Une panique : le révisionnisme mémoriel

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Une panique : le révisionnisme mémoriel

23 avril 2021 – On est maintenant bien accoutumé au phénomène “mémoriel”, accompagné de son inévitable avorton qu’est “la repentance”, avec son inspirateur général, – ou aspirateur général après tout, ce n’est pas plus mal, – qu’est “la déconstruction” (ou “déconstructuration”). Tout cela va avec, en un cortège hystérique et terroriste, au rythme trépidant et très rock’n’roll de l’omniprésente bêtise.

De la mémoire comme outil exclusif de l’Histoire constamment révisée pour manipuler le présent, on connaît les vices et les lâchetés relevant du simulacre postmoderne. L’interview que je cite en accompagnement, du professeur Éric Teyssier, nous donne cet avis qui règle la chose dans une forme que je tendrais à juger certes très modérée (disons que le terme “préoccupante” aurait tout aussi pu et avantageusement céder la place à “catastrophique”) mais néanmoins décisive et même catégorique :
« Cette obligation de la repentance mémorielle est préoccupante. La mémoire ce n’est pas l’histoire. La mémoire est sélective. La mémoire ne prend pas en compte les différents partis. La mémoire c’est un point de vue. L’historien n’est pas un juge. L’historien est un enquêteur. »

Ce processus atteint désormais, sans masque ni artifice, les dirigeants politiques suprêmes, nous indiquant clairement qu’il s’agit du simulacre inverti de ce que l’on (Nietzsche, je crois, mais en caricaturant) nomme “grande politique” d’une époque basse dans le chef décomposé par l’inversion des « derniers hommes »... Et je préciserais aussitôt : ici écrit, cette formule, dans le sens nietzschéen bien entendu ;
• celle où, pour qui lit Nietzsche en toute liberté et à sa juste lumière, l’on est accoutumé de voir ainsi désigné l’“homme postmoderne” ou “moderne-tardif” [très-tardif, dirais-je] ;
• “dans le sens nietzschéen bien entendu’”, mais dans l’occurrence maximaliste [vers le bas] où le « dernier homme » serait à la direction “des affaires”, alors que le grand philosophe souhaitait que surgisse une sorte d’“homme providentiel” selon notre vocabulaire, celui de l’après-“dernier homme” et une fois la catastrophe accomplie, pour ouvrir la porte au renouveau (“éternel retour”) ;
• c’est-à-dire le “surhomme” nietzschéen, nullement par la race, nullement par la cruauté, nullement par la guerre, mais parce qu’il s’est “dépassé lui-même” en un effort naturellement surhumain ;
• la “surhumanité” nietzschéenne enfin, une affaire “de soi-même avec soi-même...

Mon propos à l’égard de ce phénomène déconstructionniste qui pique Macron notamment, n’est pas de l’aborder en entier dans le sens de s’en expliquer par rapport au déconstructionnisme comme thèse (on l’a fait par ailleurs, sur ce site) ; mon propos est de nous convier à nous demander pourquoi, tactiquement, ces dirigeants adoptent ce processus ; ce serait un peu, si vous voulez, comme l’on dit “Mais quelle mouche les pique” ?

Je précise bien entendu et aussitôt que je parle de “tactique” par goût du constat objectif, parce que l’acte observé (embrasser le wokenisme) ne peut prétendre en aucun cas être stratégique ; et d’ailleurs, et bien sûr, ces hommes, nos dirigeants catastrophiques et déconstructionnistes, n’ont en fait que des moyens de tactique et rien d’autre comme adaptation désespérée à la catastrophe qu’ils ont déclenchée, qu’ils affrontent et qu’ils alimentent. Ils n’ont en effet aucune stratégie parce qu’absolument inféconds, stériles, impuissants à cet égard. Je dirais bien, pour moi aussi paraître “tendance”, qu’ils sont tacticiens, au fond, comme l’on est transgenre, enfermé dans des obsessions d’un sexe à l’autre, s’arrêtant dans l’entre-deux comme au milieu du gué (pour réfléchir et n’y rien comprendre ? Sans doute, je nous l’accorde généreusement).

Le “mémoriel” engendre, lorsqu’il atteint ces dirigeants qui sont nôtres (quelle honte), des processus de transmutation qui les transforme en jouets de leur propre simulacre. S’inscrivant dans le cadre d’une nation qu’ils font mine d’exalter en voulant l’ouvrir au progrès décisif, en leur donnant des dimensions morales (moralinesques, aurait dit Nietzsche), ils parviennent à en barbouiller l’essence qu’est leur socle historique, en leur donnant comme horizon de l’ouverture le chaos de la destruction et la guerre civile.

Macron, qui marchait vers la pyramide du Louvre comme un Jupiter-postmoderne et se rendait à Versailles en grand apparat, comme un souverain unificateur de la France de l’Histoire, devient un ludion qui se réinvente en-wokenisme, se balançant entre les rives de l’Atlantique et le simulacre européen, prêt à déconstruire le Louvre à cause du suprémacisme racialiste des Valois et des Bourbons. Il croit dur comme la foi d’un croyant “born-again”, à-la-GW-Bush, que la profession de foi décoloniale fait partie d’un courant qui le relie lui-même à une Amérique rêvée, du type Nouveau-Monde dont il barbouilla son programme, qui en vérité s’effondre dans le désarroi de la division et de la haine. Il est vrai, observerais-je a contrario, qu’à ce compte il est urgent de déconstruire l’histoire de France et l’histoire des autres pour nous mettre tous mettre sur les rails déconstructrices de l’Amérique wokeniste ; ils font du “bon boulot”, comme dit l’autre, dans le sens de la déconstruction du Système soi-même, ne serait-ce en montrant son véritable visage (du Système).

Là-dessus, puisqu’il est question d’Amérique, je saute le pas transatlantique tant l’un (Macron) se fait, “d’une certaine façon”, l’écho de l’autre (Biden), dans tous les cas pour la méthode... Car de même en est-il, aux USA, dans la vraie Amérique et non l’“Amérique rêvée”, de ce personnage extraordinaire qu’est Joe Biden que toutes nos élites-Zombie adorent comme Messie du wokenisme, de l’antiracisme, du progressisme-sociétal, du verdissement de la planète et de l’apaisement climatique, toutes frontières ouvertes. L’historien Victor Davis Hanson a publié le 18 avril un article fulgurant sur Biden, qui se déconstruit ou se reconstruit je ne sais, en “Messie du wokenisme, de l’antiracisme, du progressisme-sociétal”, – cet homme qui a promis lors de sa prestation de serment qu’avec lui s’avançait, à pas comptés mais absolument résolus et sans masque, – façon de dire, – le réunificateur de la “véritable” Amérique relevant de la malédiction trumpiste et populiste...

Biden, corrompu, raciste et incroyablement démagogue, peloteur de gamines, soudain sanctifié par la rumeur de folie du wokenisme en une sorte de Saint de la modernité progressiste-sociétale ! Nous vivons des temps d’une démence sans pareille, parce que multipliée par la course folle de la communication et du Système en surpuissance-autodestruction, et cela jusqu’à vous faire mourir de rire à défaut de plaisir...

Mais tiens, lisez ces quelques lignes de Hanson, historien costaud, américaniste certes quoique spécialiste de la geste guerrière décrite par Thucydide, et lui absolument stupéfait par cette dynamique déconstructionniste qui enflamme le Joe Biden ; pourtant, “dynamique déconstructrice” dont l’Amérique qu’il aime est, j’en suis convaincu, le foyer initiateur bien plus que tous les radoteurs marxistes et trotskistes du monde, et livrée sur un plateau par les déconstructeurs-lecteurs de l’œil gauche des œuvres de Nietzsche, – les philosophes de  la “French Theory”.

« Ce sont les trois premiers mois les plus radicaux d’une présidence depuis 1933 [au moment où Roosevelt élu en 1932 devait empêcher que les USA ne se perdissent définitivement dans la Grande Dépression], les plus diviseurs et certainement les plus dangereux. Et son catalyseur est le mythe du vieux Joe de Scranton, qui a déclenché des furies et des haines jamais vues dans l'histoire américaine moderne.

» À un âge où la plupart des gens ont depuis longtemps adopté une conviction politique cohérente, le septuagénaire Joe Biden s'est soudainement réinventé comme notre premier président “éveillé” [“woke-President”]. C’est ironique à bien des égards, car le passé de Joe est un désert de condescendance raciste et de gaffes insultantes. Pendant la majeure partie des années 1980 et 1990, Biden s’est positionné comme le démocrate populiste du Delaware (ou, comme il l’a dit, “Nous [les habitants du Delaware] étions du côté du Sud pendant la guerre civile”). En réalité, il faisait preuve d’un chauvinisme bien supérieur à celui de ses électeurs. »

Mon jugement de conviction est bien que ces deux dirigeants pris comme exemples se sont lancés dans la folie de la déconstruction par pure panique, pour verrouiller dans une dynamique qui leur semble porteuse leurs places et leurs “privilèges” de dirigeants qui sont de plus en plus fragiles et de plus en plus rares, mis là où ils sont par la tempête qui balaie nos élites-Zombie. Ils se disent qu’ainsi, ils se mettent sous la protection des artisans de l’avenir, “Et l’Élysée vaut bien une histoire de France”

A cet égard, je voudrais encore citer quelques échos d’un texte qui analyse les événements actuels, et notamment selon la thèse que, s’ils (ces événements) semblent dirigés par ces élites-Zombie contre les peuples et leur histoire, ils parviennent en vérité sinon au contraire, à semer le trouble et la discorde chez ces dirigeants, par le pur appât des privilèges et des positions. Cela correspond bien à cette idée qui ne cesse de m’habiter selon laquelle, évidemment, ces événements que l’on croit dirigés par quelque malveillance humaine, sont totalement autonomes et étrangers à quelque maîtrise que ce soit de ceux qui prétendent nous diriger...

Le texte est d’un nommé Mark Jeftovic, que je ne connais pas, – moi, je ne m’en remets qu’aux textes dans une époque où tout défile si vite sur l’internet ; il écrit sur le site Bombthrower.com, et la chose a été reprise le 19 avril sur ZeroHedge.com, sous le titre « The Age of Sur-Abondant Elites » ; c’est-à-dire la “surabondance des élites”, ou bien dirais-je “l’embouteillage des élites”... Comme l’on sait selon nos mœurs aimables de la surabondance justement, dans les embouteillages les comptes se règlent au/à la baston. (“Baston”, ce mot qui hésite entre masculin et féminin, transgenre en un sens quoiqu’il soit bien illustratif, qu’il sonne dru, et venu du vieux français, de “bastonnade”, et plus loin de l’Occitan “bastonada”.)

Donc, quelques mots sur le baston dans nos élites-Zombie :

« Je suis en train de lire ‘Ages of Discord’ de Peter Turchin, qui tente d'examiner les modèles de conflits sociaux dans les civilisations préindustrielles précédentes, comme Rome et la France, et d’examiner comment ils se manifestent dans une ère postindustrielle. [La thèse Turchin] présente une certaine ressemblance avec d’autres théories cycliques comme le “quatrième tournant” de Strauss et Howe ou le modèle de Kondratiev. Le principe de base de ces idées est que les sociétés subissent des dynamiques cycliques ou pendulaires entre des états relativement stables de prospérité et de stabilité, dont la dynamique interne produit ensuite les conditions qui précipitent les renversements au cours de périodes turbulentes de conflit et de changement chaotique. [...]

» Ce que je trouve le plus intéressant dans la thèse de Turchin, c’est l’affirmation que les périodes de stabilité ne sont pas interrompues par l’épuisement des ressources (à la manière des alarmistes climatiques), ou par toute autre “limite à la croissance” en soi. Si la croissance démographique des sociétés préindustrielles se heurte aux limites “néo-malthusiennes”, elle entraîne un déclin anticyclique de la croissance démographique. La façon dont ces forces interagissent dans une transition de la stabilité au chaos conduit à ceci qu’une surabondance d’élites crée une situation où la classe politique se divise en factions et se bat pour le butin de ce qui est maintenant un gâteau de plus en plus petit en termes de richesse économique réelle... [...]

» “Deuxièmement, l’expansion rapide de la population entraîne une surproduction d’élites, c’est-à-dire un nombre accru de candidats pour une offre limitée de postes d’élite. L’augmentation de la concurrence intra-élite conduit à la formation de réseaux d’influence rivaux, se disputant les privilèges de l’État. Les élites sont alors déchirées par des rivalités internes féroces et un fractionnalisme croissants.”

» Le passage ci-dessus m’a fait penser aux élections américaines de 2016... »

Ainsi en est-il de cet homme qui n’est que communication, le Deconstructor Macron, qui saute sur le dernier flux-tendance, se convainquant qu’il garantira ainsi sa position ; aucune réflexion de fond, j’en ai la conviction, sur la signification fondamentale de ce qu’il propose (“d’une certaine façon”, déconstruire l’histoire de France, – je goûte énormément ce “d’une certaine façon”). Quel gouffre que cette absence de pensée chez un homme qu’on dit si intelligent ; mais, comme on l’a déjà dit souvent, “la bêtise de l’intelligence”, – et plus grande l’intelligence, plus grande la bêtise jusqu’à tout laisser à la seconde, – se trouve être un caractère très répandu par nos temps qui courent.

Voici donc une interview d’Éric Teyssier, maître de conférences en histoire à l’université de Nîmes, spécialiste de la Rome antique et auteur du livre ‘Napoléon est revenu’, que nous empruntons à Valeurs Actuelles.

PhG-Semper Phi

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« Porte-voix de la déconstruction de l’histoire »

Valeurs Actuelles : « Interrogé par la chaîne américaine CBS, le 18 avril, Emmanuel Macron a déclaré : “Nous devons déconstruire notre propre histoire.” Un Président peut-il dire ça ? »
Éric Teyssier : « Bien sûr que non. De quel droit un Président peut-il s’exprimer ainsi ? Il n’a pas été élu pour cela. Son propos sur la déconstruction de l’Histoire, cela revient à dire qu’il souhaite détruire notre histoire. Il sous-entend que notre histoire est fausse et qu’elle est fondée sur des mensonges depuis des siècles. Y a-t-il une vérité historique que seul Emmanuel Macron peut révéler ? C’est ce qu’il dit. Je ne suis pas d’accord avec son propos, l’Histoire ne l’a pas attendu. »

Valeurs Actuelles : « En quoi les propos d’Emmanuel Macron sont-ils révélateurs du contexte de repentance qui frappe nos décideurs politiques à propos de notre histoire ? »
Éric Teyssier : « Ce n’est pas la première fois qu’il tient de tels propos. C’est un problème. Personne n’oublie ses déclarations concernant l’absence de culture française, sur la colonisation ou encore sa provocation avec les Gaulois réfractaires. Ce n’est pas la première fois qu’il insulte notre histoire et le peuple français. Les propos du Président sont révélateurs de cette culture de la repentance tous azimuts. Et donc malheureusement, il s’en fait le principal porte-voix. »

Valeurs Actuelles : « L’Histoire de France est-elle devenue ringarde ? »
Éric Teyssier : « Je ne vois pas en quoi l’Histoire de France est ringarde. Au contraire, c’est une histoire magnifique. Ce n’est pas uniquement les Français qui en sont fiers. Beaucoup de pays dans le monde aiment notre histoire. Pour prendre l’exemple de l’épopée napoléonienne, les Russes, les Anglais, les Tchèques sont admirateurs de cette histoire. L’histoire qui s’attire la couverture, c’est beaucoup l’histoire sociale. Mais tout ce qui relève de ce qu’on appelle le « roman national », aujourd’hui, ne doit plus être enseigné et ne doit surtout pas être mis en valeur. Cela me désole. L’Histoire de France est un élément d’unification. C’est une histoire de transmission. La IIIe République a été le principal vecteur de cette Histoire de France qui devait rassembler les Français autour d’elle. Cette œuvre-là a marché, dans un contexte de division politique et de classes sociales différentes. L’Histoire de France n’est pas ringarde, elle est moderne et porteuse de nos valeurs. »

Valeurs Actuelles : « Comment expliquer cette repentance mémorielle ? »
Éric Teyssier : « L’influence de la culture américaine est un facteur de cette repentance. Mais, rappelons que cette même culture américaine n’a pas toujours été un modèle de repentance. Il n’y a qu’à voir les films hollywoodiens, où ce sont toujours les États-Unis qui sauve le monde à la fin. Les choses ont évolué pour des raisons qui sont propres à la société américaine. Et donc, certains voudraient appliquer ce schéma à l’identique en France. Je ne vois pas pourquoi. L’Histoire de France, ce n’est pas l’histoire de l’Amérique. Ce sont deux sociétés fondamentalement différentes. L’autre élément, c’est la culpabilité entretenue par rapport à la période coloniale. Nous arrivons maintenant 60 ans après la décolonisation. Certains de ces États ont vécu plus en période postcoloniale. À moins de dire que les Français sont coupables pour l’éternité, de génération en génération, je ne vois pas pourquoi il faudrait subir cela ad vitam aeternam. Ce phénomène politique est devenu une mode. »

Valeurs Actuelles : « En quoi la déconstruction de l’histoire aux États-Unis est une menace pour notre propre histoire ? »
Éric Teyssier : « Certains historiens parlent de moins en moins d’histoire. Ils sont devenus des militants politiques. D’autres encore se proclament historiens pour faire de l’idéologie. Ces personnes ne veulent pas débattre. Ils nous présentent une certaine façon de voir l’Histoire. Ils tiennent un discours dangereux, car ils nous obligent à avoir honte de notre histoire. C’est aberrant. Je fais de la reconstitution historique et j’ai participé à la commémoration de la bataille d’Austerlitz, il fallait voir les Tchèques, les Autrichiens ou les Allemands, en uniforme français et chanter la Marseillaise. Cette obligation de la repentance mémorielle est préoccupante. La mémoire ce n’est pas l’histoire. La mémoire est sélective. La mémoire ne prend pas en compte les différents partis. La mémoire c’est un point de vue. L’historien n’est pas un juge. L’historien est un enquêteur. L’histoire doit permettre la compréhension de contexte. Mais, à partir du moment où on commence à parler de repentance mémorielle, ça veut dire qu’une mémoire va l’emporter sur l’autre. Je peux vous prendre en exemple, la mémoire des Algériens dans la guerre d’Indépendance, mais les pieds-noirs aussi en ont une. Un historien qui me parle de repentance mémorielle n’est pas un historien. On ne fait pas le même métier. »

Valeurs Actuelles : « Vos recherches vous ont amené à travailler sur le Premier Empire. Pourquoi cette mise au pilori de la figure de Napoléon Bonaparte ? »
Éric Teyssier : « En s’attaquant à la figure de Napoléon, les partisans de la repentance mémorielle s’attaquent à cette Histoire de France qu’Emmanuel Macron veut déconstruire. C’est une histoire qui a ses ombres et ses lumières, comme n’importe quelle histoire. J’attends qu’on me cite un personnage historique qui a toujours tout bien fait. Napoléon est la figure qui déplaît aux déconstructeurs de l’histoire. Ces gens qui crient contre Napoléon ne connaissent pas son histoire. Je cite l’argument le plus connu de ceux qui s’attaquent à cette figure incontournable de notre histoire : Napoléon a assassiné la République, en organisant un coup d’État. Il faut voir le contexte de cette République. C’était le Directoire, le régime le plus corrompu de l’histoire. C’était un régime où il y avait 30 000 électeurs pour 30 millions d’habitants. Ces 30 000 électeurs étaient sélectionnés sur un seul critère : la richesse. D’ailleurs, il a fait tomber ce régime, sans tirer un seul coup de feu. Ces déconstructeurs sont des perroquets qui rabâchent des choses, qu’ils ne connaissent pas et qu’ils ne comprennent pas. L’histoire est un débat permanent. Pour information, Napoléon s’est lui-même repentit d’avoir rétabli l’esclavage. Il n’y a pas beaucoup d’hommes politiques qui se repentissent de leurs erreurs. S’attaquer à Napoléon sur des angles critiquables, ce n’est pas de l’histoire, c’est faire œuvre de militantisme avec des arrières pensées. »

Valeurs Actuelles : « Avec ce courant de la reconstruction qui gagne du terrain, quelle sera l’histoire de demain ?
Éric Teyssier : « L’histoire ne donne qu’une leçon, en cinq ans tout est possible même l’improbable. L’histoire est un rapport de forces entre des idées. Quelles sont les idées qui gagneront ? Cette volonté de reconstruction ou cette volonté agressive de repentance. Les premières personnes à en faire les frais sont celles qui aiment leur histoire. Elles sont blâmées pour l’aimer. Mais, que les autres aussi fassent leur œuvre critique. Nous sommes dans un moment de crise et de révulsion des idées. Et qu’adviendra-t-il ? Bien malin celui qui pourra le prédire. »