Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
598Cet échange formel extrêmement bref (question-réponse opposition-gouvernement), en date du 21 octobre, aux Communes, marque une petite révolution au Royaume-Uni. Le signe avant-coureur de la révolution vient de Richard North, l’auteur du rapport « The Wrong Side of the Hill : The Secret Realignment of UK Defence Policy with the EU », dont nous avons déjà fait état.
Ann Winterton: To ask the Secretary of State for Defence whether the new aircraft carriers will be equipped with the Rafale aircraft.
Mr. Ingram: There are no plans for this.
La révolution, c’est d’évoquer de façon ouverte la seule existence de la possibilité que la Royal Navy envisage de choisir le Rafale français comme futur avion de combat embarqué. Il n’y a pas d’hypothèse plus sacrilège à Londres mais le fait de l’évoquer aux Communes tendrait à montrer qu’elle est en train de ne plus l’être tout à fait.
Dans son rapport du 13 octobre, violemment anti-européen et anti-Blair (la politique de défense de Blair y est présentée comme étant en réalité un alignement sur les normes et les thèses de l’UE), North évoquait pour finir la possibilité de l’abandon du JSF par le Royaume-Uni et la nécessité pour la Royal Navy de choisir le Rafale. Ann Winterton n’a rien d’une spécialiste de la défense mais c’est une originale, indépendante, spécialiste de déclarations intempestives et radicales (elle a fait des remarques dénoncées comme “racistes” sur les Pakistanais du Royaume-Uni), et elle pèse d’un certain poids au sein du parti conservateur (elle a été “ministre de l’agriculture et de la pêche” au sein du shadow cabinet jusqu’en 2002, avant d’être “punie” pour ses remarques publiques).
L’hypothèse qui prend forme à propos de l’intervention de Winterton est qu’elle a agi sur la sollicitation du clan extrémiste anti-européen et atlantiste des conservateurs, duquel North et le Centre for Policy Study sont proches. Si l’on tient compte du contexte de crise du programme JSF, avec l’hypothèse du retrait britannique, on peut estimer que certains chez les conservateurs commencent à considérer que l’hypothèse soulevée par North (l’achat du Rafale) n’est plus du domaine de l’impensable. Il s’agit alors d’allumer des contre-feux dans le cas où éclaterait l’incendie, en forçant le gouvernement à des engagements. La sécheresse de la réponse de Ingram (il aurait pu ridiculiser la question en parlant de l’engagement dans le JSF, mais c’est justement que celui-ci n’est plus assuré) est l’indication que le gouvernement travailliste est plutôt gêné qu’on soulève ce problème. En plus de n’être plus complètement sacrilège, la question n’est plus si absurde qu’elle aurait pu paraître il y a deux ou trois ans, — et ceci explique cela.
Mis en ligne le 31 octobre 2005 à 12H53