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109423 mars 2015 – A la lumière de la crise ukrainienne étendue à la crise des relations avec la Russie, avec cet ensemble installé sans aucun doute comme la crise haute décisive de la situation du monde, ce qu’on nomme depuis au moins 1945 “relations transatlantiques” est caractérisé par une situation singulière faite d’un contraste remarquable de puissance. D’un côté, les relations transatlantiques n’ont jamais paru si serrées, si interconnectées, si intégrées (bien plus que durant les mandats Bush), au point qu’on peut parler comme nous le faisons d’un “bloc” (bloc BAO, pour ne pas le nommer) ; et, du point de vue de la communication-Système (communication ouverte, officielle), rien ne semble capable de gâter ces relations, de les distendre, bien plus que dans la période de Guerre froide et de l’immédiat post-Guerre froide, voire bien plus que dans la période post-9/11 de l’administration Bush. D’un autre côté, sans que ceci n’interfère avec cela, les relations transatlantiques semblent affectées d’un ensemble crisique fait de diverses crises sectorielles que nombre de commentateurs s’entendent à considérer comme graves, sinon très graves, jusqu’au point où certains parlent d’une situation potentiellement rupturielle. On peut lire M.K. Bhadrakumar, le 16 mars 2015, qui nous dit que l’Europe “pivote” vers l’Asie, tournant le dos aux USA ; ou William Pfaff, le 18 mars 2015, qui nous parle de “mauvaises relations transatlantiques, qui ne cessent d’empirer ... Les relations des USA avec les Européens de l’Ouest sont les pires depuis plusieurs années ... Le temps est peut-être venu pour Washington d’admettre que l’Europe pourrait déclarer son indépendance”.
Continuons sur ce dernier point d’un “ensemble crisique” à l’intérieur du bloc ... Si nous considérons ces relations transatlantiques d’une façon générale disons depuis 2009-2010 (avec la borne de l’arrivée d’Obama comme simple indication chronologique plus qu’une cause structurelle), l’on observe, pour prendre des cas divers du côté européen : un alignement inconditionnel et peut-être plus furieux que jamais du Royaume-Unis sur la politique agressive (la politique-Système) dont les USA sont les moteurs (et non “sur la politique agressive des USA”) ; une France totalement alignée sur les USA (disons “sur l’état d’esprit des USA”, encore plus que “sur la politique agressive [politique-Système] dont les USA sont le moteur”), au point où dans l’establishment-Système français, pourtant si complètement conformiste jusqu’à l’être catastrophiquement au-delà de certains autres cas européens, un malaise grandissant existe à cet égard en référence à la position traditionnelle d’indépendance nationale du pays ; une Allemagne qui reste, malgré un malaise puissant du à la crise haute mentionnée plus haut (relations avec la Russie enchaînant sur les retombées de la crise Snowden/NSA), complètement dépendante des USA. Les autres pays européens, malgré des cas intéressants (Grèce, Hongrie, Slovaquie, Autriche, voire Italie), suivent cet alignement, qui va jusqu’à l’hystérie significative dans certains pays de l’Europe de l’Est (Pologne, pays baltes). Dans tout cela, où trouve-t-on la justification d’un constat d’une possibilité d’une “déclaration d’indépendance” de l’Europe dont parle Pfaff ? Nulle part, – à moins, peut-être, d’utiliser un autre langage, une autre méthodologie d’analyse. C’est là notre démarche.
La notion de “bloc BAO”, présentée dans le Glossaire.dde (le 10 décembre 2012), n’est pas une simple convenance sémantique, une formule à l’emporte-pièce sans réel contenu structurel. Elle a une signification quasiment révolutionnaire pour nous, par rapport à la situation antérieure des relations transatlantiques, qui doit être rappelée pour mieux conduire notre analyse. A partir d’un dde.crisis portant sur le cas essentiel (également pour notre propos) de la “terrorisation” des psychologies, donc des esprits, des directions-Système, tout cela signalé le 18 juin 2012, nous présentions ainsi, dans ce Glossaire.dde, cette notion de “bloc BAO” :
«... Cette crise de 2008 et ses conséquences ont eu aussi, par le biais principalement de ce renouvellement spécifique de la terrorisation des psychologies des directions politiques et élites des pays du bloc BAO, un effet somme toute inattendu et original. La situation inégalitaire au sein du bloc BAO, entre les USA comme emblème de la surpuissance du Système et les autres pays (essentiellement européens) effectivement soumis au Système mais par l’intermédiaire de leur soumission aux USA, cette situation s’est radicalement transformée. Elle est devenue totalement égalitaire. Désormais, il existe une parité psychologique, un égalitarisme de perception de soi-même, entre tous les pays du bloc BAO, et singulièrement entre les USA et les autres pays du bloc. Nous ne parlons pas de situations stratégique, économique, militaire, etc., parce que notre discours est psychologique et parce que, et cela d’ailleurs justifiant notre méthode, tous ces domaines sont en flux constants et interdisent de fixer une situation ; nous parlons de la perception...
»Désormais, tous les pays du bloc BAO au travers de leurs élites et des psychologies terrorisées de ces élites, se perçoivent égalitairement, c’est-à-dire essentiellement libérés des liens de domination et de sujétion entre les USA et les autres... Cela ne signifie nullement la fin de la corruption et de l’influence US, comme par le passé, mais, contrairement au passé, cette corruption et cette influence s’exerçant à l’avantage de tous et apparaissant de plus en plus invertébrées, de moins en moins spécifiques. De même observe-t-on une homogénéisation des conceptions et des politiques, simplement par disparition de la substance au profit de l’apparence et de l’image. On serait conduit à observer qu’il s’agit là de ce fameux phénomène d’entropisation, qui est le but poursuivi par le Système; but au moins atteint avec les psychologies de ces élites, mais de plus en plus sûrement d’une façon contre-productive.»
Ce qui ressort de ce propos, c’est que le bloc BAO, donc les relations transatlantiques principalement mais que nous rebaptiserions “axe transatlantique”, s’est réuni en une proximité nouvelle, en un arrangement différent de ce qu’était auparavant cette alliance. La disposition principale de cet arrangement différent, en plus de l’élément central qui propose l’idée que les USA n’ont plus la position dominatrice qu’ils avaient auparavant mais qu’on y trouve une certaine “égalité” de responsabilité et de décision, est bien entendu qu’il (l’arrangement) est basé sur un état d’esprit de déroute. Il s’agit de la déroute de 2008 et de sa crise financière, et il s’agit de prendre le terme “déroute” dans son exacte signification ; la “déroute” come un «composé de route, du latin “disrupta” (rompue, partagée, séparée) en sous-entendant “via” (voie, chemin)», cela impliquant un accident rupturiel grave sur une marche en cours, suivi éventuellement d’un changement de parcours ou d’organisation. Cela ne signifie pas le changement total d’orientation qu’implique une défaite, ni une retraite (retour en arrière) ni une débâcle (défaite amenant la confusion, le désordre).
Il est manifeste pour nous qu’à partir de la déroute de l’automne 2008, l’axe transatlantique (toujours entendu avec ses appendices divers qui n’influent que très occasionnellement sur le comportement de l’ensemble) s’est formé en un bloc BAO et a entrepris une politique nouvelle. Aucune élaboration dans cette “politique nouvelle”, ce qui rend d’ailleurs le mot “politique” proche de l’impropriété, – il est employé ici pour la facilité. On parlerait plutôt d’une sorte d’activisme convulsif de type réactif dont les racines sont à trouver dans la situation psychologique de déroute engendrant une nécessité d’action-réaction par panique : si l’on voulait trouver une formule plus illustrative et avec l’ironie attristée qui sied, et la description à mesure de la bassesse de la chose, on parlerait d’une “politique de l’incontinence” : on agit convulsivement, sans conscience réelle de l’acte et encore plus sans réelle élaboration, comme pisse un incontinent...
Cette pseudo-“politique nouvelle” s’est manifestée par un interventionnisme permanent (“printemps arabe”, Libye, Syrie, Ukraine, etc.), selon des méthodes et des références nouvelles (“guerre de la communication”, promotion exclusiviste des “valeurs humanitaristes et sociétales”), impliquant nécessairement quoique implicitement comme proposition fondamentale offerte aux pays investis les politiques financières et économiques catastrophiques qui provoquèrent la déroute de 2008. (On pourrait penser qu’il y a dans cette convulsion incontinente une tentative désespérée, presque come une quête inconsciente du malade, d’obtenir des pays investis, par leur soumission forcée à cette politique catastrophique, la démonstration que la politique catastrophique n’est pas du tout catastrophique.) Pour cette raison que le moteur fondamental est une déroute illustrée par le paradoxe de l’aspect expansionniste forcené perçu comme une tentative désespérée et absolument angoissée, presque comme une prière de réhabilitation adressée à celui qu’on soumet en le disloquant, ce rassemblement est fondé sur un sentiment de panique et sur une posture à la fois défensive et hystérique, et la proximité extrême qu’on trouve entre ses membres est terriblement trompeuse quant à sa véritable cohésion, sa coordination, son intégration. C’est la terreur qui marque les esprits et surtout les psychologies (nous parlons de “terrorisation des psychologies”).
De ce point de vue, nous rejetons également et avec la plus grande vigueur l’idée d’hégémonie et de conquête du monde en tant que concept impérial offensif et conquérant. On est en apparence de plus en plus proches les uns des autres à l’intérieur du bloc parce qu’on est de plus en plus marqués par le poids terrible de la déroute initiale ; on est en apparence de plus en plus conquérant et les “conquêtes” se transforment instantanément en création de désordre dont l’effet finit très rapidement par se retourner de plein fouet contre les “conquérants” qui voient leur désordre psychologique autant que socio-politique s’accentuer, en s’exprimant aussi bien par des situations intérieures d’atonie et de dissolution (les USA) que par des situations de réactions populaires (montée des divers partis antieuropéens/antiSystème en Europe) s’exprimant également dans le même mode d’une “houle” de plus en plus dissolvante et déstructurante, et finalement écrasante, plus que par des effets de vagues de tempête comme le veut le processus normal.
En effet, nous avons employé dans le titre l’expression paradoxale de “houle de gros temps”. C’est un paradoxe parce que la houle, qui peut-être de très grande amplitude et d’un dénivelé extrêmement important, est plutôt le résultat d’un gros temps. (La mer formée en vagues agressives et furieuses par gros temps, se transforme, une fois le gros temps passé, en une houle plus apaisée même si de fortes amplitude et dénivelé comme conséquence de ce gros temps.) Pourtant c’est bien le cas paradoxal : il y a bien une houle en même temps que la tempête (le gros temps) gronde, et la houle comme résultat direct de la tempête. C’est la houle, ce mouvement en apparence signe et annonciateur d’apaisement, qui produit au contraire en suivant le rythme de la tempête un effet déstructurant et dissolvant des directions-Système en place ; c’est elle qui assure la force destructrice de la tempête et non pas les vagues furieuses qu’on voit d’habitude (images correspondantes aux situations révolutionnaires d’émeutes, de coups d’État, etc., courantes durant les XIXème et XXème siècles.).
L’axe transatlantique (le bloc BAO) n’a absolument plus rien de commun avec ce qui exista entre 1945-1948 et 1989-1991. Sans le moindre doute, jamais quelque chose d’aussi apparemment semblable ne s’est révélé à l’examen aussi complètement dissemblable. Le bloc BAO est un bateau ivre, sans barreur, sans gouvernail, sans compas, sans rien du tout qui suggère la moindre amorce de sens et de cohésion. La seule “force” qui le maintient en l’état qu’il présente dans le discours-narrative balbutié rythmant les rencontres, sommets et réunions sans nombre qui sont autant de rassemblements qu’on pourrait comparer à ceux des “Alcooliques Anonymes” ne parvenant qu’à s’encourager les uns les autres à être toujours plus alcooliques (toujours l’inversion, cette fois par rapport aux vrais Alcooliques Anonymes), c’est l’impitoyable prison du déterminisme-narrativiste où il s’est lui-même enfermé. Ainsi les membres du bloc BAO sont-ils à la fois de plus en plus proches, de plus en plus frileusement proches, et de plus en plus fragiles, de plus en plus désunis. Leur proximité qu’ils s’imposent comme un corset de fer de plus en plus serré est la cause mécanique fondamentalement invertie de leur absence grandissante de proximité.
D’une façon très nécessaire et compte tenu du fait de cette situation invertie d’union-désunion (apparence de proximité grandissante-réalité d’une absence de proximité grandissante), ce qui agit essentiellement pour l’effet réel de la désunion et de l’accélération de l’absence de proximité, ce ne sont pas des volontés politique prenant en compte des divergences, des intérêts nationaux, etc., mais des situations intérieures de plus en plus insupportables. Ces situations agissent comme des pressions politiques et surtout une oppression psychologique en constante augmentation sur les directions politiques, poussant “à faire quelque chose” contre cette “politique de l’incontinence”, – en sachant évidemment que le maître absolu, l’archétype producteur d’incontinence, la superpuissance-incontinente par excellence, ce sont les USA, – donc “faire quelque chose” contre les USA.
De là nait, est née récemment une impression nouvelle de fugacité et d’insaisissabilité, qui marque une étape nouvelle sur la voie ultra-rapide de la dissolution. Plus rien ne correspond à rien désormais dans le champ de l’activité politique, – chose qui s’est principalement révélée avec la crise ukrainienne et la crise des rapports avec la Russie, qui ont haussé les enjeux au niveau de l’opérationnalisation du phénomène. Ainsi voit-on apparaître d’une façon de plus en plus criante dans des contrastes très marqués (tout se réalisant par des positions de plus en plus extrêmes en raison des tensions diverses), des contradictions et des antagonismes singuliers au sein même du bloc BAO.
Cela conduit, de plus en plus souvent, dans des circonstances qui ne cessent de s’accumuler, à des constats brutaux qui semblent complètement renverser l’appréciation qu’on a de la puissance et de l’unité forcenée du bloc BAO. Il y a un mois, on pouvait écrire à propos de l’accord Minsk2, à propos des Franco-Allemands par rapport aux Anglo-Saxons (UK-US) ce que Joseph Kishore, de WSWS.org écrit aujourd’hui (le 21 mars 2015) à propos de la décision des Allemands, des Britanniques, des Français et des Italiens de rejoindre la cohorte des “fondateurs” de la banque d’investissement asiatique (la AIIB) lancée par la Chine comme un double concurrent de l’une ou l’autre institution du système financier mondial (d’obédience US) :
«The contradictions confronting American imperialism were revealed this month when Germany, France, Britain and Italy delivered a humiliating blow to the United States by joining the China-sponsored Asian Infrastructure Investment Bank, despite direct appeals from the Obama administration. The major imperialist powers, compelled to advance their interests within the framework of the US-dominated post-World War II order, are remilitarizing and beginning to chart a course that will inevitably lead some of them – Germany? Japan? – into direct conflict with the United States itself...»
Il y a effectivement cette impression de fugacité d’une unité qui paraîtrait par ailleurs inébranlable, ce paradoxe d’une fragilité complète dans le corset d’une intégration de fer, comme si les comportements semblaient ne pas avoir de logique conductrice pour leur donner une certaine cohésion. Alors qu’on semble absolument déterminés dans un combat incroyablement fabriqué et qui semble engager toutes les capacités de chacun, comme dans le cas ukrainien avec l’automatisme des sanctions antirusses qui suivent le formidable déterminisme-narrativiste imposant la fabrication complète d’une réalité ukrainienne alternative à la place de la réalité, à la fois soudainement et épisodiquement apparaissent des dissensions qui vont jusqu’à l’opposition complète. (On pense autant aux conditions de l’accord Minsk2 où l’on sembla percevoir une alliance objective Paris-Berlin-Moscou pour impose à Kiev certaines conditions, qu’à l’opposition affichée et constamment répétée d’un certain nombre de pays de l’UE aux sanctions antirusses qui continuent pourtant à être approuvées à l’unanimité.) L’autre situation exemplaire selon les cas cités est effectivement celle de l’union de fer des pays du bloc BAO pour défendre le système financier et économique dominant, essentiellement géré par les USA et dont l’équilibre même, sinon l’existence des USA dépendent, et cette union brutalement rompue malgré l’opposition furieuse des USA par les quatre principaux pays européens, jusques et y compris les Britanniques dans une affirmation qui fait considérer chez certains commentateurs la possibilité d’une rupture des quasi-sacrées special relationships.
Sur ce dernier point, on citera comme exemplaire de notre propos, – parce qu’excellent et en même temps complètement inapproprié, – ce commentaire de Russia Insider (Ruadhan Hayes), du 19 mars 2015 : «Today, some analysts advise British policy makers to reread Winston Churchhill’s Fulton speech carefully, in which he speaks not only of the United Kingdom and the United States, but about the whole empire. There have been calls to quit following in Washington’s footsteps and to consolidate Britain’s immediate Anglosphere represented not only by Canada, New Zealand and Australia, but also India, Singapore and significant parts of Africa. In this way London could regain its role of wise mentor among actively developing students.
»In any case, it would be naive to expect that one day newspaper editorials will contain news of the breakdown of the UK and US special relationship. Most likely, it will be a slow divorce with a gradual reduction in the level of cooperation. It is enough to look to the history of the collapse of the British Empire to understand that London knows how to do it gracefully in such a way that none of the parties is left with a bitter aftertaste.»
Ce commentaire incontestablement mesuré et acceptable ne rend pourtant, selon nous, aucun compte de la vérité de situation, ici et maintenant, du cas général du bloc BAO dont nous essayons de rendre compte. Nous ne pouvons plus raisonner selon les références et critères habituels qui, effectivement, conduiraient à cette sorte d’appréciation. La référence par exemple à l’habileté britannique pour gérer cette sorte de situation d’un divorce devenu nécessaire et habilement négocié sans trop faire de remous, si elle est fondée sur une expérience certaine et une apparente mesure, appartient en fait à une autre époque et à un autre monde. Au moins depuis 9/11 (et depuis bien plus longtemps, selon nous), l’habileté proverbiale des Britanniques n’a fait, à l’image des cousins transatlantiques, que produire catastrophe sur catastrophe ; pour le plus immédiat du constat des situations courantes, on en verra le témoignage notamment dans l’état intérieur du royaume, avec une City boursouflée d’illégalité, de fortunes déstructurantes et de corruption sur une échelle mondiale et globalisée, une situation sociale rappelant l’univers de Dickens avec I-phone et I-pode en plus, une identité fracassée et l’unité de Royaume-Uni menacée d’éclatement (cas de l’Écosse)...
Si nous avons adopté et si nous employons l’expression de bloc BAO (“Bloc Américaniste-Occidentaliste”) à la place des expressions classiques (“Occident”, “l’Ouest”, “axe transatlantique”), c’est pour marquer et rappeler constamment, presque d’une façon automatique, la nécessité d’adopter un autre point de vue, de changer l’état de l’esprit qui doit juger, – et ces remarques valant pour nous-mêmes, d’ailleurs et en premier lieu... Il est absolument nécessaire, lorsqu’on évoque l’axe transatlantique, les relations USA-Europe, l’OTAN, etc., de se débarrasser l’esprit de toutes les nombreuses références, historiquement justifiées mais eschatologiquement dépassées, à l’américanisation, à l’influence dominante des USA, à la sujétion aux USA, etc. Tout cela existe toujours, sans aucun doute, mais tout cela n’a plus du tout la même signification qu’avant, et n’a même plus aucune signification. A côté de ces comportements de vassalisation, on trouve désormais des comportements ignorant complètement les consignes des USA et trahissant ouvertement des engagements considérés comme sacrés par les USA. Le désordre intérieur implicite mais ravageur et irrésistible, désordre postmoderne puisque la postmodernité est désordre même par déstructuration-dissolution, – cette situation du désordre postmoderne qui est la véritable substance du bloc BAO, a remplacé l’ordre impeccable du “Monde Libre” du temps de la Guerre froide où tous (sauf un de Gaulle, bien sûr) étaient alignés au garde-à-vous et au cordeau.
La crise ukrainienne a joué un rôle essentiel dans cette mise à nu de la fragilité interne du bloc BAO qui existe depuis l’origine mais qui est aujourd’hui en pleine lumière. Avec elle, l’aspect crisique (compulsive-incontinence) de la politique du bloc s’est installé exactement sur sa frontière ; c’est une inversion vertueuse de la grotesque expansion de l’OTAN qui a porté la fragilité du bloc BAO aux portes de l’une des citadelles de la contestation de la postmodernité par la tradition (la Russie), mettant en évidence par conséquent la fragilité de la modernité, sa tendance irrésistible à la fragmentation, – à la déstructuration-dissolution selon les conceptions même de la postmodernité pour elle-même. L’aventure ukrainienne a enfin achevé cette entreprise de “déconstruction” typiquement postmoderne par la mise en cause radicale de la religion-symbole, ou de la métaphysique-symbole de l’antinazisme dans le fait du soutien du bloc BAO à une tendance néo-nazie affirmée, visible, tonitruante, en Ukraine. Ce dernier point était mis en évidence le 3 octobre 2014: «Il nous paraît évident qu’une telle évolution représente un immense danger pour le bloc BAO, dans ce qui lui tient de forces essentielles : la fabrication des faux-symboles (des symboles-simulacres) pour substantiver, dans le cadre du système de la communication, sa “narrative” générale, – et, dans ce cas, plus qu’une “fantasy-narrative”, il s’agit d’une “metaphysical-narrative”. Le point principal au départ de ce raisonnement est qu’il nous a paru toujours extraordinaire, dans le cadre de la crise ukrainienne et depuis que cette crise est arrivée à maturité, qu’une affirmation de communication aussi visible (insignes, formations, cérémonies, etc.) d’une tendance nazie puisse bénéficier d’un soutien du bloc BAO. Dans le bloc BAO, le fait nazi, avec tous ses symboles et ses images, avec surtout la charge formidable et terrible qui pèse sur lui d’être le concepteur, l’organisateur et l’exécutant de l’Holocauste, constitue un fait de communication, – à la fois politique, culturel, psychologique, etc., – d’une importance absolument considérable...» (Voir aussi le 8 décembre 2014.)
Ces diverses circonstances éclairent mieux encore cette évolution du bloc BAO, qui n’est que la mise à nu de la vraie nature du “bloc”, rassemblement terrorisé de forces au service du Système, enchaînées à la logique d’une politique-Système absolument catastrophique. Aucune solidarité fondamentale ne tient plus ensemble ces entités, – restes de nations châtrées de leurs principes souverains, organisations et bureaucraties faussaires et monstrueuses, productrices d’une sorte de “surpuissance impuissante”, et leur proximité qui semble si active et si affirmée se révélant sous nos yeux comme un simulacre ouvert à tous les vents ... Ainsi en est-il pour le ralliement des amis européens à la banque AIIB de la Chine honnie comme futur Grand Ennemi inévitable que Washington avait frappée d’anathème.
Il n’y a donc pas d’enjeu transatlantique, comme on pouvait encore en identifier un jusque dans les années 1990, lorsqu’une “affirmation européenne” pouvait encore avoir un sens pour les diverses nations impliquées, comme de même ces nations pouvaient encore prétendre à une existence souveraine. Aujourd’hui, tout est à définir selon la ligne de séparation antagoniste entre le Système et l’antiSystème, et l’on sait que cette ligne n’a aucune référence nationale, aucune référence géographique, aucune référence pseudo-idéologique, aucune référence politique et géopolitique, et ainsi de suite. Il existe une seule constante, qui est l’existence écrasante omniprésente du Système, cette masse formidable animant sa surpuissance, et les réactions antiSystème peuvent se réaliser partout et n’importe où pour activer ou accélérer la transmutation de la dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction. En l’occurrence, les rapports de forces et les centres de forces étant ce qu’ils sont, l’escapade des quatre “choses européennes” vers l’AIIB a nécessairement une valeur antiSystème qui est bonne à prendre, – ni plus, ni moins...