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11635 octobre 2002 — Nous revenons sur cet article du Sidney Morning Herald du 3 octobre. Il reprend le compte-rendu de conférences de Richard Butler dans le circuit universitaire australien et illustre involontairement une extraordinaire caractéristique, non seulement de la crise actuelle, mais, plus important, de la psychologie américaine. (L'article est reproduit ci-dessous, pour mémoire.)
• Butler d'abord, homme “au-dessus de tout soupçon”. Cet ancien patron de l'UNSCOM (c'est lui qui dirigeait l'ex-Marine Scott Ridder, devenu depuis l'un des opposants les plus en vue de la guerre en Irak). Butler s'est signalé pendant son temps à l'ONU comme très proche des USA, jusqu'à faire naître le soupçon d'une réelle proximité de la CIA. Il paraît difficile de voir en Butler un antiaméricain de quelque façons que ce soit. Ses commentaires doivent être pris pour ce qu'ils sont : un témoignage direct sur le comportement américain.
• Ce que nous dit Butler, c'est qu'on se trouve, avec les Américains, devant des gens qui sont dans un univers différent, qui raisonnent de façon différente. Pour eux, effectivement, il y a l'Amérique et tout ce qui lui est lié, qui est nécessairement, moralement “bon”, — et les armes de destruction massive, dont le nucléaire, tombe, comme le reste, dans cette catégorie. Cette appréciation n'a rien à voir avec l'intelligence. C'est un problème d'éducation, de conformation d'esprit. On devrait s'arrêter de façon sérieuse à l'hypothèse d'un constat selon lequel le cadre américain, la pression de la circulation de l'information (évidemment orientée) dans un pays qui n'est qu'information, finissent effectivement par conformer la psychologie humaine. (Butler : « My attempts to have Americans enter into discussions about double standards have been an abject failure — even with highly educated and engaged people. I sometimes felt I was speaking to them in Martian, so deep is their inability to understand. What America totally fails to understand is that their weapons of mass destruction are just as much a problem as are those of Iraq. »)
• Nous avons à explorer ce territoire pour nous complètement inconnu (pour ceux qui n'ont pas lu les auteurs du passé qui ont beaucoup écrit là-dessus), de la psychologie américaine. Butler montre qu'il effleure une explication, acceptable lorsqu'il attribue cette attitude des officiels américains, « even... highly educated and engaged people », à l'influence de Hollywood et de ses scénaristes. Effectivement, Hollywood fait partie d'un des grands moteurs producteur d'“informations” chargé de mettre en forme la psychologie américaine. (Dans le même ordre d'idée, on se rappellera que l'idée de la Star War [SDI] de Reagan est venue à ce dernier à partir de la lecture des comics du genre, Buck Rogers et le reste, qui formaient une part importante de sa lecture générale.)
• Nous avons encore beaucoup à apprendre, beaucoup à accepter de la réalité psychologique américaine. Cela nous aidera à comprendre la situation politique actuelle et la cause des humiliations que subissent quotidiennement les Européens. Un signe de notre incompréhension s'inscrit clairement lorsque l'auteur de ce texte titre son article : « Butler accuses US of nuclear hypocrisy ». Certes, le titre lui est inspiré par l'assimilation abusive que Butler fait de l'attitude des trois puissances nucléaires occidentales « I confess, too, that I flinch when I hear American, British and French fulminations against weapons of mass destruction, ignoring the fact that they are the proud owners of massive quantities of those weapons, unapologetically insisting that they are essential for their national security, and will remain so. » En réalité, il n'est aucunement question d'hypocrisie pour les Américains, même si l'accusation peut-être portée contre les Français et les Britanniques. (Quant à nous, nous choisirions plutôt : réalisme, éventuellement cynisme. Dans tous les cas, pour les Français, vous ne trouverez jamais un seul spécialiste et politicien estimant que les systèmes français sont moralement “bons”. Ils sont utiles, nécessaires, vitaux, essentiels pour la France, etc. Mais au-delà, rien du tout.)
• ... “hypocrisie”, c'est le « caractère et attitude d'une personne qui déguise son véritable caractère, cache ses véritables tendances et pensées, feint des opinions » et ainsi de suite. Il y a une attitude de conscience. On n'aime ou on n'aime pas, mais l'hypocrite n'est ni inconscient, ni innocent. Il sait ce qu'il fait, et lorsqu'il parle de “systèmes moralement bons” pour le cas qui nous occupe, il sait que c'est une galéjade qui peut le servir. Les Américains, ce n'est rien de cela, comme Butler l'a constaté (et son jugement collectif d'hypocrisie montre qu'il lui reste à comprendre des choses). Les américains croient ce qu'ils disent dans cette circonstance, comme dans tant d'autres. Ils ne mentent pas, c'est leur psychologie et l'éducation qui leur a été donnée qui les conduisent à ces affirmations évidemment sincères de leur point de vue. C'est une situation effrayante, bien plus effrayante que s'il y avait hypocrisie.
“Butler accuses US of nuclear hypocrisy”
By Gerard Noonan, Education Editor — October 3, 2002, Sidney Morning Herald
The former chief weapons inspector in Iraq Richard Butler has lashed out at United States ''double standards'', saying even educated Americans were deaf to arguments about the hypocrisy of their stance on nuclear weapons.
Mr Butler, an Australian, told a seminar at the University of Sydney's Centre for Peace and Conflict Studies that Americans did not appreciate they could not claim a right to possess nuclear weapons but deny it to other nations.
“My attempts to have Americans enter into discussions about double standards have been an abject failure — even with highly educated and engaged people,” Mr Butler said. “I sometimes felt I was speaking to them in Martian, so deep is their inability to understand.”
Mr Butler's comments to the seminar, held on September21, are reported in the university's latest newsletter.
“What America totally fails to understand is that their weapons of mass destruction are just as much a problem as are those of Iraq,” he said, adding that Hollywood storylines fuelled such attitudes.
Mr Butler said the horror of September 11 had only entrenched the idea in Americans that there are “good weapons of mass destruction and bad ones”.
Mr Butler, who headed the United Nations weapons inspection team in Iraq in the early 1990s, is a former Australian ambassador for disarmament.
Earlier, delivering the university's Templeton Lecture, Mr Butler said one of the most difficult times with the Iraqi regime had been dealing with this issue of inconsistency.
“Amongst my toughest moments in Baghdad were when the Iraqis demanded that I explain why they should be hounded for their weapons of mass destruction when, just down the road, Israel was not, even though it was known to possess some 200 nuclear weapons,” he said.
“I confess, too, that I flinch when I hear American, British and French fulminations against weapons of mass destruction, ignoring the fact that they are the proud owners of massive quantities of those weapons, unapologetically insisting that they are essential for their national security, and will remain so.”
Mr Butler said that manifest unfairness — double standards — produced a situation “that was deeply, inherently unstable”.
“This is because human beings will not swallow such unfairness. This principle is as certain as the basic laws of physics itself.”
Mr Butler said one problem encountered in Iraq was that materials and technologies employed in making a chemical or biological weapon were identical to those used in a range of benign products for medical, industrial or agricultural use.
The UN Security Council's decision in 1991 to destroy, remove or render harmless Iraq's weapons of mass destruction was unique and far-reaching, far tougher than past attempts to disarm defeated countries like Germany and Japan.