Une semaine de plus dans la chronique de la fin du monde…

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Au cas où vous ne l’auriez pas noté, nous sommes passés, à Washington, au bord de l’abîme ; c’est-à-dire à une petite semaine de la mise en chômage technique pour cause de cessation de paiement du gouvernement des Etats-Unis, pour cause initiale de fermeture des robinets des crédits de fonctionnement par le Congrès. Quelques observations à ce propos de Dan Friedman, du National Journal, le 26 septembre 2011 (en gras, et pour l’entretien de notre humeur apocalyptique courante, les termes de l’apocalypse évitée, – pas de chance, la “chance of a government shutdown” n’a pas été rencontrée…)

«In a step back from the brink, Senate Democrats and Republicans have agreed on a continuing resolution that would include $2.5 billion in disaster aid funding and which would eliminate the chance of a government shutdown next week.

»The Senate approved a new continuing resolution by a 79-12 vote, after cloture failed on the original CR offered by Senate Majority Leader Harry Reid, D-Nev. […] “This compromise should satisfy Republicans, because it includes their own 2012 funding level and it should satisfy Democrats,” Reid said…»

On notera que le “compromis” concocté par les démocrates majoritaires au Sénat l’a été, comme d’habitude, à l’avantage des républicains, qui voient leurs exigences rencontrées. Nous laissons de côté le fond de l’affaire, qui ressort du kafkaïen imbroglio budgétaire en cours à Washington, pour observer combien l’accord-bidon du 2 août dernier ne sert qu’à attiser les antagonismes furieux qui caractérisent Washington, et dont les démocrates sortent toujours perdants. (C’est ce que nous signifie Friedman, en observant l’incapacité du Congrès d’arriver à un accord sur quelque décision budgétaire que ce soit sans une crise qui nous rapproche de l’abîme désormais bien connu : «The deal likely averted a shutdown even as it highlighted the inability of the divided Congress to agree on almost any spending measure without brinksmanship and cross-chamber sniping»).

Cela nous amène à la dernière chronique de Charlie Cook, de Cook Report, qui publie une commentaire chaque semaine dans le même National Journal. Cook est l’un des meilleurs commentateurs des affaires politiques-politiciennes de Washington, essentiellement au niveau statistiques et de la tactique des partis, au niveau des magouilles et arrangements des partis. Il n’y a aucune poésie dans ses commentaires, ni aucune vision à long terme, ni aucune projection intuitive de haute politique. Seule l’intéresse la situation politicienne de Washington. Pour cette raison, on prendra avec d’autant plus d’intérêt la prévision qu’il fait aujourd’hui (ce 27 septembre 2011) du résultat de la saison électorale 2012 (élections présidentielles et législatives de novembre 2012), sans nous attacher plus, là non plus, au sujet à propos duquel il fait cette prévision (le sort de la reforme de la sécurité sociale de BHO en cas de victoire républicaine).

«It's hard to find many upbeat and optimistic Democrats these days; many seem distinctly worried if not apoplectic about the 2012 elections. Thinking about those lofty days when Barack Obama was elected and sworn in as president of the United States, let's just say this wasn't the cruise that Democrats and particularly Obama supporters signed up for.

»At the risk of sending more Democrats reaching for their Prozac, consider this not implausible scenario: Republicans lose 10 to 15 House seats but maintain their majority, albeit a more narrow one. In my mind, this is the single most likely outcome in the House. Across the way in the Senate, the GOP picks up a net gain of four or five seats, creating either a 51-49 or 52-48 Republican majority in that chamber. Now let's say Obama loses reelection, whether it's to Texas Gov. Rick Perry, former Massachusetts Gov. Mitt Romney, or any other GOP contender.

»Obviously for Democrats, who less than two years ago held not only the presidency but also substantial House and Senate majorities, this scenario would represent something just short of the end of Western civilization as they know it…»

“La fin de la civilisation occidentale” ? Pourquoi pas, et bon débarras… En attendant, le constat qu’on peut faire est de deux ordres, – et un constat dans une situation qui présente une période d’apparent apaisement après la période hystérique de juillet-début août (crise de l’accord sur la dette du gouvernement). La crise du pouvoir US est devenue absolument permanente, avec les pics de paroxysme qui attire sur elle l’attention, et le busines as usual du reste du temps, qui n’empêche que chaque négociation au Congrès conduit l’ensemble du Système au bord d’un nouveau paroxysme (“au bord de l’abîme”), mais extrêmement discret dans ce cas. Dans cette situation de crise permanente, les démocrates sont de plus en plus perdants, essentiellement à cause de la personnalité et de la politique du président : une perte de confiance et de soutien grandissant sur la gauche du parti (voir l’évolution de la communauté africaine américaine vis-à-vis d’Obama, voir le mouvement “Occuper Wall Street”, largement d’inspiration de la gauche démocrate alliée aux activistes dissidents de gauche) ; une pression grandissante sur sa droite, de la part du parti républicain, malgré toutes les concessions faites… Obama, et les démocrates fidèles avec lui, sont pris dans une tenaille entre une gauche qui se rétrécit et un droite de plus en plus offensive, avec un pouvoir complètement paralysé, cela empêchant les actes et mesures qui pourrait être opposées à cette tendance.

C’est l’état actuel de la situation, avec une “crise” à peine mentionnée qui vient d’être évitée de justesse alors qu’on se trouve dans une période de business as usual. C’est pour cette raison que Cook, qui est le contraire d’un “prophète de malheur”, un de ces esprits envisageant ou anticipant des événements dramatiques (comme il y en a à dedefensa.org), offre pourtant une prévision effectivement apocalyptique («…something just short of the end of Western civilization as they know it…»). Parce que la victoire républicaine lui paraît être une probabilité, d’une part, parce que cette victoire, par sa propre dynamique, par l’entraînement même de sa logique, sera nécessairement une victoire absolument radicale de tout ce qu’il y a de plus extrémiste dans le parti républicain. Ce que Cook décrit là n’est pas une crise, ou “la crise” aux USA par définition, mais la situation qui émergerait en novembre 2012 selon le point de vue du commentateur business as usual… Et c’est à partir de cette situation, ou même avant, dans l’anticipation de cette situation, que la crise réelle évoluera vers un paroxysme qui sera nécessairement bien au-delà de la comptabilité électorale et de la situation politicienne washingtonienne. (En effet, la victoire républicaine comme l’envisage Cook ne serait pas, au contraire de ce qu’il envisage comme commentateur de la “normalité politicienne”, seulement un virage vers un régime radical, mais simplement le facteur décisif de l’explosion de la crise, après tant d’explosifs divers accumulés depuis des années…)

Cook est un baromètre de la “normalité politicienne” washingtonienne, et l’un des meilleurs du genre. Sa prévision montre que cette normalité constitue déjà une crise fondamentale du Système, confirmant tous les avatars et travers du Système. C’est seulement à partir de cette base, – après son établissement et peut-être même avant, – qu’il faut envisager la très probable Grande Crise de 2012 aux USA.


Mis en ligne le 27 septembre 2011 à 16H47

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