USA, 2012 : “la mère de toutes les campagnes présidentielles” ?

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Comme l’écrit Russia Today, parlant des présidentielles US bien sûr, “cela ressemble bien à une élection présidentielle de légende” («It’s looking to be a legendary election year»). Ce commentaire embrasse autant les conditions générales de crise que la présence d’un candidat étrange, qui se nomme Ron Paul et qui interfère gravement, par son comportement, dans toutes les péripéties programmées par le Système, en même temps qu’il incarne parfaitement lui-même cet esprit. Nous ignorons ce que sera le terme de l’aventure de Ron Paul, mais nous savons d’ores et déjà qu’elle disperse toutes les idées reçues et tous les lieux communs sur la mécanique électorale du Système, mettant à nu cet aspect-là de la crise de l’effondrement du Système ; les arrangements, les fraudes, les manipulations, etc. du Système, en l’occurrence la nomenklatura du parti républicain, dans le processus électoral, dont certains vous disent qu’il est également “démocratique”, tout cela dans ce cas à l’encontre de Paul.

(Nous parlons bien de “mécanique électorale” et nullement d’idéologie, bien entendu ; ceux qui jugent et discutent du cas Ron Paul selon les termes idéologiques, en général pour le condamner, sont des aveugles et des naïfs, à la pensée basse et extrêmement lente, incapables de se débarrasser des références de leur propre passé. De plus en plus, Paul est dans le Système un agent étranger, et pathogène évidemment, par rapport antagoniste au Système, dans le processus même du Système qui est l’essentiel de leur machinerie. Un système antiSystème au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer.)

…Mais comment en arrive-t-on à ce jugement d’“une élection présidentielle de légende” ou de “la mère de toutes les campagnes présidentielles”, qui reste hypothétique certes, mais qui nous paraît de plus en plus assuré ? Observons divers éléments.

• Le commentaire cité de Russia Today est du 1er mars 2012. Il introduit un texte présentant l’analyse de l’investisseur, également “légendaire”, Jim Rogers, sur l’évolution de la situation américaniste au cas où Obama serait réélu.

«It’s looking to be a legendary election year, with recent polling putting incumbent Barack Obama behind his Republican rivals. If the current commander-in-chief can clench re-election, however, the result could be rough for the rest of America.

»Discussing the damage a second Obama term could have on America, legendary investor Jim Roger tells CNBS that the economically oblivious incumbent could crush whatever is left of the faltering US financial system. The first Obama term has suggested that the president has no problem letting the Federal Reserve print a plethora of money America doesn’t have. As if the consequences haven’t been colossal already, Rogers says another four years of Obama could very well ruin America by the time a second term is in full swing. “This year's fine. Worry about 2013.Be panicked about 2014.This year, a lot of good news is coming out,” Rogers tells CNBS’s The Kudlow Report. […]

»I would tell you that Obama is going to win. I don't want him to win. It's not good for America,” adds Rogers. Rogers adds, “It’s hard to defeat a sitting president and he’s spending a lot of money.” A presidential tracking poll released on Monday by Rasmussen Reports suggests that a two-person race between either Barack Obama and Mitt Romney or Ron Paul could be a close one for Obama — with the latest results suggesting he could even lose to either candidate — but with unemployment figures finally starting to stabilize, Obama may momentarily be winning back Americans. The pumping of money into the economy might be a short-term solution, suggests Rogers, but there will be trouble down the road.»

• La prévision de Rogers envisage une évolution, disons “normale” de la situation, sans l’interférence de l’agent pathogène du Système et “système antiSystème” Ron Paul. (Rogers ne le nie certainement pas, qui reconnaît le rôle de Ron Paul  ; il ne fait que développer l’hypothèse qu’il croit pour l’instant la plus probable.) Il existe évidemment des éléments qui, dans la situation actuelle extraordinairement fluide, peuvent bousculer encore plus cette “normalité” déjà largement menacée par Paul. Un de ces éléments, très nouveau puisqu’il vient d’être publié, est la prise en compte par les statisticiens de l’institut Rasmussen de la possibilité d’une victoire de Ron Paul sur Obama, si Paul était candidat. Un sondage qui vient d’être fait pas Rasmussen (43% pour Paul, 41% pour Obama) dit cela, mais il y a beaucoup plus ; le fait pour les statisticiens de Rasmussen d’inscrire Paul dans leurs hypothèses générales de campagne, alors qu’ils ne considéraient jusqu’ici que Romney comme républicain potentiel contre BHO, est un signe de la dimension politique et du poids qu’est en train d’acquérir Ron Paul sur la scène politique US, de son crédit grandissant, de sa “dé-marginalisation” objective. D’autre part, dans un sondage parallèle, avec Romney considéré à la place de Paul, Romney l’emporte également avec deux points de pourcentage d’avance ; même si la marge d’erreur ne peut permettre de tirer une observation ferme pour ce moment même de ces deux sondages, les deux résultats indiquent une tendance à l’affaiblissement d’Obama ; c’est un autre enseignement important. (Dans Russia Today ce 1er mars 2012.)

«According to polling figures published Monday by Rasmussen, a hypothetical two-person contest between President Obama and Republican Party hopeful Ron Paul would yield a victory for the Texas congressman. The statistics released by the group this week put Paul as the favorite over the current commander in chief by two percentage points, a 43-to-41 percent win, reports the agency.

»Although Representative Paul has placed close to passing Obama in past polls, this marks the first time in a Rasmussen report that the congressman has statistically proven himself as the winner when pitted right against the president. Recent polling from Rasmussen also suggests that the only other candidate that could be considered the victor in a make-believe match-up with Obama right now would be former Massachusetts Governor Mitt Romney, who also won in a recent poll by a two percentage point margin. Rasmussen has put Obama as the victor in a race against only Romney according to all other reports released since 2012 began.»

• Comme Rogers le laisse entendre plus haut, Obama a tout misé, pour sa réélection, sur la situation économique et sur une embellie de cette situation, avec l’aide de Bernanke, le président de la Fed. (Y a-t-il un accord précis entre Obama et Bernanke ? Le cas s’est déjà vu, avec Bush-père et Alan Greenspan, début 1992, lorsque Bush demanda à Greenspan un coup de main de la Fed pour faire sortir le pays de la récession et assurer sa réélection ? Bon prince, Greenspan s’exécuta en orientant sa politique vers l’emploi et les chiffres disent que les USA sortirent de la récession en mars 1992. Mais les chiffres ne sont pas la psychologie des gens, et la psychologie des citoyens resta très sombre et catastrophique jusqu’en juillet 1996, à l’occasion des JO d’Atlanta. En attendant, cette vilaine psychologie assura la défaite de Bush-père qui manquait de vision [“the vision thing”, disait-il] et l’élection d’un jeune qui allait, c’était promis-juré, relever l’Amérique, – le fringant gouverneur Clinton. On connaît la suite.)

On a largement annoncé que Bernanke envisageait de lancer une nouvelle tranche de monnaie de singe pour aider l’économie US, une nouvelle bordée de “Quantitative Easing” [QE]. (Autour de $1.500 milliards en beau papier monnaie, valant au moins le prix de ce beau papier.) Mais cette perspective semble s’éloigner parce que les chiffres disent que l’économie US s’améliore… Chiffres absolument faussaires, grotesque reprise-Potemkine, le temps de booster BHO, l’homme du Yes we can, pour novembre prochain… Cette situation a rendu Ron Paul furieux, et il a interrompu sa campagne pour retrouver, durant une matinée au Congrès, son siège de président de la nouvelle sous-commission de la Chambre chargée de suivre et d’“auditer” d’une manière très critique l’évolution de la Fed. L’occasion était belle, puisque Bernanke déposait devant cette sous-commission. Ron Paul n’a cessé de l’attaquer, et il l’a fait sur les chiffres de l’économie US selon la Fed et l’administration, sur cette reprise-Potemkine qui promet des surlendemains qui chantent tragique, selon Rogers. L’intention est évidente et l’on voit où le candidat Ron Paul veut en venir… (Dans la citation de Forbes, ce 29 février 2012, on voit Ron Paul mettre en cause le chiffre officiel de l’inflation, – pas 2% selon lui, mais 9%...)

«Fed Chairman Ben Bernanke had an interesting morning over on Capitol Hill, facing the ire of Ron Paul and receiving Democratic praise from Barney Frank. […] It was Ron Paul, though, who took the day. In what is usually the most heated and interesting exchange of Bernanke’s excursions to Congress, the Fed Chairman was forced to sit down and listen as Ron Paul scolded him for “debasing” the currency and “destroying” the wealth of millions of Americans. Ron Paul first asked Bernanke if he did his own grocery shopping, to which the Fed Chairman responded with a “yes.” Paul immediately cut him off and said “no one believes the 2% inflation rate,” claiming it was actually closer to 9%. “Someone is stealing wealth,” said Ron Paul, in full campaign mode.»

• Par ailleurs, autre nouvel élément, Ron Paul commence à se rebiffer, devant le comportement de la direction, type-nomenklatura, du parti républicain GOP. Le cas du Michigan, où Paul a eu 12% des voix contre 41% à Romney alors que la campagne avait montré l’extraordinaire popularité du premier et l’exceptionnelle impopularité du second, est peut-être la fameuse goutte d’eau… Cette fois, il s’agit de l’État de Washington, où Paul est favori pour l’emporter (vote demain, 3 mars) ; mais la nomenklatura du GOP local s’active… Le Seattle Times du 29 février 2012 signale que l’équipe Ron Paul est passée à la mise en cause officielle et légale de la préparation de la primaire.

«The Ron Paul presidential campaign, suspicious of the Republican establishment, has accused top Washington GOP officials of “shenanigans” in delegate appointments ahead of Saturday's precinct caucuses. […] In a letter to party leaders Wednesday, Paul campaign lawyer David Warrington alleged “substantial irregularities” in the selection of precinct-committee officers (PCOs) in King County. PCOs are important because they run caucuses and become automatic delegates to the county and legislative-district conventions that will help determine how to allocate Washington's 43 delegates to the Republican National Convention this summer in Tampa, Fla. While PCOs are normally elected, vacant positions can be filled through appointments by party leaders…»

La nomenklatura du GOP a “flatly denied” toutes ces accusations, proclamant sa vertu et son respect des règles. Les réactions des lecteurs du Seattle Times ont été en général violentes (en faveur de Paul) et bien documentées. Elles nous ont rappelé que les deux personnes de la nomenklatura indirectement mises en cause par l’avocat de l’équipe Ron Paul, la présidente du GOP pour le comté de King Lori Sotelo et le président du GOP pour l’État du Washington Kirby Wilbur, ont un lourd passé de corruption et d’illégalité, sanctionné par différentes enquêtes et décision de justice. (Voir le Seattle Times, le 1er mars 2012.)

• …Par conséquent, l’idée d’une candidature de Paul hors-GOP continue à prendre du corps. Par exemple, le parti libertarien, dans la personne d’un de ses dirigeants (Lew Rockwell) proche de Paul, exprime sans ambages que Ron Paul peut, sans le moindre problème, solliciter son investiture comme candidat (voir Daily Paul le 29 février 2012). Les réactions à cette proposition sont mitigées, car l’hypothèse d’une candidature de Paul hors-GOP comme candidat “indépendant”, pouvant être soutenu par plusieurs groupes (dont les libertariens), est en soi beaucoup plus prometteuse. Nous n’en sommes certes pas encore là, mais les échéances se rapprochent. Le fameux “Super Tuesday” (le 6 mars), avec les primaires dans dix États, a toutes les chances d’être déterminant pour l’orientation de la campagne de Paul, – poursuivre avec le parti républicain, ou bien préparer sa “sécession” vers une candidature indépendante. On sait qu’en principe, Ron Paul a exclu la deuxième possibilité, mais les principes très théoriques, et tactiques dans ce cas, changent vite dans cette situation extraordinaire… Ce qu’on a vu de Paul intervenant contre Bernanke, les sondages qui le renforcent contre Obama, etc., rendent l’hypothèse plus solide. Le scénario “idéal” (pour pousser Paul à une candidature indépendante malgré tout) serait que la démonstration soit faite que le GOP ne veut en aucun cas de lui, que le GOP fera tout pour l’empêcher d’avoir assez de délégués pour imposer un blocage de la convention de Tampa, par conséquent pour éliminer complètement toute possibilité pour lui.

Pendant ce temps, la popularité de Ron Paul grandit, à mesure que ses résultats à l’intérieur du GOP affaiblissent sa position institutionnelle. Le pari serait, pour Ron Paul, de penser que l’issue de cette folle campagne ne tient pas aux chiffres-Potemkine du professeur Bernanke mais bien à un état général de révolte qui va bien au delà d’une situation économique complètement manipulée. (On ajoutera, bien entendu, les évènements extérieurs, comme une possible attaque de l’Iran, avec les conséquences économiques notamment sur le prix du pétrole, qui bouleverserait tout. Là aussi, Ron Paul a une puissante rhétorique déjà bien connue, cette fois contre Obama.) Dans ce cas, comme dans les divers cas envisagés plus haut, effectivement, une candidature indépendante prend tout son sens et Ron Paul pourrait difficilement échapper à une telle orientation puisqu’on connaît par ailleurs sa détermination à obtenir un véritable résultat politique… Et la campagne présidentielle US de 2012 se confirmerait effectivement comme “légendaire”.


Mis en ligne le 2 mars 2012 à 08H57

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