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1650Jacques Sapir publie le 3 août 2015 un texte de commentaire, d’approfondissement et comme une sorte de prolongement à un appel lancé par le parlementaire italien Stefano Fassina du parti démocrate, ancien vice-ministre des finances du gouvernement Letta qui a précédé l’actuel gouvernement Renzi. (L’appel de Fassina, sur le site de Yanis Varoufakis, le 27 juillet 2015.) Ce texte de Sapir est en grande partie une reprise de la longue réponse qu’il a donnée à la dernière question d’une interview du “Journal d’Amsterdam” (De Groene Amsterdammer), dont il publie le texte “long” sur son site RussEurope.org, le 1er août 2015. (Enoncé de la question : «Dans un texte publié sur le blog de l’ex-ministre grec Yanis Varoufakis, le député italien Stefano Fassina exprime sa préférence pour “une alliance de fronts de libération” européenne, en appelant à une coalition de souverainistes de droite et mouvements sociaux de gauche. Croyez-vous que cette stratégie est préférable, et, plus important, faisable sur le plan pan-européen contemporain?»)
Le jugement de Sapir sur cet appel est catégorique dans la mesure où il lui accorde une importance certaine, et un potentiel mobilisateur réel : «L’article écrit par Stefano Fassina, et publié sur le blog de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances de la Grèce, soulève en Europe une certaine émotion.» Sapir le considère comme un appel “aux armes”, comme une tentative majeure de tenter de constituer un front uni européen, transnational, et il étudie les possibilités de réalisation d’une telle initiative. Bien entendu, il ne faut pas considérer cet appel selon le rapport actuel des forces, mais bien dans une perspective évolutive pour envisager ses chances de succès, 1) selon les dynamiques que pourrait provoquer un tel appel d’une part, et 2) selon les reclassements nécessaires qu’un tel appel impliquerait d’autre part.
Cette appréciation de l’importance de la chose est fondée d’abord sur les circonstances générales en Europe, et notamment sur le climat de tragédie créé par la crise grecque et la sensation générale que cette crise est loin d’être finie. Un autre élément et que l’appel concerne les forces de gauche principalement ou disons d’une façon plus large les “forces démocratiques et progressistes”, et surtout qu’il vient littéralement du cœur du Système puisque Fassina est un homme qui a effectivement a fait sa carrière entièrement au cœur du Système, épousant naturellement ses méthodes, ses processus et ses buts. (Sapir : «On peut comprendre à la fois l'émotion suscitée par ce texte, mais aussi son importance. Il est clair qu'il signifie un basculement, venant du sein même des forces qui ont le plus contribué à la création et à la défense de l'euro, vers une position anti-euro.»)
Cette fois, nous allons procéder d’une façon différente de ce que nous faisons lorsque nous mettons ainsi en ligne un article en en offrant une analyse, éventuellement critique, éventuellement approbatrice, etc. D’habitude, nous plaçons notre texte en tête, parce que le sujet est en général déjà connu et documenté par ailleurs dans l’esprit du lecteur, comme dans le nôtre. Cette fois, le sujet est très spécifique (l’appel de Fassina) et il est intellectuellement important de mettre d’abord le texte de Sapir qui, en même temps que ses observations, nous restitue l’essentiel de l’appel de Fassina. Quelques-unes des remarques de Sapir esquissent déjà le cœur du problème, tel que nous le voyons, et que nous exposerons à notre tour dans notre principal texte d’analyse qui se situera en deuxième position. Ainsi ce texte-ci doit être considéré comme une introduction générale aux deux textes principaux.
dedefensa.org
L’article écrit par Stefano Fassina, et publié sur le blog de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances de la Grèce, soulève en Europe une certaine émotion (1). Il faut dire que Stefano Fassina n’est pas n’importe qui.
Membre du Parlement italien, appartenant au parti de centre-gauche du Premier ministre italien le Parti Démocrate, ancien vice-Ministre des finances du gouvernement Letta, qui précéda celui de Matteo Renzi, il est une des figures les mieux établies de la jeune génération des hommes politiques italiens. Fassina s'est fait connaître comme le responsable national de son parti à l'économie et au travail; il a aussi écrit plusieurs livres, dont le dernier est consacré à ce que devrait être un programme économique de gauche (2). On peut ajouter qu'il fut aussi éditorialiste à l'Unita, l'ancien journal du PCI. On ne peut donc le qualifier de personnalité de droite, ou même de personnalité marginale dans la vie politique italienne.
Dans ce texte, Stefano Fassina rompt un des tabous les plus solides de la gauche européenne: il appelle à sortir de l'euro. Mais, il ne se contente pas de cela. Dans ce texte, il appelle aussi à la constitution de « Fronts de Libération Nationale » dans divers pays européens pour sortir de l'euro. C'est pourquoi il nous faut prendre son appel très au sérieux.
Que dit-il en substance? « Nous devons reconnaître que l'Euro fut une erreur de perspective politique. Il nous faut admettre que dans la cage néo-libérale de l'Euro, la Gauche perd sa fonction historique et qu'elle est morte comme force servant la dignité et l'importance politique du travail ainsi que de la citoyenneté sociale en tant qu'instrument d'une démocratie réelle » (3). Il conclut enfin en écrivant: « Pour une désintégration qui soit gérée de la monnaie unique, nous devons construire une large alliance de fronts de libération nationale » (4). On peut comprendre à la fois l'émotion suscitée par ce texte, mais aussi son importance. Il est clair qu'il signifie un basculement, venant du sein même des forces qui ont le plus contribué à la création et à la défense de l'euro, vers une position anti-Euro.
Ce texte annonce une grande recomposition au sein de la gauche européenne. Il est évident que nous en passerons par un triple processus. Ce processus comprendra une part de liquidation, car une fraction de la « gauche » va abandonner ses principes et ses objectifs et se transformer, si ce n'est déjà fait (comme en France), en une droite modérée. Il y aura, aussi, un processus de reconstruction avec l'émergence de nouvelles forces de gauche, qui ne seront pas nécessairement issues de l'aire politique dite « de gauche » et qui pourraient provenir de l'espace aujourd'hui occupé par le populisme. Enfin, nous connaîtront un processus d'évolution qui concernera la «Gauche Radicale», et qui est déjà en train de se produire en France avec la Parti de Gauche, qui a radicalisé sa position sur l'euro, mais aussi en Allemagne avec des prises de position au sein de Die Linke (5), voir en Italie et en Espagne. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la formule de « Fronts de Libération Nationale ».
Mais, cette stratégie de constitution de « Fronts de Libération Nationale » est-elle plausible? A partir du moment où l'on se donne comme objectif prioritaire un démantèlement de la zone Euro, une stratégie de large union, y compris avec des forces de droite, apparaît non seulement comme logique mais aussi nécessaire. Vouloir se masquer cela aboutirait à une impasse. La véritable question qu'il convient de poser est donc de savoir s'il faut faire de ce démantèlement de l'Euro une priorité.
Les raisons données par Fassina dans la première citation sont à mon avis très claires et très convaincantes. L'euro est devenu un obstacle tant à la démocratie (et on l'a vu en Grèce) mais aussi à une politique en faveur du travail et opposée à la finance. Mais, elles n'épuisent nullement le sujet. L'euro a accentué et généralisé le processus de financiarisation des économies (6). C'est du fait de l'euro que les grandes banques européennes sont allées chercher des subprimes aux Etats-Unis avec les conséquences que l'on connaît en 2008. Ainsi, non seulement la zone Euro a entraîné une partie de l'Europe dans une très faible croissance (7), mais elle ne l'a pas protégée de la crise financière de 2007-2009. Le résultat est donc clair. Si des politiques néfastes pour les économies peuvent être mises en œuvre hors de l'euro, ce dernier implique des politiques néfastes. En fait, aucune autre politique économique n'est possible tant que l'on est dans l'euro. C'est l'une des leçons de la crise grecque. Aussi, un démantèlement de la zone euro apparaît bien comme une tache prioritaire.
Cependant, il faut avoir conscience que la constitution des «Fronts de Libération nationale» pose de redoutables problèmes. Par exemple, devraient-ils se constituer uniquement autour de l'objectif d'un démantèlement de l'euro ou devraient-ils, aussi, inclure un véritable programme de «salut public» que les gouvernements issus de ces « Fronts » devraient mettre en œuvre non seulement pour démanteler l'euro mais aussi pour organiser l'économie dans ce que l'on appelle, avec une claire référence à la guerre nucléaire, le «jour d'après»? En fait, on ne peut envisager l'objectif d'un démantèlement de l'euro, ou d'une sortie de l'euro, qu'en mettant immédiatement à l'ordre du jour un programme pour le «jour d'après». Ce programme implique un effort particulier dans le domaine des investissements, mais aussi une nouvelle règle de gestion de la monnaie, mais aussi de nouvelles règles pour l'action de l'Etat dans l'économie, une nouvelle conception de ce que sera l'Union européenne et, dans le cas de la France en particulier, une réforme générale du système fiscal. On glisse alors, insensiblement, d'une logique de sortie ou de démantèlement de l'euro vers une logique de réorganisation de l'économie. Un tel glissement est inévitable, et nous avons un grand précédent historique, le programme du Conseil national de la Résistance en France durant la seconde guerre mondiale. La Résistance ne se posait pas seulement pour objectif de chasser l'armée allemande du territoire. Elle avait conscience qu'il faudrait reconstruire le pays, et que cette reconstruction ne pourrait se faire à l'identique de ce que l'on avait en 1939. Nous en sommes là aujourd'hui.
L'idée de Fronts de Libération nationale est certainement une idée très puissante, que ce soit en France ou en Italie, où cette idée à des précédents historiques d'une force symbolique considérable, mais aussi pour l'Espagne, la Grèce et le Portugal. Mais il faut comprendre cette idée comme un objectif. Les formes, à la fois politiques et organisationnelles, de ces Fronts pourraient être très différentes suivant les pays, en raison de contextes politiques eux-mêmes différents.
Jacques Sapir
1) Fassina S., « For an alliance of national liberation fronts », article publié sur le blog de Yanis Varoufakis par Stefano Fassina, membre du Parlement (PD), le 27 juillet 2015
2) Voir, Stefano Fassina, Il lavoro prima di tutto. L'economia, la sinistra, i diritti, Donzelli, Rome, 2014
3) Fassina S., « For an alliance of national liberation Fronts », op.cit.. La phrase est « We need to admit that in the neo-liberal cage of the euro, the left loses its historical function and is dead as a force committed to the dignity and political relevance of labour and to social citizenship as a vehicle of effective democracy ».
4) Idem, « For a managed dis-integration of the single currency, we must build a broad alliance of national liberation fronts ».
5) Voir l'article publié par Nicole Gohlke et Janine Wissler, deux membres du Bundestag appartenant à Die Linke et publié dans le magazine Jacobin
6) Sapir J., Faut-il Sortir de l'Euro?, Paris, Le Seuil, 2012.
7) Bibow, J., "Global Imbalances, Bretton Woods II, and Euroland's Role in All This." in J. Bibow et A. Terzi (edits.), Euroland and the World Economy-Global Player or Global Drag? Londres, Palgrave, 2007.
Nous répétons ce titre car nous le tenons comme très importants. Pour nous, l’appel de Fassina et les commentaires qu’il suscite font partie d’un projet qui ne peut être tenu en aucune façon comme un processus disons “normal”, c’est-à-dire à l’intérieur du Système. Les mots sont importants car, dans la différenciation que nous proposons s’établit la différence fondamentale entre un projet politico-économique même radical de type révolutionnaire, et un projet entièrement politique et nécessairement radical qu’on qualifierait “de type eschatologique”. Nous disons bien qu’il ne peut s’agir d’un “processus disons ‘normal’, c’est-à-dire à l’intérieur du Système”, ou bien “à l’intérieur de l’euro”, même si c’est pour en sortir. Pour nous il ne peut s’agir que d’un processus où l’esprit de la conception se place hors du Système, c’est-à-dire en posture antiSystème, et alors le but est prioritairement celui de la destruction de l’euro ; c’est bien ceci : la destruction de l’euro ne doit pas être envisagée comme une conséquence éventuelle du processus, mais comme le but principal, primordial, fondamental du processus ; non pas “la destruction de l’euro, par conséquent”, mais bien “la destruction de l’euro comme but essentiel et fondamental”. Peut-être n’est-il pas tactiquement nécessaire de présenter les choses aussi abruptement par souci de ne pas provoquer des mouvements de frayeur, sinon de recul, mais les esprits bien faits et donc lucides doivent bien entendre que la stratégie ne souffre à cet égard aucun aménagement de compromis. Il s’agit d’une insurrection dans le sens d’une guerre sans merci et sans conditions, – la formule entièrement assumée du delenda est euro, pour laquelle il est inutile de chercher quelque garantie que ce soit de la possibilité d’une victoire pour engager la bataille, pour laquelle seul compte la résolution de l’engagement...
Bien entendu, là-dessus et cela étant admis, toutes les formules peuvent être explorées, dont celles d’une reconstitution de l’Europe sur des bases complètement différentes de celles qu’elles ont aujourd’hui, mais là aussi il s’agit du secondaire. Nous sommes persuadés que si, par extraordinaire, le but central et primordial qui apparaîtra nécessairement, – même si la dialectique tactique doit adoucir le processus, – en venait à une voie d’accomplissement, le bouleversement serait tel, les psychologies seraient si complètement bouleversées, que des perspectives et des possibilités absolument nouvelles, révolutionnaires et même plutôt eschatologiques, impensables jusqu’alors, surgiraient avec assez de force pour rendre caduques tous les plans envisagés pour, comme dit Sapir, “le jour d’après”. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas préparer “le jour d’après”, car tout doit être considéré constamment, ne serait-ce que pour habituer l’esprit et surtout la psychologie au fait de la rupture, mais il faut aussi être prêt à accepter l’idée que toutes ces préparations autour du “jour d’après” peuvent se trouver complètement dépassées et obsolètes, justement “le jour d’après”, –peut-être même dès les dernières heures de la nuit avant l’aube du “jours d’après”...
Mais le point principal d’un tel projet se trouve sans aucun doute dans les possibilités de rassemblements projeteés par Fassina, que Sapir présente comme un appel à «la constitution de “Fronts de Libération Nationale” dans divers pays européens pour sortir de l'euro». Sapir évoque les divers problèmes techniques, les questions de “programme commun”, etc., et surtout, le plus délicat, – et essentiellement le plus délicat pour la France, – qui est de savoir qui peut être appelé à cette sorte de rassemblement... Nous citerons les trois passages où Sapir évoque cette question, d’une façon prudentissime, à demi-mot et à mots couverts, indiquant combien cette question est délicate et combien, selon l’analyse que nous en faisons, il en a conscience.
• «Il y aura, aussi, un processus de reconstruction avec l'émergence de nouvelles forces de gauche, qui ne seront pas nécessairement issues de l'aire politique dite “de gauche” et qui pourraient provenir de l'espace aujourd'hui occupé par le populisme.»
• «A partir du moment où l'on se donne comme objectif prioritaire un démantèlement de la zone Euro, une stratégie de large union, y compris avec des forces de droite, apparaît non seulement comme logique mais aussi nécessaire. Vouloir se masquer cela aboutirait à une impasse.»
• «Mais il faut comprendre cette idée comme un objectif. Les formes, à la fois politiques et organisationnelles, de ces Fronts pourraient être très différentes suivant les pays, en raison de contextes politiques eux-mêmes différents.»
Nous faisons l’hypothèse que nous comprenons parfaitement, ou croyons comprendre parfaitement dans tous les cas, ce que nous signifie Sapir. Nous comprenons parfaitement sa prudence, comme aussi bien ce qui semble être ses allusions assez précises, qui concernent bien entendu la France ... (Si ce n’est lui c’est donc nous-mêmes, et notre hypothèse vaut pour nous-mêmes, et le raisonnement se poursuit.) ... Car, en France, c’est une évidence que tout le monde comprend, rien ne peut être fait dans le sens d’un “Front de Libération Nationale” à-la-Fassina Sans le FN. On en arrive donc au nœud gordien. La France est le champ de bataille nécessaire et suffisant de cette idée stratégique, sinon fondamentale, de la nécessité absolue de pulvériser les tabous droite-gauche si l’on veut entrer dans la lutte antiSystème, pour parvenir à constituer des forces antiSystème capables de menacer le Système. Les grands axes de cette bataille ne peuvent être les polémiques telles que l’immigration, les arguments sociétaux de racisme et d’antiracisme de toutes sortes, qui sont toutes, quelle que soit leur importance, des polémiques secondaires dans l’ordre de la production, c’est-à-dire produites par des activités fondamentales issues du Système ; et, d’ailleurs, des polémiques que le Système manipule lui-même pour diviser les forces éventuellement antiSystème, pour empêcher justement de se faire des rassemblement hors de lui, c’est-à-dire des rassemblements hors-Système à finalité constitutive antiSystème.
Nous ferons l’hypothèse, poursuivie de la précédente aux mêmes conditions, que Sapir lui-même comprend parfaitement cette nécessité ; et nous ferons alors l’hypothèse secondaire à la précédente que, s’il procède comme il le fait, “d’une façon prudentissime, à demi-mot et à mots couverts”, c’est parce qu’il entend déclencher ou accélérer chez les autres, la réflexion fondamentale conduisant à la reconnaissance de la nécessité d’une telle rupture après tant de décennies de confrontations idéologiques et dialectiques. Il s’agit d’un enjeu absolument, complètement fondamental, parce que, d’une part la France est ce pays d’une importance capitale au cœur de l’Europe, par sa puissance, sa position géographique et stratégique, son magistère historique, etc., c’est-à-dire ce pays sans lequel rien de décisif ne peut vraiment être attendu dans le sens antiSystème en Europe, et avec lequel quelque chose de décisif dans le sens antiSystème est possible ; parce que, d’autre part, il s’impose de plus en plus, à partir de précisions que ne cesse de donner Varoufakis, confirmant sans le moindre doute ce qu’il disait déjà le 11 juillet 2015, l ‘idée que le véritable objectif des Allemands et, derrière eux, de l’UE en tant qu’Orque prédatrice et déstructurante, n’est rien de moins que la déstructuration et la dissolution complète de la France en tant que nation. Ce dernier argument est conjoncturellement le plus pressant, le plus tragique, celui qui ne laisse pas de choix sinon celui d’agir puisque ne rien faire revient à choisir, non pas la capitulation, mais la destruction.
« “Et il [i.e. Schäuble parlant à Varoufakis] me dit explicitement qu’un GREXIT, une sortie de la Grèce, aller lui donner assez de pouvoir de négociation, avec suffisamment de pouvoir terreur, dans le but d’imposer à la France ce à quoi Paris résistait. Et de quoi était-il question ? Du transfert du pouvoir de décision budgétaire de Paris à Bruxelles”. Autrement dit, le plan mis en place par Schäuble ne visait pas prioritairement la Grèce, mais avait comme objectif, à travers la Grèce, d’aboutir à une capitulation totale de la France qui devrait, et devra sans doute, accepter le transfert de la totalité de son pouvoir de décision budgétaire à une instance étrangère. Autrement dit, c’est bien la mise en tutelle de la France que visait Schäuble à travers sa position sur la Grèce. Il faut en avoir conscience.» (Sapir le 3 août 2015, sur son site, cutant Varoufakis du 16 juillet 2015.)
Nous avons assez insisté pour y revenir d’une façon argumentée sur la nécessité pour certains, pour certains partis, pour certaines nations, nous avons assez insisté pour le cas français sur la nécessité de cette “révolution copernicienne“ de la position politique, qui est d’abandonner toute référence idéologique pour entrer dans le domaine d’une puissance inouïe de la référence eschatologique, où l’on ne trouve plus que le Système et la réaction antiSystème. (Voir aussi bien le 12 avril 2012 que le 14 Juillet 2015.) Sapir donne comme exemple français de rassemblement la plate-forme élaborée par la Résistance en 1944-1945 pour une (r)évolution politique de la France après la guerre, – selon un programme qui fut loin, très loin d’être appliqué finalement ... Dans la résistance française, les premiers résistants vinrent de l’extrême-droite traditionnaliste et royaliste, y compris certains maurrassiens qui choisirent l’action (après tout, de Gaulle lui-même était maurassien et la seule position antiallemande constante de l’entre-deux-guerres pour dénoncer le revanchisme allemand vint d’un Léon Daudet et d’un Jacques Bainville). La gauche non-communiste et les démocrates libéraux s’y mirent ensuite, puis le PCF à partir de l’attaque allemande contre l’URSS du 21 juin 1941... Inutile de chercher des leçons de morale dans cette chronologie, ni des enseignements idéologiques, – tout cela a été fait tant de fois, – mais plutôt une leçon de rassemblement national, de type-“Front de Libération Nationale”. Quand l’existence même est en jeu, toutes les polémiques cessent.
En d’autres mots, il est temps que la France, – car décidément, c’est bien d’elle qu’il s’agit essentiellement bien que l’appel vienne d’un Italien, – sorte de ses querelles intestines et de sa politique intérieure sans cesse ressassée depuis trente et quarante ans, pour se tourner vers l’extérieur d’elle-même, là où l’on trouve le monde. Il est temps qu’elle cesse de gémir et de vitupérer à propos de sa propre crise, entre ces Français qui méprisent la France et ces Français qui accablent la France, chacun avec un très grand amour de la France, pour s’apercevoir qu’elle n’est pas seule au monde et que sa crise n’est qu’un maillon d’une chaîne crisique terrifiante qui enserre le monde jusqu’à le pulvériser si l’on laisse le Système aller au terme de sa folie.
Une “insurrection contre l’euro” est une bonne façon de se lancer dans la bagarre, c’est-à-dire dans la Résistance. On peut le dire et le proclamer sans se bercer d’illusions ni d’espérances irréalistes, mais sans jamais se lasser de le dire, et de le redire encore. La Résistance, c’est aussi la Grande Patience du mûrissement de certains esprits qui sont nécessaires à son développement... Mais quoi, la patience, même Grande, a ses limites.
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