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1er mai 2003 — Le 30 avril, ça n’a pas manqué ; « Bin Laden's main demand is met », titrait le Daily Telegraph du jour, inhabituellement insolent. Et Christopher Montgomery titrait sa chronique : « But wasn't that what Osama wanted? » (ou encore, même chronique reprise sur le site Antiwar : « How Osama Got His Way »).
Le 29, Rumsfeld avait annoncé le départ des forces US d’Arabie. Ce déplacement, avec le transfert du centre de commandement et, sans doute, d’une partie des forces vers le Qatar, représente une décision en soi raisonnable et compréhensible. Cela soulage les pressions des radicaux islamistes sur l’Arabie et, bien loin de constituer une marche vers la déstabilisation de l’Arabie comme le souhaiteraient les néo-conservateurs (qu’on se rappelle l’incident Murawiecz), revient au contraire à aider les amis saoudiens en rendant moins voyante l’alliance US. Il n’empêche que c’est aussi l’une des exigences d’Ousama Ben Laden qui s’accomplit, — le retrait des “infidèles” d’Arabie.
[Nous ferions accessoirement une hypothèse, si la thèse de la corruption de la Garde Républicaine irakienne s’avérait juste, et si les informations de Pepe Escobar correspondaient à la réalité, comme nous serions tentés de croire : l’intervention centrale des Saoudiens, telle que la décrit Escobar, pour permettre à l’accord US-Garde Républicaine de se faire, pourrait bien avoir constitué l’un des aspects d’un “donnant-donnant” : en échange, les Américains se seraient engagés à retirer leurs forces. C’est fait.]
Le plus marquant dans cette annonce de départ américain d’Arabie a été l’interprétation qui en a été aussitôt faite, d’un repli américain, d’une défaite américaine. Cela mesure la fragilité de la perception de la puissance américaine, paradoxalement imposée par l’image qu’entretiennent les Américains de puissance inégalée, sans pareille, sans précédent dans l’histoire. La moindre initiative qui peut prêter à confusion, qui peut être perçue comme un compromis, est aussitôt interprétée comme un geste de faiblesse et de repli.
Au reste, dans le cas de l’Arabie, on peut également se demander s’il ne s’agit pas de l’indication indirecte d’une réalité, — si bien qu’on ne sait plus précisément séparer la réalité du jugement stratégique, ou de la perception “du jour” : est-ce parce qu’il existe dans ce désengagement d’Arabie la perception d’une faiblesse qu’on en vient à réaliser qu’il y a en marche un affaiblissement plus large, ou bien est-ce cet affaiblissement plus large, dont nous sentons la pression, qui conduit à percevoir le retrait d’Arabie comme un signe de faiblesse ? Le texte de Montgomery est un exemple évident de ce lien entre la perception de l’immédiat (retrait d’Arabie) et l’évolution de la stratégie générale (adéquation grandissante entre les moyens et les besoins, ou ce qui est imaginé comme tels). (Montgomery est un drôle de loustic ; c’est un conservateur britannique, qui fait partie de l’aile anti-américaine, anti-atlantiste du parti conservateur.)
Montgomery estime que le retrait d’Arabie est en fait rendu nécessaire parce que d’autres engagements américains existent. Il voit dans ces engagements généraux une logique de basculement américain vers l’Asie Mineure et au-delà, ce qui implique, — et c’est un lien inattendu entre le retrait d’Arabie et l’Europe — un retrait d’Europe occidentale vers l’Europe orientale et septentrionale. (Voir aussi notre texte sur “les deux OTAN”.) Le but ultime, pense Montgomery, vers lequel l’Amérique est invinciblement attirée, est d’établir une pression grandissante sur la Chine, éventuellement pour un affrontement. Pour cela, l’Amérique est prête à perdre l’Europe, qu’elle perdra effectivement, et, avec elle, sa fonction suprême et dominatrice.
« ... what will see America quit Europe is exactly what saw Britain liquidate her presence in the Middle East in the late 60s and early 70s: American resources have to retreat to meet the challenge facing her, and the least important commitments will go first. ‘Europe’, despite everything, (and that chiefly means, her possession of both means and motive) isn’t mounting a challenge to American hegemony. Overstretch will. What is the point of occupying Europe when European cupidity doesn’t require troops, but Iraqi or Korean submission will? Longterm NATO sceptics like me delight at the foolish keening of British Atlanticists over the Alliance, but sadly, they are yet again wrong. NATO’s a long way off being dead and buried in the way it should have been after the Cold War, but it does not contain within it the inevitable seeds of its own destruction. Rather, and sadly for Amerastes here, what’s going to happen, and with some speed, is that the US will abandon her wards in Europe.
» The irony, such as it is, is that just like Britain liquidated the wrong commitment in the late 60s (like the French, we should have liquidated our NATO commitment), America, in terms of staying number one nation, is going to make the crucial error in abandoning an irrelevant Europe to its own devices. Far better would be to divest herself of the supposedly cheap paramountcy in the Middle East (such a redundant imperial habit: they really will sell us their oil, come what may), and to stop attempting to encircle China. But she won’t, and she’ll fall accordingly, and then the Franco-Germans will rule the world. Which will be agreeably chaotic, and good for Britain. So there. »