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4754Oubliez un instant la réalité désintégrée, et même la recherche des vérités-de-situation que nous vous recommandons, pour entrer pour ce seul instant, comme Alice in WonderLand, dans l’univers de simulacre bombastique du président des États-Unis (POTUS) en campagne pour sa réélection. Trump vient, dans une accidentelle référence à une vérité-de-situation, de laisser échapper un coin de lumière à ce propos en accusant la Chine de vouloir empêcher sa réélection (« Trump claims China will ‘do anything’ to stop his re-election as coronavirus row escalates »). Cela signifie effectivement que, pour l’actuel POTUS, toute prise de position, accusation, manœuvre dialectique de son chef concernant Covid19 a un rapport direct sinon exclusif avec l’argument central pour sa réélection (Make America Great Again pour l’économie au service des 0,01% et de Wall Street) : “Trump n’est responsable en rien de la crise qui frappe les USA, au contraire il en est la victime car on, – la Chine pour la circonstance, – veut empêcher sa réélection, parce que lui seul peut résoudre cette crise qui est une attaque extérieure à ses conceptions des forces diaboliques qui veulent la perte de l’Amérique.”
Alice in WonderLand en mode-turbo, dopée aux stéroïdes, correspondant parfaitement à la psychologie de Trump, actuellement poussée aux extrêmes du simulacre narcissique par la pression de la crise Covid19. Le caprice des narrative et simulacres successifs fait que Trump a retourné le Russiagate de 2016 lancé contre lui, en un Chinagate qui est son principal argument. Du coup, les différents jeux de rôle changent tous de place...
Un épisode révélateur à cet égard hier :
• Dans l’après-midi, le bureau du Directeur National du Renseignement (ODNI, avec le DNI supervisant toutes les agences engagées dans cette activité) publie un communiqué selon lequel la communauté du renseignement [CR] « est d’accord avec le large consensus scientifique selon lequel le virus COVID-19 n’a pas été fabriqué par l'homme ou génétiquement modifié [...] [La CR] continuera à examiner rigoureusement les informations et les renseignements émergents afin de déterminer si l'épidémie a commencé par un contact avec des animaux infectés ou si elle est le résultat d'un accident dans un laboratoire de Wuhan » ;
• On notera pourtant que la nouveau DNI (Director, National Intelligence), récemment nommé pour un intérim semble-t-il avant la confirmation par le Sénat du parlementaire Ratcliff, l’a été par Trump qui le considère comme un de “ses hommes” : l’ancien ambassadeur en Allemagne Rick Grenell. (Ratcliff est également un de “ses hommes”.) On commentera hypothétiquement que l’opposition de la CR à la narrative électoraliste de Trump est trop forte dans cette affaire, au point que même “les hommes du président” le laissent tomber pour adopter une ligne qui contredit sa principale narrative actuelle ;
• quelques heures après le communiqué du DNI, conférence de presse de Trump. On l’interroge fiévreusement à propos de ce communiqué. Comme à l’habitude, Trump répond sans l’ombre d’une hésitation ni la moindre gêne qui n’ont pas leur place dans cette situation : « Trump a tourné en ridicule ce communiqué quand on lui a demandé ce qu’il en pensait... »
• le POTUS rétablit donc la vérité-pour-toutes-les-situations en présentant une fois de plus la méthodologie de ses jugements, armés d’arguments impossibles à réfuter :
« —Avez-vous vu quelque chose à ce stade qui vous donne une grande confiance dans le fait que l'Institut de virologie de Wuhan est à l'origine de ce virus ?
— Oui, je l’ai vu.
— Sur quelle base fondez-vous votre jugement ?
— Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas autorisé à vous le dire. »
La cohérence et la logique des arguments n’ont plus aucun intérêt dans cette campagne USA2020 qui promet, pour la dialectique et la communication en général, d’être un hyper-remake de USA2016, également en mode-turbo et dopée aux stéroïdes. Il est vrai qu’à cet égard, la présence d’Hillary parmi les acteurs principaux est impérativement requise pour la réussite complète du spectacle, et nous prions tous pour que cela se fasse.
La grande différence, il faut le rappeler bien entendu, est que la chose va se dérouler sur le fond d’une vérité-de-situation autrement sérieuse, et que tous les acteurs de la campagne présidentielle ne considèrent que pour les avantages électoraux qu’elle peut leur apporter : une crise générale, la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES) en cours, avec la terrible contradiction entre la crise sanitaire Covid19 (restez chez vous, évitez déplacements et contacts avec d'autres) et la crise socio-économique (tous au boulot, en équipes, les uns avec les autres). Cette circonstance extraordinaire de la crise avec les interférences contradictoires sur les rapports sociaux et politiques, loin d’apaiser les tensions et les échanges entre les adversaires, va au contraire, à notre avis, en décupler l’intensité : la haine est une chose qui ne s’avoue jamais vaincue, qui s’exacerbe si elle est empêchée de s’exprimer comme elle l’entend, qui trouve d'autres moyens pour hurler encore plus fort. C’est dire si USA2020, freinée dans ses habitudes par la GCES, trouvera sans aucun doute les moyens d’exacerber la GCES.
L’hypothèse est donc, devant tous ces débordements et l’absence totale de liens des acteurs politiques US avec la situation réelle, bien au-delà des concepts de mensonges, de dissimulation ou de complots, que la campagne USA2020 va jouer un rôle d’accroissement vertigineux du désordre et de la crise en cours dans tous ses composants, naturellement aux USA mêmes qui sont devenu le point critique fondamental de la GCES. Le point le plus remarquable par rapport à ce que nous savons de l’histoire des USA et de la remarquable capacité du Système dans le passé à rapprocher ses composants dans une sorte d’“union nationale” (‘bipartisan issues”), c’est justement la désintégration complète de cette capacité.
Il est tant question de haine dans la description des situations politiques actuelles que l’on se pourrait dire que les USA en sont arrivés aujourd’hui à se haïr eux-mêmes, et dans ce cas à côtoyer inconsciemment la tentation du suicide. On est alors inévitablement conduit à se référer à la très juste prédiction de Lincoln, tant répétée sur ce site parce que jamais le destin de la Grande République n’a été mieux résumé et synthétisé que par ces quelques mots : « Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant . »
Mis en ligne le 1er mai 2020 à 10H40