Une politique “nature”

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Une politique “nature”


19 août 2002 — Lorsque, au début du mois, GW a remporté d'extrême justesse un vote du Congrès sur la législation Fast Track (Fast Track Authority, ou FTA), il s'est dit extrêmement satisfait et il l'a clamé longuement. Il a laissé penser qu'il s'agissait d'une nouvelle époque de prospérité qui s'ouvrait, pour les États-Unis (d'abord) et pour le reste, les partenaires commerciaux des USA. Il avait simplement oublié qu'entre temps, il était devenu épisodiquement protectionniste, au gré de certaines mesures qui firent du bruit. D'où la question que se posent les milieux concernés, résumée par ce titre du New York Times, dans ses éditions du 18 août : « Why Isn't Fast Track . . . Faster? »

Pourquoi ? Parce qu'il est difficile d'envisager de nouveaux accords de libre-échange impliquant d'aller vers l'abaissement des barrières, la réduction ou l'élimination des aides des gouvernements et toutes les autres sortes d'interventionnisme, alors que, par exemple, au mois de mai, et selon les mots de l'article de Edmund L. Andrews cité ici, « Congress passed one of the biggest reversals to free trade in decades: a measure to provide more than $100 billion in subsidies to American farmers over the next 10 years ». Cela nous donne la situation suivante :


« This month, he [Bush] won a hard-fought battle when Congress narrowly approved a bill that gives the administration “fast track” authority to forge big agreements to lower trade barriers. The law prohibits Congress from tinkering with the deals — it can only ratify or reject them — and most trade experts say it is essential for establishing American negotiating credibility.

» Already, the administration is moving on several fronts ...

»  The trouble is, the United States has created more problems by its own recent backsliding. By drastically increasing subsidies, the new farm bill has strengthened protectionist forces in Europe, where subsidies are much higher.

» In Brazil, South America's biggest economy, leaders are angry about the American refusal to lower barriers on sugar, corn, orange juice and textiles. Brazilian officials also say they are considering filing a legal complaint about American barriers to cotton imports.

» And last spring, the Bush administration infuriated leaders from Germany to South Korea by imposing steep new tariffs on foreign steel. The European Union has threatened to fight back with new tariffs against American products and has already filed legal complaints at the World Trade Organization.

» “We have dug ourselves into a hole, and now we have to climb out of it,” said Gerald P. O'Driscoll, who follows international trade at the Heritage Foundation, a conservative policy group. »


Le vote de la FTA, loin de nous “libérer” et de restaurer l'univers du libre-échange cher aux libéraux et aux internationalistes, au contraire ouvre une nouvelle période de batailles, d'affrontements, de pressions, etc, et à Washington même, et entre Washington et ses alliés. Ce n'est pas un paradoxe, c'est un monde nouveau, ou plutôt, c'est le monde conformément aux conceptions de GW, — le monde d'un pouvoir politique définitivement soumis à la convergence d'influences et de pressions diverses, antagonistes, destructrices, etc, et faisant une “politique” qui est la résultante au jour le jour de ces influences et pressions diverses.

En un sens, on dira que GW n'est pas un unilatéraliste, ni rien du tout d'autre d'ailleurs ; il est, comment dire, — “nature”, c'est-à-dire allant là où les forces qui le constituent le poussent, tantôt c'est vers telle orientation, tantôt vers telle autre. De la même façon, et quelles que soient ses convictions, on ne peut dire qu'il est protectionniste (pas plus qu'il n'est libre-échangiste). Simplement, il n'a jamais cessé d'affirmer que la politique officielle des États-Unis est évidemment le libre-échangisme, tout en prenant, dans le courant du temps politique et politicien de Washington, des mesures totalement protectionnistes, parce que l'apparence, le bon ton, le politically correct en un mot, disent que vous devez être libre-échangiste, et que la réalité du monde américain des influences et des pressions est plutôt, de façon évidente et naturelle, protectionniste. (Ainsi, les taxes sur les importations d'acier ou les subventions à l'agriculture sont des mesures totalement protectionnistes et interventionnistes mais qui ne reflètent en aucune façon une politique protectionniste et interventionniste ; elles résultent de l'efficacité des pressions de tel et tel groupe d'influence.)

Il n'y a aucune raison pour que le vote de FTA change quelque chose à cette situation. Les propositions que vont faire les Américains de GW à leurs alliés, partenaires et obligés seront évidemment contraintes par les influences et les pressions qui s'exerceront sur l'administration GW. (En un sens, le résultat final pourrait s'avérer pire, avec l'institutionnalisation dans la politique générale de GW des effets des pressions et des influences qui, dans les cas connus, acier et agriculture, pouvaient n'être considérés que comme des “accidents”.)

L'atmosphère à Washington dans ce domaine économique et du commerce, dans les mois à venir, sera tout le contraire de l'apaisement. Le vote de la FTA ne va faire que redoubler la bataille des influences, avec les perturbations vers les négociations extérieures par conséquent. C'est là qu'on pourrait parler d'une “situation nouvelle”, où même la FTA ne garantit plus rien, et notamment pas que le Congrès, par respect pour la politique commerciale de l'administration, approuve automatiquement tout accord de libre-échange négocié par l'administration et qu'il ne peut plus amender à cause de la FTA. C'est ce que note Charlene Barshefsky, de la façon suivante :


« Charlene Barshefsky, the United States trade representative in the Clinton administration, is worried that Congressional opponents of big trade deals will veto any agreement that seriously tampers with the anti-dumping provisions and other “trade remedies.”

» “The people who lost this fight [the FTA fight] by one or two votes, they won't let go of this issue,” Ms. Barshefsky said last week. “If the administration comes back with weak anti-dumping laws, Congress will kiss that agreement good-bye.” »