Une nouvelle “menace”aussi vieille que l’American Dream: les USA ont 10 ans (au moins) d’avance sur l’Europe

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Dans le texte auquel nous nous référons dans notre F&C du 1er décembre, l’article d’Aviation Week & Space Tehnology du 26 novembre, un passage est consacré à l’avance technologique extraordinaire que les US ont, ou sont en train de prendre sur l’Europe. Ce passage est le suivant:

«The ramifications of the U.S.-U.K. treaty for the rest of Europe are potentially far-reaching. If successfully implemented it would reinforce and expand transatlantic defense cooperation between London and Washington, possibly at the expense of ties to Europe, suggest several British industry executives.

»This is at a time when the gap in defense capabilities and research and development between the U.S. and mainland Europe is becoming increasingly pronounced, and the lack of a cohesive European strategy increasingly apparent.

»“We lag considerably behind the U.S. in technology readiness levels. We need to combine our efforts urgently. . . . The next 10 years are critical,” Edgar Buckley, a vice president with Thales, says. The present lack of combat aircraft programs beyond the current generation of European platforms poses fundamental, and worrying, questions for the continent’s airborne sensor and radar manufacturers.»

Cette affirmation a toute l’apparence du sérieux car elle n’est pas fausse selon la référence qu’elle sollicite. Elle appartient simplement à un autre univers que la réalité, nommons-le virtualisme puisque nous usons souvent de ce concept. On ne peut donc la qualifier d’“erreur”, de “mensonge”, etc., puisque ses références ne renvoient pas à la réalité du monde, et notamment à la réalité de l’activité et de l’efficacité qu’on attend des hautes technologies dans le domaine concerné (les forces armées, leur statut, les opérations qu’elles entreprennent, etc.).

On peut aisément prouver, par le simple constat actuel, de la fausseté du propos dans la réalité. Mais le propos est vrai pour l’univers virtuel de la bureaucratie militaire qui se définit en termes de budgets pour toutes les technologies possibles, notamment et principalement par la nouvelle loi économique spécifiquement américaniste (valant pour le Pentagone) selon laquelle plus importants sont les budgets, plus importants sont le gaspillage, la corruption, l’inefficacité des systèmes mis en opération, l’absence de correspondance des systèmes avec les besoins réels. La référence du soi-disant avancement technologique US est aujourd’hui une plaidoirie pour la marche vers la paralysie complète des forces armées et l’emprisonnement de la politique extérieure par cette paralysie grandissante, – en plus d'une demande pour des budgets supplémentaires pour les technologies avancées.

[On peut aussi, pour le plaisir (?) se référer aux exemples passés, moins spectaculaires que celui qu’on cite ici mais tout aussi efficace. C’est ainsi qu’en décembre 1985, Jean-Louis Gergorin, alors conseiller chez Matra avant de passer chez Clairstream, était venu à Bruxelles déclarer qu’avec la révolution (US, bien sûr) des microprocesseurs de la fin des années 1970 intégrée dans le programme SDI (le thème d’alors à la mode), ainsi qu’avec la révolution de la technologie furtive, l’Europe se trouvait irrémédiablement distancée; on parlait d’au moins une décennie qui semble être la comptabilité habituelle, et l’on disait tristement qu’il était probable que l’Europe ne pourrait pas rattraper ce retard. Gergorin se faisait l’écho d’un sentiment absolument général sur la perte définitive d'espoir de l’Europe de pouvoir jamais figurer au niveau technologique, face à l’Amérique de la SDI. Curieusement, le même destin avait été décrit pour les années 1970 à la fin des années 1960, autour du Défi américain, publié en 1967 par Jean-Jacques Servan-Schreiber. On nous promettait le naufrage technologique imminent de l’Europe. Pourtant, le “naufrage” était annoncé à nouveau en 1985, avec le mythe de la SDI, ce qui nous confrontait à cette intéressante question, droitement née de l’Amerian Dream: un bateau, ou disons un continent, peut-il faite naufrage deux fois de suite? Et encore une fois aujourd’hui, comme nous annonce monsieur Buckley? Sans compter les fois que nous n’avons pas mentionnée? Peut-on se noyer à répétition, mourir plusieurs fois, et encore mourir, et toujours mourir? Peut-on aller boire un coup pour se détendre avant le prochain naufrage ?]


Mis en ligne le 3 décembre 2007 à 06H02