Urgent: on demande un bouche-à-bouche pour le JSF

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Urgent: on demande un bouche-à-bouche pour le JSF


30 juillet 2005 — En 2000, le TGE (Très-Grand Expert) de l’industrie aérospatiale du monde (c’est-à-dire l’industrie aérospatiale américaniste), Richard Aboulafia, avait écrit (dans Aviation Week & Space Technology, 2 janvier 2000) l’une et l’autre de ces quelques phrases qui vous expédient groggy: « It could be said that JSF is as much a national industrial strategy as it is a fighter program. The JSF could simply do to the European military industry what the F-16 almost did: destroy it. » Au reste, dans un rapport publié il y a peu et vendu au prix qu’il faut, le TGE fit un “copier-coller” et reprit les phrases telles quelles, tant l’ensemble est de belle facture littéraire et conceptuelle, — non sauf ceci: F-35 et plus JSF, — et puis ceci aussi, que nous n’avions pas noté sur l’instant et qui vaut pourtant son pesant de pellicule: “kill it” (version 2005) au lieu de “destroy it” (version 2000); cela fait quand même plus John Wayne dans Les diables de Guadalcanal.

Le JSF est la première merveille du monde du domaine, et il le reste selon le TGE, dans tous les cas en février 2005, date de son plus récent rapport sérieux sur la chose. La question annexe, pas envisagée par le TGE, est: le JSF respire-t-il encore?

Aujourd’hui (c’est-à-dire hier et même avant-hier, 28 et 29 juillet), un journal dont on se demande s’il faut le qualifier de grand quotidien économique bien informé ou de “comics” pour galopin, le Financial Times, publie une information (?) sur le sort du JSF américain, — à faire frémir, l’information. Nous frémissons. Le TGE, sans doute en vacances à Malibu, n’a pas le loisir de frémir.

En gros, cela donne ceci, d’après Defense News (Reuters) du 29 juillet, qui en rapporte la substance, sans trop de commentaires tant la chose laisse sans voix (“speechless”):


« The U.S. Defense Department is considering proposals to cut the $200 billion-plus Joint Strike Fighter program by up to 70 per cent, Britain’s Financial Times newspaper reported on July 29.

» The Pentagon has looked at several proposals to cut the project as part of a department-wide review of all weapons systems, the FT said, citing people briefed on internal Pentagon discussions. The report said one proposal includes scrapping the version of the JSF being built for the U.S. Air Force, which would see the 2,400-fighter project cut by 1,700 aircraft. A second proposal would see the U.S. Navy’s version cut, the paper said.

» The Pentagon denied that senior decision-makers were considering cutting parts of the JSF, the FT reported. “Speculation about individual programs by people who themselves will not be involved in the decisions is irresponsible, uninformed and unhelpful,” it quoted Pentagon spokesman Larry Di Rita as saying. “I have no doubt that somewhere in the beancounting end of the department people are laying out all kinds of possible scenarios, but if they are doing that, it is on the basis of incomplete slivers of info.” »


Pour finir, le très court articulet cité ici nous précise: « The Joint Strike Fighter is a U.S.-led effort to develop a relatively affordable family of radar-evading, supersonic multi-role warplanes with co-financing from eight other countries. » Cela pour nous rappeler la chose de la coopération et nous faire supposer que les huit autres pays coopérants sont soumis au choix draconien de mettre l’édition du FT à la poubelle ou d’envisager un mémo interne pour se poser quelques questions sur le sort de leur coopération dans le programme JSF.

Il faut en effet préciser, comme le FT lui-même le fait, que personne parmi les huit pays coopérants dont certains se targuent d’être grands et habiles, n’est au courant. Pas parce que la chose n’a pas eu lieu (maintenant, soyons sérieux: le FT n’a pas l’habitude de publier des billevesées) mais parce que, selon le même FT, « In spite of the size of the changes being considered, those who have been briefed say none of the eight international partners on the JSF programme, including the UK, has been consulted ».

Le quotidien britannique, pudique et flegmatique comme il sait être, ajoute ce commentaire sans fioritures: « The British Ministry of Defence declined to comment. » Cela signifie qu’en tendant un peu l’oreille du côté de Whitehall, en choisissant un jour sans attentats à Londres, on pourrait entendre les exclamations de fureur et insultes diverses (“You Sanavabitches, Bloody Yanks”, par exemple) (voir note ci-dessous) résonner d’un mur à l’autre dans les divers services du MoD concernés. Les “Britts” auront, dans le cas du JSF comme dans les autres cas de leur “relation privilégiée”, bu le calice jusqu’à la lie, avec la surprise de découvrir qu’il reste toujours un peu de lie à boire après qu’on ait cru avoir effectivement bu le calice jusqu’à la lie.

Le FT note encore, plutôt acide derrière le flegme, à l’image de ses inspirateurs à Whitehall ou à Downing Street:


« Any decision to cut the number of aircraft produced would drive up the costs of the remaining fighters, since development costs, which have risen from $25bn when the programme was launched in 1996 to $45bn today, would be spread out over a smaller number of aircraft.

» Analysts said such a price rise would put the entire JSF programme in jeopardy, since remaining customers might no longer be able to afford the fighter. »


Le commentaire sur le fond demande un peu plus de temps. On y reviendra. L’information du FT, en effet, a pour premier effet de nous laisser “speechless”, comme le MoD lui-même, — mais pas tant sur le sort du JSF que sur le comportement des Américains, qui font toujours mieux que le pire qu’on attend d’eux. Enfin, il faut raison garder: tout cela ne concerne que des “scénarios”, envisagés, nous dit notre petit doigt, dans le cadre de la QDR-2005, modèle de mesure et de rigueur comme chacun sait.


@NOTES = “Sanavabitches” est la transcription littérale du fameux “son of a bitch” (traduit qui veut, mais “fils de chienne” ou, mieux, “fils de pute” pourrait faire l'affaire), éructé par Georges S. Patton quand il jugeait que ses Sherman n'allaient pas assez vite, aux trousses des panzers en déroute.