dans son sillage, lequel devient à son tour le moteur de la logique qu’il est amené à suivre. »
Comme on le comprend, cette approche est nettement liée à l’évolution de la politique à Washington selon l’hypothèse que Trump représente un élément incontrôlé qui peut conduire à des révisions politiques radicales, allant dans le sens inverse de ce que la politique-Système que les divers centres de pression inspirés par le Systèmes, neocons en tête, favorisent hystériquement. Cette “hypothèse de Trump”, que nous avons tendance à favoriser parce que nous cherchons sans relâche une ouverture qui recélât une orientation antiSystème, n’est nullement assurée pour autant. Cela reste une hypothèse, même si divers évènements permettent de la prendre bien plus sérieusement que tant d’autres (le principal de cet évènement étant la situation générale du système de l’américanisme, placé devant le plus grave défi qu’il ait jamais eu à affronter et ayant jusqu’ici échoué à le relever, et retraitant sans arrêt depuis plusieurs mois).
Une autre approche de la même affaire est beaucoup plus simple, nette et directe : c’est la situation sur le terrain. De ce point de vue, le grand événement est la déclaration de Poutine faite en Grèce, vendredi. Le président russe n’a pas parlé en diplomate, avec le souci primordial de trouver un arrangement ; il a parlé en responsable suprême de la sécurité nationale de son pays, constatant que plus aucun arrangement n’était possible sur un point fixe essentiel, acté, et engagé sur la voie de son activation : les deux bases BMDE installée, l’une sur le point d’être opérationnelle en Roumanie, l’autre opérationnelle en Pologne en 2018. Nous ne sommes plus dans le domaine des spéculations mais dans celui des faits, pour nous le domaine d’une vérité-de-situation.
Il y a eu pourtant une graduation dans la réaction de Poutine, ce qui indique que la gravité de ses dernières déclarations est pesée et représente une menace de riposte extrêmement réelle. Le 13 mai, lorsque fut inauguré la base de Deveselu en Roumanie, Poutine déclarait :
« Nous n’allons pas être entraînés dans cette course [aux armements]. Nous poursuivons notre propre voie. Nous travaillerons de façon très précise sans dépasser les plans visant à financer le rééquipement de notre armée et de la marine, ce qui était déjà prévu pour les prochaines années. Mais nous allons faire des corrections à ces plans afin de neutraliser les menaces croissantes posées à la sécurité de la Russie», a noté le dirigeant russe. Des développements récents indiquent que la situation n’évolue pas dans le bon sens. Malheureusement cela empire. Je parle du lancement d’une station radar en Roumanie comme un des éléments de l'imminent programme de défense antimissile. »
En Grèce, 15 jours plus tard, lors de la conférence de presse commune avec Tsipras, Poutine a donc été remarquablement et significativement plus précis. Il a parlé de capacités identifiées, de situations et d’intentions tactiques, de systèmes opérationnels utilisables, tout cela étant plus précisément destiné à la Roumanie en tête de liste chronologiquement. (Selon RT-français.) « Si hier les gens ne savaient simplement pas ce que ça veut dire que de se trouver en ligne de mire dans ces régions de Roumanie, aujourd’hui [ils vont le savoir] puisque [nous allons être obligés] de prendre certaines mesures pour assurer notre sécurité. Et il en ira de même pour la Pologne. »
Ainsi, le chef du Kremlin faisait principalement référence au système de défense antimissile de Deveselu, dans le sud de la Roumanie, qui est devenu opérationnel en mai. Insistant sur le fait que de telles installations pouvaient facilement être converties en bases capables de tirer des missiles de courte et moyenne portée à capacités offensives (contre des objectifs terrestres), il a souligné de manière extrêmement précise être en mesure de répondre à cette menace, et de quelle façon il se trouvait dans cette mesure.
« “Tout le monde a vu de quoi nos missiles de moyenne portée [Kalibr] basés en mer sont capables [en Syrie]. Mais nous ne violons aucun accord”, a-t-il précisé. “Si hier les gens ne savaient simplement pas ce que ça veut dire que se trouver en ligne de mire dans ces régions de Roumanie, aujourd’hui [ils vont le savoir] puisque [nous allons être obligés] de prendre certaines mesures pour assurer notre sécurité. Et il en ira de même pour la Pologne”... [...] Ainsi, le chef du Kremlin a fait référence au système de défense antimissile de Deveselu, dans le sud de la Roumanie, qui est devenu opérationnel en mai. Insistant sur le fait que de telles installations pouvaient facilement être converties en bases capables de tirer des missiles de courte et moyenne portée, il a souligné être en mesure de répondre à cette menace. »
Dans la version en anglais, on trouve les précisions opérationnelles les plus remarquables. Poutine précise que les missiles installés à Deveselu ont une capacité de 500 kilomètres de portée, qui devrait être augmenté jusqu’à 1.000 kilomètres, et, “pire encore”, ces engins peuvent être reconfigurés en engins d’attaque (sol-sol) de 2.400 kilomètres de portée, “aujourd’hui même”, par un simple remplacement de leur logiciel sans que les Roumains n’en soient informés en quoi que ce soit. (« At the moment the interceptor missiles installed have a range of 500 kilometers, soon this will go up to 1000 kilometers, and worse than that, they can be rearmed with 2400km-range offensive missiles even today, and it can be done by simply switching the software, so that even the Romanians themselves won’t know. »)
C’est à ce moment qu’il parle des capacités de riposte russe, un citant implicitement les Kalibr, mais également, de façon explicite les missiles sol-sol à courte portée SS-26 Iskander, certainement dans leur version Iskander-M, de 500 kilomètres de portée et à capacité nucléaire (« And our ground-based Iskander missiles have also proven themselves as superb »).
D’une certaine façon, on pourrait avancer l’hypothèse que ces pauvres pays d’Europe de l’Est avaient plus de souveraineté, plus “leur mot à dire”, du temps où ils étaient dans le Pacte de Varsovie, qu’aujourd’hui dans l’OTAN. Mais le cas roumain est particulièrement important parce qu’il présente un cas chronologique, stratégique et technologique de la plus extrême urgence, où jamais les uns et les autres n’ont autant eu le doigt sur la gâchette, sans vraiment en réaliser les consquenes. Cette fois, Poutine ne le leur a pas envoyé dire, notamment en donnant toutes ces précisions techniques qui impliquent simplement ceci : à la moindre alerte, au moindre doute opérationnel grave, nous taperons, – Kalibr ou Iskander, au choix, les deux marchant splendidement et étant quasiment impossibles à intercepter.
Il y a bien d’autres manifestations agressives et de provocation de l’OTAN (des USA) le long de la frontière russe : des manœuvres OTAN, autour de 10.000 hommes, avec au moins 4.000 soldats US, dans les pays baltes ; un contingent de soldats tchèques déployés à la frontière russe du pays : une centaine d’hommes, mais une mesure symbolique qui embarque la Tchéquie dans la “coalition” antirusse au sein de l’OTAN, tout cela selon les habituelles pressions US et le relais du seul ministre de la défense tchèque, complètement acquis aux USA... Mais ces aspects manœuvriers et gesticulatoires doivent être complètement séparés, du point de vue opérationnel et de la communication, de la base BMDE de Roumanie, car le problème est tout autre. Des manœuvres, des déploiements de chars, tout cela fait partie d’une guerre de la communication, qui irrite certes les Russes mais qui ne porte pas en soi, à moins d'une situation extrême, un risque de réel conflit, encore moins de conflit nucléaire.
Tout différent est le cas de la base de Deveselu en Roumanie. Il s’agit de systèmes automatisés, à portée importante, dont la portée peut être modifiée, dont la mission elle-même peut être modifiée, dont les charges peuvent être modifiées jusqu’au soupçon du nucléaire. Les capacités d’intervention et de frappe se comptent en minutes, et une fois qu’un tir est déclenché, voire qu’une alerte est détectée, les capacités de riposte se comptent elles aussi en minutes. Il s’agit donc d’un outil entrant normalement dans un ensemble de dissuasion, notamment et fondamentalement avec une dimension nucléaire, donc un ensemble très complexe qui devrait être géré et contrôlé avec la plus extrême attention, et qui ne l’est absolument pas du tout du côté du bloc-BAO. Qui plus est, sa justification stratégique est complètement baroque, faussaire, inexistante, nulle, grossière et abracadabrantesque, ou bien cyniquement fausse, – selon ce qu’on en a. D’ailleurs, il est préférable de dire que cet outil n’a aucune justification stratégique mais il se trouve qu’il a soudainement bien sa place et toute sa place dans l’hystérie antirusse qui s’est développée depuis 2013-2014, mais en y introduisant un risque incroyablement grand, pour une cause incroyablement indiscernable sinon inexistante, d’incident pouvant directement et en quelques minutes mener à un conflit nucléaire. Il s’agit, en plus des manipulations politiques et stratégiques en tous sens, de l’illustration saisissante de la façon dont le système du technologisme poussé à son extrême aveugle devient un instrument, également aveugle, du chaos universel, et bien entendu du “chaos-nouveau” qui règne aujourd’hui.
Le système que nous nommons pour la facilité BMDE (Ballistic Missile Defense in Europe), – c’est-à-dire pour la facilité du propos, parce que nous ne tenons pas à perdre notre temps dans la labyrinthe obsessionnel des acronymes des bureaucraties-Système du bloc-BAO, – ce système est à peu près aussi vieux dans sa vie bureaucratique que l’entre-deux guerres mondiales. Conceptualisé à la fin des années 1990, puis promu par quelques guerriers-neocons (dont John Bolton, parti seul et sans mandat officiel dans les pays de l’ancien Est communiste en 2002), selon une nécessité stratégique incertaine sinon chaotique, il est une complète fabrication du complexe militaro-industrielle. Après quelques hésitations, on en fit un réseau antimissiles contre l’Iran, selon une logique qui faisait déjà sourire en 2005 et qui, aujourd’hui, fait songer à un déterminisme-narrativiste propre à l’OTAN qu’on pourrait qualifier pour cette fois de “démence-narrativiste”.
Dès l’origine de la prise en compte sérieuse du programme par le Pentagone, suivi au pas de l’oie par l’OTAN, en 2006-2007, les Russes ont poussé les hauts cris tant ce système s’inscrivait comme une menace directe contre leurs capacités nucléaires stratégiques, menaçant ainsi l’équilibre stratégique nucléaire entre les USA et la Russie. On passe sur les nombreux avatars, changements de système, promesses de suppression du réseau non suivie d’effets de la part d’Obama, changement de localisation des bases, diverses valse-hésitation de nombreux pays bordant la Russie selon les pressions de Washington, pour arriver à la situation présente où l'hystérie antirusse a rangé tout cela dans un ordre de bataille parfait.
Depuis 2013-2014, le projet est fermement en marche dans la logique de l’antirussisme écrasant qui règne à l’intérieur de tous les réseaux d’influence et de communication-Système, même si la justification officielle continue à être épisodiquement et fort comiquement qu’il faut se défendre contre les Iraniens avec lesquels on vient de signer les accords qu’on sait. Il reste que, d’une façon générale, il s’agit bien d’une évolution machiniste et bureaucratique, et le principal argument d’un sophisme à couper le souffle que le bloc-BAO oppose aux Russes est bien que ce système est prévu de si longue date qu’il n’a rien à voir avec la situation stratégique actuelle et que les Russes ne doivent donc pas s’en inquiéter ! C’est le Système qui pousse tout cela, et on ne s’oppose pas au Système. On se trouve donc dans une situation typique où une initiative porteuse “par inadvertance” des risques les plus graves d’un automatisme pouvant très, très vite conduire à un conflit potentiellement nucléaire, est l’enfant direct d’automatismes que plus personne ne contrôle et qu’au fond personne n’a jamais vraiment contrôlés.
Les Russes savent bien tout cela, car ils savent bien de quoi sont faits le plus souvent l’OTAN et le bloc-BAO. Cela n’enlève rien à l’urgence de la situation telle que l’a décrite Poutine en Grèce, au contraire même. La situation est d’autant plus dangereuse que nul ne la maîtrise et, surtout, que nul ne s’en préoccupe. Tout cela n’intéresse pas Obama et, comme l’a dit Pilger cité en début de ce texte, personne ne parle de cela à Washington D.C. (Combien parmi les “gens sérieux” à Washington D.C., – à part les neocons de service, – connaissent la Roumanie, la base de Deveselu, sinon le système BMDE ?) Les seuls qui sont au courant, ce sont les fous de l’ancienne Europe de l’Est soviétisée, qui s’imaginent qu’ils seront protégés en accueillant une base du système BMDE, alors qu’ils deviennent ainsi un objectif privilégié de la puissance russe. (Car si l’on imagine facilement que ces pays sont pressés par le Pentagone d’accepter une base sur leur territoire, on ne doit pas ignorer non plus que nombre de leurs dirigeants à la fois corrompus et hystériques sont pressés eux-mêmes d’en accueillir, et que, par exemple, les pays baltes eux-mêmes en demandent pour leur compte : quelle étrange idée est-ce là de se croire mieux protégés par une base de missiles qui sera l’objectif détruit à coup sûr par les Russes en cas du moindre incident ? Enfin, personne n'a dit qu'il était nécessaire de réfléchir de manière rationnelle.)
... Mais l’on sait que la situation décrite dans le paragraphe ci-dessus concerne la croisade antirusse très active et les dernières manigances rappelées plus haut dans le cadre de la candidature Trump, dont ne fait pas partie le BMDE qui est le seul produit très lointain du Système, mais qui pourrait servir d’animateur principal et extrêmement rapide d’une crise bien actuelle à potentialité nucléaire. Ainsi, de la description d’une absurdité colossale ayant abouti à ce réseau antimissiles qui contient un automatisme si dément de possible détonateur d’une guerre nucléaire, on en revient aux thèses actuellement courantes, qui concernent pour certains l’intention US de liquider la Russie au cours d’un conflit, voire d’un conflit nucléaire limité. Cette gageure, qui est en réalité une quasi-démence stratégique tant un conflit nucléaire en Europe qui impliquerait évidemment les USA est quelque chose de complètement incontrôlable dont la logique est nécessairement de monter à l’échelon suprême nucléaire stratégique, continue pourtant à faire son chemin parmi les théoriciens de la chose qui ne sont pas les derniers à résister au paroxysme de la prospective. Pour situer l’ambiance, on donnera ces extraits de déclarations d’un expert tchèque, Martin Koller dans un entretien à Parlamentni Listy.
« “Je suis persuadé qu’une guerre contre la Russie, […] inattendue et préventive, est l’objectif des Etats-Unis qui cherchent à accéder à l'hégémonie mondiale. La majorité des bases militaires américaines sont installées de telle manière qu’elles visent la Russie et la Chine et dans le même temps protègent les ressources pétrolières au Proche-Orient”, a déclaré l'analyste militaire Martin Koller. [...]
» Il ne faut pas oublier que le temps de réaction de la défense antiaérienne et de la défense antimissile est très court ce qui provoque un risque de stresse et d’erreur. On ne peut pas exclure des pannes dans ces systèmes ou une influence ambivalente du facteur humain. Avec le déploiement des forces américaines, qui sont de facto déjà placées autours des frontières russes, le risque d'une guerre nucléaire augmente. Il ne restera plus qu'au président Vladimir Poutine que de réagir à l'avenant afin de ne pas permettre à son adversaire de recourir au facteur de surprise, estime l’expert.
» Si une guerre nucléaire avec la Russie commence, l’expert conseille aux habitants de l’Europe de l’Est de “se relaxer, d’ouvrir une bouteille de bon vin et d’attendre humblement la mort”. Mr. Koller estime qu’après une telle guerre, les survivants envieront les morts. L’analyste pense que cette guerre impactera le plus l’Ukraine, les pays Baltes, la Norvège, la Pologne, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique car la majorité des bases de l’Otan sont déployées dans ces pays. »
Ces thèses nous paraissent complètement irréalistes, sinon construites de toutes pièces, et plutôt propices à situer l’énervement et l’échauffement des psychologies dans le cours actuel des évènements, à la veille du sommet de l’OTAN à Varsovie (juillet), qui sera un véritable conseil de guerre en face d’une menace construite de toutes pièces. Cette situation absurde et démente est malheureusement une bonne partie de ce qui serait une vérité-de-situation, autant pour nombre d’esprits-Système que nombre d’esprits anti-Système ; il s’en déduit que cette démence est, en vérité, c’est le cas de le dire, une vérité-de-situation que l’on ne peut pas ne pas prendre en compte ; une démence aussi répandue est d’autant plus dangereuse si les esprits rationnels ne la prennent pas en compte.
C’est sans doute pour cela que Poutine a choisi la Grèce, un pays de l’UE où on l’a accueilli chaleureusement (pauvre Tsipras, qui tente d’être égal à ce que fut sa réputation), pour parler très sérieusement des risques que fait courir le BMDE, outil imparable d’un possible déclenchement d’un conflit dont l’Europe serait la première victime. Sans doute espérait-il qu’à partir d’un pays de l’UE, les pays de l’UE l’entendraient mieux, et certains notamment plus que les autres, sourds par profession. (“Comment la France ne s’est-elle pas opposée à ce projet ?!”, s’exclamait récemment un expert russe... Parce que la France n’existe plus, pour le temps présent.)
Voilà donc une ligne de tension crisique de plus, et quelle ligne, et quelle tension...
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