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26 janvier 2005 — Une question qui devrait être rapidement réglé entre la Chine et l’UE, c’est la question de la levée de l’embargo des armes (européennes) pour la Chine. Les Luxembourgeois, qui assurent actuellement la présidence de l’Union, font dire qu’ils ont le mandat du Conseil pour trouver une réponse satisfaisante, — c’est-à-dire impliquant la levée de l’embargo — avant la fin de leur mandat (30 juin).
Cette question est en train, tout aussi rapidement, de s’installer comme un sujet de discorde majeur dans les relations entre les USA et l’UE. (Naturellement, on doit lui ajouter le corollaire de l’affaire Galileo, également grave sujet de discorde transatlantique, et tout à fait du même ordre puisque les Américains objectent essentiellement au fait que Galileo va être utilisé par les Chinois.)
Les Britanniques sont en première ligne dans cette affaire (comme dans Galileo), parce que les Britanniques sont aujourd’hui les relais obligés de toute colère anti-européenne des Américains. Lorsqu’on écrit “relais”, on devrait plutôt dire : bouc émissaires, tant les Américains jugent que les Britanniques doivent “contrôler” l’UE pour eux, et toute démonstration de leur incapacité à cet égard est un aliment de plus pour une colère américaine qui s’exprime alors par une mise en cause des Britanniques. C’est le cas pour Galileo, c’est le cas également pour l’embargo des armes européennes.
Dans l’affaire de l’embargo des armes européennes, il y a deux thèses en cause.
• La première, c’est la position officielle britannique. Après un long effacement sur la question, avec soutien implicite des pressions US pour empêcher la levée de l’embargo, les Britanniques ont finalement choisi d’appuyer l’idée de la levée de l’embargo. Ils suivent les Français et les Allemands, déterminés à obtenir cette mesure. Désormais, les Britanniques se battent pour démontrer aux Américains que cette mesure est de peu d’importance après s’être initialement battu contre elle. Aujourd’hui, il importe de rassurer les Américains, terrorisés par la perspective. Le Scotsman du 13 janvier écrivait ceci, où l’on notera particulièrement cette précision savoureuse du ministre britannique des affaires étrangères Jack Straw assurant les parlementaires, et nous-mêmes, que les USA n’ont pas de droit de veto sur la décision (européenne) de levée de l’embargo. Nous voilà rassurés: « Mr Straw said that while efforts would be made to reassure the US administration, Washington would not be given a veto on the change. » Le 21 janvier, en visite en Chine, Straw confirmait le soutien britannique à la levée de l’embargo.
• Cette interprétation est renforcée par l’interprétation complémentaire, également britannique, de la position US. Elle consiste à dire que les Américains se sont fait une raison et acceptent la levée de l’embargo, notamment selon la garantie que le Code of Conduct européen sur l’exportation des armes imposera des limitations décisives aux livraisons européennes vers la Chine.
• La seconde thèse, c’est l’appréciation officieuse que les Américains sont absolument furieux dans cette affaire. Cette thèse est notamment explicitée par le commentateur diplomatique du Daly Telegraph, Anton La Guardia, le 15 janvier.
« Mr Straw insists that a revised EU code of conduct on arms exports, coupled with a new ''toolbox'' of measures to exchange information on weapons sales, means that arms controls on China would remain as tight as under the embargo.
» But America is deeply sceptical of such assurances, and well-placed sources are warning that the question of arms sales to China could explode into a new transatlantic row, more bitter even than the dispute over Iraq.
» The US sees China as its main long-term rival for global dominance and is worried about possible military conflict over China's declared desire to re-assert control over Taiwan, which America has vowed to defend. US officials argue that any easing of European arms control exports poses a threat to its soldiers. »
Ces points constituent les arguments des Américains transmis officieusement à leurs relais au Royaume-Uni. La Guardia en est un, comme l’est le Financial Times, lorsque, le 26 décembre 2004, il citait, exactement dans la même veine, des sources officieuses US (selon AFP): « “This has the potential to be a big brawl,” an anonymous senior Pentagon official involved in Chinese policy told the Times. “They’re talking about helping the Chinese kill Americans more effectively. This is not what Europe should be doing.” »
Quelle est la réalité? Les thèses conduisent à l’hypothèse la plus pessimiste, appuyée sur l’expérience passée qui nous dit deux points essentiels:
• Les manoeuvres d’apaisement britannique à destination de leurs “alliés” américains n’ont jamais rien produit de significatif, et l’on voit mal qu’elles aient un effet aujourd’hui, précisément dans ce cas.
• Tout ce qui concerne la puissance de la Chine, la question des armements et une politique stratégique européenne indépendante rend furieux l’administration GW et l’on voit mal pourquoi ce ne serait pas le cas cette fois-ci.
Des sources européennes observent qu’effectivement « l’attitude officielle de l’administration GW Bush est de minimiser cette affaire, mais c’est une attitude tactique. En réalité, ils sont absolument furieux et considèrent que c’est extrêmement grave. » Extrêmement grave, — plus grave que la crise transatlantique à propos de l’Irak? (« ...[T]he question of arms sales to China could explode into a new transatlantic row, more bitter even than the dispute over Iraq », écrit La Guardia.)
Les Américains préparent d’ores et déjà leur riposte. Elle portera sur les conditions de la coopération transatlantique des armements. On en reparlera.