Une logique inversée et une pensée pervertie

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Les ravages de la dépendance britannique des USA, surtout depuis le renouvellement massif de cette dépendance avec Tony Blair depuis le 11 septembre 2001, sont très visibles dans la forme de la pensée qui s’exprime à l’occasion du débat sur le renouvellement du Trident. Un exemple de la chose est visible dans la chronique de Alice Miles, dans The Times de ce jour.

D’abord, et peut-être d’une façon inattendue pour une commentatrice d’un journal conservateur qu’on croirait d’habitude favorable à la composante nucléaire, Alice Miles plaide passionnément contre la modernisation de la composante nucléaire que veut faire entériner Tony Blair. Ce qui est plus surprenant encore, c’est l’un des arguments qu’elle emploie dans le cours de sa plaidoirie, dans le passage ci-après (souligné en gras par nous) :

«But can somebody tell me, how has our nuclear deterrent made us safer over the last two decades? Is Norway, is Argentina, less safe than the UK? Do you feel safer in London than in Lisbon? The Secretary of State for Defence, Des Browne, claimed at the weekend: “It’s not nearly as straightforward as people suggest. They sleep soundly in their beds at night because we have nuclear weapons.” What a pathetic argument; what highly enriched rot. Many of us would feel safer without them. So, Prime Minister, answer me this: can you think of another way to help our security, other than by spending £20 billion on new submarines?

»I can. I can think of trying to engage with the Muslim world instead of using the bully-boy tactics of bombing and threatening it. I can think of unlinking our foreign policy from that of the United States to enable us to take some — some — defence decisions alone. I can think of leading by example and reducing our nuclear firepower as a step towards complete disarmament, to encourage other states not to develop theirs. I can think of using our fabled influence with the US to press for disarmament, not rearmament.»

Observons que la logique interne de la situation est respectée : effectivement, on peut soutenir sans difficulté que le refus de moderniser le Trident (avec du matériel US, cela va sans dire) représente un acte d’indépendance britannique vis-à-vis des USA. Et, bien sûr, l’argument qu’un acte d’indépendance des USA est un moyen de “renforcer la sécurité” du Royaume-Uni doit être accepté dans la mesure où l’indépendance est effectivement un garant de la sécurité. Mais c’est toute la logique qui est renversée, et l’esprit même de cette logique perverti : la dépendance britannique fait que, pour rendre ce pays plus indépendant des USA, et donc plus fort en principe, il faudrait prendre une décision qui, incontestablement, et quoi qu’on pense de l’armement nucléaire, l’affaiblisse en puissance brute et en statut international. On a rarement mis aussi bien en évidence de façon involontaire les effets terribles de cette dépendance britannique.

… Avec la cerise sur le gâteau que ce soit dans un journal conservateur également qu’on trouve cette affirmation excédée qu’enfin le Royaume-Uni pourrait prendre seul une décision de défense («I can think of unlinking our foreign policy from that of the United States to enable us to take some — some — defence decisions alone»).


Mis en ligne le 14 mars 2007 à 06H25