Une rude semaine

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11 janvier 2003

S'il n'y avait eu toute cette puissance en jeu, celle qui nous fout la trouille, et la nécessité où nous semblons nous trouver de devoir faire la promotion de l'Amérique pour se faire croire que nous sauvons le Progrès et la rationalité occidentale, alors que nous ne protégeons qu'un mythe, — la politique américaine actuelle à l'encontre de l'Irak serait jugée depuis belle lurette, sans tambours ni trompettes, comme une imposture assez médiocre, pleine de faux-bruits et de fureurs artificielles et washingtoniennes, « écrite par un idiot et qui ne signifie rien ». (Je ne sais même pas s'il est nécessaire d'en appeler au Grand Will pour conforter le jugement. C'est leur faire bien de l'honneur. Enfin, passons.)

Une telle réalisation très ouverte et proclamée de la chose grotesque soulagerait nos experts. Ils ne seraient plus obligés de devoir imaginer chaque jour des arguments nouveaux pour l'attaque de l'Irak, au fur et à mesure que ceux qu'on a avancés la veille se révèlent vides, fabriqués, stupides, ennuyeux. Voilà où en est la civilisation occidentale, serait-on d'écrire en cédant à la tentation de la pompe ; tout juste un bazar de petits faussaires dotés de moyens gigantesques, dans le genre dinosaure (y compris l'anatomie).

Mais non, ce n'est pas cela, ou bien ce n'est pas que cela. On comprend que la crise va plus loin que l'Irak, que l'Irak n'est qu'un symbole même si c'est autre chose que symbolique d'être Irakien aujourd'hui. (Imaginez-vous ces gens, chez eux, les Irakiens de base, attendant depuis près de quatorze mois de savoir à quelle smart bomb ils seront grillés, quel avion stealth viendra les attaquer une nuit, quels obus leur tomberont sur la tête, un matin où il ne fera pas trop chaud parce qu'il ne faut pas que le G.I.'s de base soit indisposé ?)

La semaine qui s'achève ne fut pas inutile et elle fut même importante (cause de cette chronique rapide, après tout). Tony Blair nous a dit certaines choses intéressantes,, et Javier Solana de même, en se confiant au Financial Times. On sait ce que ces mots de ces connaisseurs nous disent en réalité : la crise est terrifiante, fondamentale, et, bien sûr, ce n'est pas celle qu'on disait jusqu'alors. La crise est celle de l'Amérique, et nous sommes secoués par elle, et nous ne pourrons plus faire longtemps l'économie d'en examiner les fondements et d'en mesurer les conséquences.

Quant aux super-hawks, bien sûr ils enragent ou bien ils paniquent, ou bien ils plastronnent. Ils vous jurent qu'ils n'ont pas dit leur dernier mot. On les croit sans peine. En attendant, finità la comedia, — on commence désormais à comprendre dans quelle tragédie nous sommes plongés. Il n'est plus question du bien et du mal, ce qui n'est pas vraiment trop grave ; il s'agit des manigances humaines, désormais poussés à l'extrême et exposées au grand jour. La guerre, si elle a lieu, aura cette marque-là, et nullement celle de la Volonté de Dieu.