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571Marine Le Pen va effectuer un voyage aux USA en novembre. La dirigeante du Front National soigne ses contacts et sa documentation sur les grands thèmes internationaux autour de la crise, notamment les grands thèmes financiers et commerciaux comme le protectionnisme, la question du dollar, etc. Le succès incontestable de Montebourg et de ses idées de “démondialisation” dans les primaires socialistes la pousse évidemment dans cette voie…
Mais un point particulier nous arrête dans le voyage de Marine aux USA : l’annonce de sa très probable rencontre avec Ron Paul. La nouvelle a été donnée du côté US, par une annonce faite par le cabinet de Ron Paul au Congrès. (Dans RAW Story, le 12 octobre 2011.)
«Republican Representative and presidential hopeful Ron Paul aims to meet with the head of France’s far-right National Front party, Marine Le Pen, during her upcoming U.S. visit, his office said Wednesday. “Madame Le Pen has requested a meeting and Congressman Paul has agreed to a meeting, if he is in town, and as of today it looks like he will be,” Paul’s communications director, Rachel Mills, told AFP by email. “Congressman Paul is also open to meeting with any of the other candidates, it should be noted,” she said, referring to France’s 2012 presidential race. […]
»In mid-September, she said would travel to the United States in early November and hoped to meet key officials tied to the archconservative “Tea Party” movement to discuss the global economic crisis. “There will be Republicans, I hope there will be Democrats, because I want to meet with everyone,” she said. Le Pen specifically cited hopes of meeting Ron Paul, calling him “a great defender of an international monetary system anchored on the gold standard.”»
Cette rencontre rassemblera des situations et des positions extrêmement significatives, et elle vaut qu’on s’y arrête sans nécessairement éprouver l’indignation de rigueur qui frappe toute information ou réflexion concernant, même en partie, le Front National. On trouve en effet dans ces deux personnalités que l’on situe à l’extrême droite, sinon à la droite extrême (pour Ron Paul, par rapport au parti républicain), des positions à la fois radicalement convergentes et divergentes, et des préoccupations qui sortent du standard habituel du jugement européen moyen sur l’extrême droite. A cet égard, on peut juger que Ron Paul est pionnier en l’espèce ; si les libertariens, dont il fait intellectuellement partie, sont d’habitude situés à la droite extrême de l’échiquier US, leurs préoccupations concernent beaucoup plus la grande politique financière, monétaire et commerciale, que le fatras moralo-politique qui affecte le jugement européen sur l’extrême droite en général. Il en résulte que la rencontre Le Pen–Paul met singulièrement et symboliquement en évidence que seule la droite extrême US est capable d’avancer des positions novatrices sur des points aussi fondamentaux que la question du dollar et du “monopole” (national et international) de cette monnaie pourrie, ou que la question de la Federal Reserve qui est le moteur central de l’aggravation de la crise bancaire depuis 2008. (Accessoirement pour l’occurrence, mais fondamentalement en général, il y a la position également complètement audacieuse et novatrice de Paul sur la politique extérieure et les guerres menées par les USA au nom du Système.)
Le paradoxe est que ces deux droites extrêmes (Le Pen et Paul) se rencontrent sur ces sujets fondamentaux mais semblent rester complètement étrangères sur les questions structurelles des grands ensembles politiques. Ron Paul est un constitutionnaliste minutieux, ferraillant depuis toujours pour les droits des Etats, et donc viscéralement opposé aux prérogatives du centre fédéral qu’est Washington, en même temps qu’il est partisan de limiter au maximum l’“intervention publique” (dito, Washington) dans les affaires des Etats ; ces mêmes conceptions l’amènent à prôner l’introduction d’une deuxième monnaie d’échange parallèle au dollar (il cite l’or, notamment), pour ôter à ce même dollar ce qu’il dénonce comme une position monopolistique. Dans certaines circonstances, on ne peut écarter l’idée que Ron Paul est un sécessionniste potentiel, qu’il pourrait l’être d’une façon affirmative si la situation interne aux USA devenait de plus en plus difficile. En face de lui, Marine Le Pen et le FN s’affichent comme nationalistes, avec un Etat central fort, une tendance affirmée à l’interventionnisme en matière économique, etc. D’autre part, si l’on se place du point de vue européen plus que du point de vue national français, comme toutes nos élites “nationales” nous recommandent de faire, assez curieusement les positions de Ron Paul et de Le Pen sont à nouveau proches : la Française Le Pen déteste Bruxelles comme centre européen (européaniste), autant que Ron Paul déteste Washington comme centre américaniste.
L’on observe une fois de plus, sans surprise du reste, que les franges extrémistes des élites du Système (droite certes, gauche dans une certaine mesure également), en général objets de censures plus ou moins prononcées du Système, sont les groupes les plus proches de propositions de solutions de rupture antiSystème sur des sujets fondamentaux. Il n’est pas assuré que ce constat soit suffisant pour permettre à ces groupes de s’exprimer sur ces questions. Les grands magmas institutionnalisées représentant la façade politique du Système, et tenant lieu de “directions politiques”, sont totalement à la dérive sur tous ces grands sujets, incapables de sortir de l’enfermement dogmatique et des structures fondamentalement subversives où les tiennent le Système. Le reste, l’apparence, l’“écume des jours” politiques se règlent à coups d’anathèmes et d’excommunication (extrême droite française) et à coups de silences répétées, insistants et incantatoires (Ron Paul, dont on espère qu’il disparaîtra de cette façon). Toutes les analyses libérales et modernistes classiques, à consonance idéologique, et religieusement idéologique, n’ont plus la moindre substance, sont d’une pertinence nulle et ainsi de suite. Ce n’est là d’ailleurs qu’un aspect de plus du désordre général puisque, dans l’hypothèse très improbable d’une victoire électorale de l’un ou l’autre de ces groupes politiques à la marge extrême du Système, ou d’une arrivée au pouvoir majoritaire de l’un ou l’autre (essentiellement, l’hypothèse Ron Paul aux USA), et considérant que désormais leurs actions principales porteraient sur les sujets fondamentaux du Système (monnaie, finance, commerce), l’on se trouverait non pas au bord de changements radicaux ordonnés mais dans le cas de l’accélération décisive de l’implosion générale du Système.
Mis en ligne le 14 octobre 2011 à 07H27
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