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359Tous les chefs du renseignement et des services de sécurité US sont d’accord. Le terrorisme est (re)devenu la première menace contre les USA. Al Qaïda va frapper, certainement dans les six mois qui viennent. Cette évolution mesure l’extraordinaire recul des évaluations américanistes de la situation du monde, après une brève amélioration, au début du mandat d’Obama, qui avait fait croire à la possibilité que la nouvelle administration rompe avec la “politique de l’idéologie et de l’instinct” qui domine les USA depuis 9/11.
Un article du New York Times du 3 février 2010 nous fait apprécier cette évolution.
«America’s top intelligence official told lawmakers on Tuesday that Al Qaeda and its affiliates had made it a high priority to attempt a large-scale attack on American soil within the next six months.
»The assessment by Dennis C. Blair, the director of national intelligence, was much starker than his view last year, when he emphasized the considerable progress in the campaign to debilitate Al Qaeda and said that the global economic meltdown, rather than the prospect of a major terrorist attack, was the “primary near-term security concern of the United States.”
»At Tuesday’s hearing, Senator Dianne Feinstein, Democrat of California and chairwoman of the Senate Intelligence Committee, asked Mr. Blair to assess the possibility of an attempted attack in the United States in the next three to six months. He replied, “The priority is certain, I would say” — a response that was reaffirmed by the top officials of the C.I.A. and the F.B.I.
»Citing a recent wave of terrorist plots, including the failed Dec. 25 attempt to blow up an airliner as it approached Detroit, Mr. Blair and other intelligence officials told a Senate panel that Al Qaeda had adjusted its tactics to more effectively strike American targets domestically and abroad. “The biggest threat is not so much that we face an attack like 9/11,” said Leon E. Panetta, the C.I.A. director. “It is that Al Qaeda is adapting its methods in ways that oftentimes make it difficult to detect.”
»As the C.I.A. continues its drone attacks aimed at Qaeda operatives in Pakistan, the officials also said that the network’s splinter groups in Yemen and Somalia were taking on more importance.
»But Mr. Blair began his annual threat testimony before Congress by saying that the threat of a crippling attack on telecommunications and other computer networks was growing, as an increasingly sophisticated group of enemies had “severely threatened” the sometimes fragile systems undergirding the country’s information infrastructure. “Malicious cyberactivity is occurring on an unprecedented scale with extraordinary sophistication,” he told the committee.
»His emphasis on the threat points up the growing concerns among American intelligence officials about the potentially devastating results of a coordinated attack on the nation’s technology apparatus, sometimes called a “cyber-Pearl Harbor.”»
@PAYANT Le désarroi américaniste, bien plus que la perspective du nième complot recommencé, n’a jamais paru aussi fort qu’aujourd’hui. Les USA réveillent une “menace” terroriste majeure à partir d’évaluations qu’ils font eux-mêmes comme conséquence, perçu inconsciemment et sans faire de rapport de cause à effet, de leurs diverses actions déstabilisatrices au Pakistan, au Yemen et ailleurs. En quelque sorte, ils justifient ainsi a posteriori une action générale de relance des interventions extérieures qui est elle-même la cause de leur perception d’une menace qu’ils supposent soudain terrible et pressante, jusqu’à la certitude d’une attaque terroriste contre les USA d’ici juillet prochain (la date exacte n’est pas donnée, sans doute classée “secret défense”).
Dans notre texte que nous citons souvent sur la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, nous faisons évidemment référence à Harlan Ullman, dans son texte du 27 mai 2009, qui désignait comme “la plus grave menace pour la sécurité nationale” US l’incapacité éventuelle de l’administration Obama d’abandonner cette politique. Déjà, Ullman n’était pas optimiste. On voit qu’il ne s’est pas trompé. L’amiral Dennis C. Blair, qui avait correctement identifié il y a un an le changement nécessaire dans l’évaluation des menaces et des dangers, en fonction notamment de la crise financière mais aussi des autres crises systémiques, revient complètement sur cette évaluation et retrouve la “perception 9/11”. C’est un formidable retour en arrière, qui montre essentiellement la sclérose extraordinaire du système qui a repoussé en six mois toute possibilité de réforme radicale de son fonctionnement, de sa perception, de la force de sa pathologie psychologique.
Il est certain que la perception catastrophique que nous signalions le 13 janvier 2010 de l’attaque du 29 décembre 2009 contre la base de la CIA en Afghanistan, a joué un rôle essentiel dans ce revirement de la perception de la menace. Les services de sécurité nationale ont surtout été marqués par le fait que cette attaque a montré combien ils étaient eux-mêmes pénétrés par des agents doubles ou triples et, en général, par l’habileté du “renseignement” de diverses organisations terroristes, dont le mythique Al Qaïda bien entendu, avec sa capacité aujourd’hui comparée à celle d’une sorte de “super-KGB” postmoderniste. Cette déstabilisation du renseignement US, qui est d’abord le produit du désarroi du système de sécurité nationale américaniste entre ses certitudes de puissance et les échecs qu’il essuie, est en soi une énorme victoire de ces diverses “organisations” et d’Al Qaïda pris comme nom générique de cette “nébuleuse terroriste”. Il peut évidemment se concevoir que ce même “renseignement terroriste”, profitant de la voie ouverte dans la psychologie américaniste, se lance désormais dans des opérations d’intoxication majeure, comme pourrait l’être cette annonce de la certitude d’une attaque terroriste contre les USA d’ici juillet 2010.
Le cas est étonnant: ayant eu la preuve humiliante de la faiblesse et de la déstabilisation de leurs propres services avec l’attaque du 29 décembre 2009 contre la CIA, et par conséquent de leur incapacité où ils se trouvent d’évaluer précisément les intentions et les capacités des terroristes, les mêmes services de renseignement US réagissent par des affirmations presque fantasmagoriques de certitude et de prévision, particulièrement dans l’annonce d’un événement aussi aléatoire qu’une attaque terroriste contre les USA. En quelque sorte, l’échec complet de leurs capacités d’évaluation serait l’argument suprême pour avancer une certitude complète de l’annonce d’un tel événement. C’est le signe le plus convaincant du désarroi proche de la panique d’un système qui ne peut accepter l’idée même qu’il puisse être faillible, après la démonstration cuisante et sanglante qu’il l’est comme il ne l’a jamais été (Dieu sait si les références ne manquent pas en matière d’échecs de leur côté).
Du coup et devant de telles affirmations, on imagine qu’il faudra bien que quelque chose de très sérieux se passe d’ici juillet, sauf disons si Wall Street s’effondre à nouveau ou si Gates décide d’abandonner le JSF. A la limite, bien entendu, il faudra bien qu’on se décide à organiser quelque chose dans ce sens, par exemple une nouvelle pantalonnade type vol 253/PantaBomber, d’autant qu’il paraît que le jeune terroriste capturé a donné beaucoup de renseignement à ses interrogateurs. Il y a peut-être eu un coup monté US avec cette affaire, mais on imaginerait plus volontiers, si l’on avait l’esprit folâtre et malgré les circonstances rocambolesques de l’affaire dont certaines étaient imprévisibles, un coup monté du côté d’Al Qaïda pour faire capturer un apprenti-terroriste chargé d’intoxiquer les services US en leur annonçant la grande attaque de juillet 2010, une sorte de nième “Pearl Harbor” là où on ne l’attend pas du tout. Ces gens rendraient fou le système, si ce n’était déjà fait.
Mis en ligne le 4 février 2010 à 07H56
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