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495Le temps n’est plus au flamboyant Tony Blair, certes. Remplacé par le bougonnant, le beaucoup moins sexy Gordon Brown, du coup la spécial relationship l’est beaucoup, beaucoup moins. Le Daily Telegraph consacre un article très travaillé (le 16 mars), avec témoignages, confidences, etc., sur la disparition de la magie post-9/11 du couple Tony-GW.
La nouvelle est bien celle-ci: disparition de l’expression spécial relationship du vocabulaire de la communication des diplomates britanniques. Affaire sérieuse, presque une révolution.
«British diplomats in Washington have quietly dropped the use of the phrase “special relationship” in what some see as a symbol of the drift in relations with the US under Gordon Brown.
»A senior official in the British Embassy has revealed that the phrase, long an emblem of Britain's quest for special status in Washington, has fallen out of favour. Diplomats instead refer to a “close bilateral relationship” that is only “one of the most important relationships for Britain.”»
Certes, tout cela paraît un tantinet léger, mais il n’en reste pas moins qu’il y a là une bonne mesure du climat. Les gens de l’administration GW ne sont pas en reste. Le même article rapporte cette remarque d’un officiel du département d’Etat : «British have largely disappeared from the radar. […] American diplomats had been disappointed that Gordon Brown has not been more engaged with the US.»
Un vieux de la vieille de la spécial relationship nous explique que ces diverses remarques d’apparat, d’affection ostentatoire, ont une grande importance, et que leur disparition reflète une réalité. On les croit sans peine, d’autant qu’il y a des signes plus concrets. (Par exemple, le fait que Gordon Brown n’ait pas encore pris le temps d’un dîner en tête-à-tête amoureux au 10 Downing Street avec l’ambassadeur US à Londres).
«Nile Gardiner, who runs the Margaret Thatcher Centre of Freedom at the Heritage Foundation think tank, and enjoys close contacts with officials in both the Embassy and the Bush administration, said: “Image and impressions really do count on the world stage and Gordon Brown is projecting a don't care attitude towards Britain's most important relations.
»“Since Blair's departure, there has been a distinct chill in the ‘special relationship’. There is a huge sense of disappointment in Washington regarding Gordon Brown's leadership as well as his public commitment to the relationship.”»
Il est incontestable qu’il n’y a plus l’atmosphère des années Blair, que des distances existent désormais entre Londres et Washington. Le débat exposé ici est à la fois dérisoire et significatif. Il n’y a aucune modification fondamentale de politique, y compris dans le chef des Britanniques, mais l’existence d’une possibilité que, dans des circonstances données où l’alignement britannique était chose acquise in illo tempore non suspecto des temps blairiens, cet alignement puisse devenir problématique. L’orientation psychologique, voire idéologique, de Gordon Brown l’éloigne de Washington. Brown est, par exemple, un partisan inconditionnel de la lutte contre le réchauffement climatique et il en fait une des marques de son action politique. Il en résulte que, sur ce sujet qui peut devenir assez important pour influencer toute une perception, Gordon Brown se trouve sans complexe du côté européen contre l’administration GW Bush.
Il existe également un autre sujet qui prend de l’importance, qui influe négativement sur l’ex-special relationship: la crise financière. L’entente idéologique sur la question du libéralisme et de la globalisation du temps de Tony Blair laisse la place à des récriminations entre Britanniques et Américains. Les Britanniques craignent d’être entrainés dans une position particulièrement dommageable par la tourmente, comme on l’a vu déjà avec l’affaire de la banque Northern Rock en août dernier. Ils ont tendance à faire certains reproches à Washington pour la politique de la Federal Reserve dans la crise. Les Américains en ont à peu près autant au service des Britanniques.
Mis en ligne le 20 mars 2008 à 15H41