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959Dans la plus récente livraison de La Revue de l'OTAN, un petit article passionnant présentant certaines trouvailles d'historiens d'Europe de l'est travaillant sur la position et la politique du Pacte de Varsovie pendant la Guerre froide. (Cet article est disponible sur le site de l'OTAN/NATO Review.)
L'intérêt de ce résumé des travaux en cours est qu'il confirme puissamment un courant révisionniste qui s'est installé depuis la fin de la Guerre froide, et particulièrement depuis qu'un accès satisfaisant a pu être ménagé vers les archives des divers pays et organisations communistes. D'une façon générale, ce courant met en évidence combien le bloc de l'est, et notamment l'URSS du temps de Staline et au-delà, appréhenda la Guerre froide en position défensive, craignant continuellement une attaque occidentale.
L'introduction de l'article de NATO Review apparaîtra suffisamment significatif à cet égard, pour bien en mesurer l'esprit :
« Traditionally, the danger of the Cold War turning hot was considered to have been greatest in the early 1950s in the aftermath of North Korea's invasion of South Korea. As Konrad Adenauer put it in his memoirs: "Stalin was planning the same procedure for West Germany as had been used in Korea." Indeed, the notion of an imminent Soviet march into Western Europe in the 1950s was advanced by many historians, including the then Czech émigré Karel Kaplan in "Dans les Archives du Comité Central: Trente ans de secrets du Bloc Soviétique" (Albin Michel, 1978). Basing his thesis on an interview with former Czechoslovak Defence Minister Alexej Cepicka, Kaplan claimed that Stalin called upon Eastern Europe's Communist leaders to prepare an invasion of Western Europe at a meeting in Moscow in January 1951.
» This interpretation of events has since been challenged by many researchers. Convinced that the Soviet Union was never such a formidable enemy, Czech-born American historian Vojtech Mastny, for example, concluded in "The Cold War and Soviet Insecurity: The Stalin Years" (Oxford University Press, 1996) that Stalin feared imminent Western attack in Europe, which he believed would come in the wake of a series of Western defeats in Korea. As a result, Mastny argued that what others viewed as a call to prepare for attack against the West should, in fact, be interpreted as a call to prepare for defence of the East.
» New evidence, uncovered in the archives of the former Eastern bloc, appears to add weight to Mastny's arguments. In particular, the transcript of the January 1951 Moscow meeting, drafted by Romanian Armed Forces Minister Emil Bodnaras and recently uncovered in Bucharest, seems to confirm the defensive character of Stalin's intentions, an interpretation that is further supported by the fact that no preparation for an invasion of Western Europe was made at the time. Indeed, well into the 1950s, all Europe's Communist armies concentrated on territorial defence. From the Czechoslovak archives, for example, we know that although military exercises did occasionally include offensive operations, they almost never took place outside Czechoslovakia. In the few cases when forays into foreign territory were envisioned, it was only in the framework of a successful counter-attack. »
Si l'on signale cette publication, c'est évidemment parce que la source lui donne un crédit inattendu. L'OTAN cautionne de facto des recherches et des publications qui mettent en question l'un des fondements essentiels de la cohérence politique de l'Alliance pendant la Guerre froide. (A cette lumière, il serait intéressant de réexaminer la démarche de l'URSS demandant son adhésion à l'OTAN en mars 1954. Poutine avait curieusement ressorti le document original présentant cette demande officielle de l'URSS en 1954 pour le montrer à un George W. Bush très surpris, lors de la rencontre au sommet des deux chefs d'État, en juin 2001.)
Un autre point intéressant est de confronter cette nouvelle approche du rôle et de la politique du Pacte de Varsovie avec ce qu'on a appris, depuis une dizaine d'années, sur diverses activités occidentales, et particulièrement sur le rôle et la politique de provocation du Strategic Air Command du général LeMay dans ces mêmes années 1950 qui sont particulièrement l'objet des études que signale La Revue de l'OTAN. (Voir notre texte sur cette question, à partir d'une recension du livre de Paul Lashmar, "Spy Flights in the Cold War".) Ainsi se mettent en place divers facteurs qui devraient être utilisés avec profit pour une ré-appréciation générale de la Guerre froide et des responsabilités diverses pendant cette période.
Ce travail historique a une grande importance, également, pour la situation actuelle. La légitimité de l'alliance transatlantique est en grande partie fondée sur la légitimité de l'attitude occidentale face à ce qui fut perçue comme une attitude agressive et expansionniste du bloc communiste. C'est en effet sur l'attitude agressive et expansionniste supposée de l'URSS, et non sur le caractère politiquement et humainement inacceptable du communisme soviétique et de ses dérivés, — caractère qui reste, lui, indéniable et largement documentée par les recherches historiques — qu'est fondée l'alliance occidentale à son origine. Il est essentiel de faire cette distinction, surtout à la lumière des débats que nous connaissons aujourd'hui, autour des questions des rapports entre Europe et USA. On comprend qu'une mise en cause historique de cette attitude agressive et expansionniste du monde communiste pendant la Guerre froide constitue une importante mise en question de la légitimité même de la solidarité transatlantique.