Une politique étrangère réduite à l'écume des intérêts et de la communication

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Une politique étrangère réduite à l'écume des intérêts et de la communication

Dans deux textes successifs, un pour son site Indian PunchLine le 5 septembre 2012, l’autre dans Strategic-culture.org du 6 septembre 2012 (pour une partie de ce dernier texte), l’avisé M K Bhadrakumar met en évidences (ou se moque de, qui sait ?) à la fois des illusions des dirigeants indiens quant aux promesses américanistes, à la fois, implicitement, du sérieux du programme de politique extérieure US (sur la plate-forme électorale du parti démocrate)… Les USA avaient largement acclamé, entre 2005 et 2008, le partenariat entre les USA et l’Inde nouvellement installé à l’initiative impérative des USA, comme le “defining partnerships of the 21st century”. Quelle place est-elle accordée à l’Inde dans le document du parti démocrate ?

«…A clutch of some 33 words in a foreign-policy statement of some 9000 words is all that the manifesto devotes to the ties with India. It is a sobering thought – the 0.03 percent priority accorded to India. The specific reference to India says, “we will continue to invest in a long-term strategic partnership with India to support its ability to serve as a regional economic anchor an provider of security in the broader Indian Ocean region”. That is to say, the US visualizes India in the long-term as a regional power in its region both in the economic and security spheres. There is no suggestion of any pre-eminence attributed to India as a South Asian power nor any echo of what the US Defence Secretary Leon Panetta said not too long ago, namely, that India is a “lynchpin” in the US’ entire Asia-Pacific strategy.»

M K Bhadrakumar explique les raisons de cette étrange réduction de l’Inde à une telle portion congrue et trouve essentiellement deux types d’argument : l’Inde n’a pas acheté autant de produits et filières US que Washington espérait, notamment dans les armements (pas d’achat de F-18 ni du prometteur JSF), et l’Inde n’a pas fait les “réformes” attendues par Washington pour permettre aux investisseurs US de s’y installer. Au niveau de la politique extérieure, l’Inde n’a pas abandonné ses mauvaises fréquentations (Iran, Russie, voire Chine, etc.) ni rejoint le camp BAO sans compromissions (par exemple, sa présence massive au sommet du NAM à Téhéran, pas du tout appréciée). Bref, l’Inde ne s’est pas transformée en satellite soumis et obéissant…

Certes, l’analyse est intéressante, – il suffit de lire les textes référencés pour le comprendre, – mais ce n’est pas à cela que nous voulons nous arrêter. A côté des remarques de Bhadrakumar, nous présentons un texte sur un incident, – non, il s’agit d’une “véritable crise”, déjà présentée, en partie, le 6 septembre 2012. Nous voulons parler du gravissime incident d’une phrase, concernant Israël et Jérusalem promise à devenir sa capitale, qui n’apparaissait pas dans la partie, que nous devinons considérable, accordée à Israël dans la plate-forme ; et d’un mot, concernant Dieu puisqu’il s’agit du mot “Dieu” lui-même, là aussi d’une importance considérable... Le Guardian fait rapport de cette “crise”, le 6 septembre 2012.

«The Democratic national convention in Charlotte has been plunged into chaos with a row over Israel threatening to overshadow Bill Clinton's speech as the second day of business was mired in a clumsy and embarrassing climbdown. Barack Obama intervened personally to try and head off a mounting clamour from Jewish donors and pro-Israel groups who objected to the dropping of a line supporting Jerusalem as the capital of Israel from the Democratic policy platform.

»A day after the platform was published without the recognition of Jerusalem, the line was reinstated. Pressure had been building over not only the dropping of that statement – which was part of the Democratic party platform in 2008 – but also the removal of any reference to God in the document. Those omissions threatened to alienate both Jewish Democratic supporters and Christian swing voters.

»But the reintroduction of the lines was equally controversial; its clumsy handling resulting in a confusing vote and booing on the convention floor…

»Jewish donors, particularly in New York, and pro-Israeli lobby groups are generous supporters not only to Obama but to individual senators and members of the House, who are also facing election in November. The changes were pushed through after Obama contacted party leaders asking for their reinstatement.

»Quoting Democrat sources, Jessica Yellin, CNN's chief White House correspondent, reported on Twitter that when Obama was told “God” had been removed from the platform, he responded: “Why on earth was it changed?”

»The self-inflicted row came as party leaders were congratulating themselves on the smooth running of the convention's opening day on Tuesday. The Republicans pounced on the original omission as evidence that Obama does not fully support Israel. The subsequent booing on the convention floor was portrayed by right-wing commentators as “Democrats booing God”…»

En présence de ces deux observations, nous n’allons certainement pas parler de politique extérieure et l’on comprend effectivement que ce n’est pas la chose qui importe lorsqu’on rapproche les deux circonstances. D’ailleurs, une “plate-forme” de parti, aux USA, n’est certainement pas un programme de politique extérieure et n’engage en rien le candidat ; mais elle est évidemment indicative des tendances, des objectifs, de la méthode, des orientations, etc. Dans les cas qui nous occupent, on se trouve effectivement fixé…

Ce qui nous importe, bien entendu, c’est le processus d’élaboration et les formidables disparités auxquelles ce processus conduit, et tout cela constituant sans aucun doute l’esprit de la politique extérieure des USA, ou disons de ce qui en tient lieu…

• Il y a donc, d’une part, le désintérêt total pour un pays de l’importance de l’Inde par ailleurs installé dans des “relations stratégiques spéciales” par les USA il y a quelques années, et alors destiné à devenir le levain d’un formidable bouleversement stratégique pour les USA et pour l’Inde elle-même bien sûr, pour l’Asie, pour l’équilibre du monde, etc. Nous trouvons M K Bhadrakumar bien aimable d’accorder tant d’intérêt à la chose (la réduction de l’Inde à 0,03% du texte) pour tenter de lui donner une explication rationnelle, jusqu’à penser qu’elle a été élaborée avec soin, selon une conscience stratégique vigoureuse et imaginative. Notre appréciation est plus simple, et confortée par le deuxième incident signalé : à part les thèmes obsessionnels et bénéficiant d’un lobbying majeur à Washington, il n’y a aucun thème de politique extérieure qui tienne bien longtemps sur sa valeur propre dans l’élaboration des programmes stratégiques US…

• En effet, le deuxième cas, qui constitue la grande affaire de la Convention démocrate, l’objet de polémiques, le “scandale”, c’est cette affaire de la ligne sautée du programme démocrate concernant “Jérusalem capitale” (phrase sans le moindre effet réel puisqu’inscrite depuis 40 ans sans effet jusqu’ici), et cette autre affaire du mot “Dieu” qui avait disparu de la plate-forme. Tout cela est exposé très précisément sans la moindre allusion à une préoccupation d’ordre stratégique, de conviction réelle, d’une conception ou l’autre, mais simplement par référence aux “‘riches donateurs juifs” US d’une part, aux “Christian swing voters” d’autre part (les “électeurs chrétiens flottants”). Les deux cas ont été portés directement à la connaissance et à l’arbitrage du président, qui s’est largement inquiété, dans des termes définitifs («Why on earth was it changed?», à propos de la suppression effectivement abusive de “Dieu”, qui pourrait peut-être s’en trouver courroucé, ce qui est un risque)… Tout cela restitue donc cette impression d’une totale indifférence aux réalités politiques et stratégiques, aux intérêts du pays, aux recherches des équilibres, etc., dans l’élaboration et le programme de politique extérieure, pour s’en tenir aux simples références d’intérêts financiers directs et d’intérêts électoraux non moins directs.

La confrontation des deux faits, si elle ne révèle rien bien entendu, confirme l’état réel de la politique extérieure des USA, conduites suivant des lignes obsessionnelles de plus en plus sclérosées et automatisées, et des lignes de pure communication renvoyant à la fois aux intérêts électoraux immédiats et à la morale d’apparence droitdel’hommiste, etc. (Bien entendu, d’une certaine façon sinon d’une façon de plus en plus certaine, il s’agit du même schéma pour les autres pays du bloc BAO, se mariant avec les mêmes orientations US, selon des nuances qu’on dirait de type “provincial”. De plus en plus, il est question de tendances-Système, relevant d’attitudes obsessionnelles ou pathologiques, et bien entendu de la sacro-sainte impulsion de communication, bien plus que de politiques ordonnées par les USA, selon le processus d’homogénéisation et d’égalitarisation du bloc BAO.) Il s’agit d’une stérilisation de la politique extérieure d'une part par désintérêt pour l’extérieur considéré d'un point de vue constructif, même hégémonique, d’autre part par un unilatéralisme complètement atrophié à ses tendances primaires (unilatéralisme lui-même des USA et du bloc BAO par extension), renvoyant à la projection pure et simple d’exigences impératives d’alignement et de transformation des zones et des pays concernés aux conditions d’aliénation du bloc BAO. L’Inde est effectivement un bon exemple : elle ne s’est pas conformée, malgré l’absence d’audace de sa politique que déplore souvent M K Bhadrakumar, elle est réduite à 33 mots et 0,03% du “programme” de “politique extérieure”… Tout cela constitue une marque convaincante de la décadence de la politique extérieure des USA et du bloc BAO, et, par conséquent, du gouffre à la fois conceptuel et opérationnel qui est en train de se creuser entre ce groupe et les zone et pays extérieurs au bloc.


Mis en ligne le 7 septembre 2012 à 16H23

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