USSA 2009, rapide état des lieux socialistes

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La blague est courante mais elle n’a jamais eu autant d’actualité. Après les harassantes et vertigineuses manœuvres de l’automne dernier, avec les manœuvres courantes et les très prochaines manœuvres à venir, elles aussi courantes et vertigineuses, les USA (United States of America) s’installent fermement comme de gigantesques USSA (United Socialist States of America).

Dans une rapide chronique du 23 janvier, Robert Reich fait un aussi rapide mais éloquent bilan de l’intervention du gouvernement dans l’économie US, – «The federal government – that is, you and I and every other taxpayer». Le gouvernement US est aujourd’hui propriétaire d’une part considérable de l’économie US, avec ses interventions dans l’industrie immobilière, l’industrie du crédit et de l’assurance, l’industrie financière, l’industrie automobile… Reich estime l’intervention directe du gouvernement depuis septembre 2008, avec le plan de relance d’Obama tel qu'il est pour l'instant prévu (avec possibilité d'augmentation) à un peu plus de $1.500 milliards; et l’intervention, moins spectaculaire et moins détaillée mais tout aussi directe, du Federal Reserve Board (la Fed), qui dépasse les $2.400 milliards. Ce dernier chiffre reste assez imprécis et pourrait atteindre des niveaux bien plus considérables avec un peu plus d’informations, d’ailleurs selon une sympathique situation de dissimulation justement décrite par Reich:

«Yet while TARP II and the upcoming stimulus package are receiving a great deal of attention, this much larger public commitment by the Fed is not. That's partly because the media doesn't much of understand it, but also because the Fed is doing it in secret, using provisions of its charter never before utilized, and avoiding discussion before the full Board of Governors for fear such meetings would be subject to the Freedom of Information Act.»

Il en résulte que la situation de l’économie US, des grandes forces productrices, est effectivement celui d’une économie largement “socialisée” (en y ajoutant, précision intéressante pour qui se réfère aux exhortations US au marché libre et à la libre concurrence dans l'aéronautique, cette même industrie aéronautique):

«Put it all together and at this rate, the government – that is, taxpayers– will own much of the housing, auto, and financial sectors of the economy, those sectors that are failing fastest.

»Consider too that the government already finances much of the aerospace industry, which is still doing reasonably well but depends on a foreign policy that itself has been a dismal failure. And a large portion of the pharmaceutical industry and health care sector (through the Medicare and Medicaid, the Medicare drug benefit, and support of basic research). These are in bad shape as well, and it seems likely the Obama administration will try to reorganize much of them.

»What's left? Most of high-tech, entertainment, hospitality, retail, and commodities. So far, at least, we taxpayers are not propping them up…»

On peut donc incontestablement parler de socialisme, et confirmer comme d’actualité l’expression “United Socialialist States of America”, anciennement sous forme de plaisanterie mais désormais au pied de la lettre, et désignant la catégorie post-postmoderne de l’American Dream. Bien entendu, fulmine Reich, – certes, on pourrait et on doit parler de socialisme mais alors il s’agit de la catégorie “lemon socialism”. Cela signifie tous les avantages de la nationalisation et aucun des inconvénients. L’idée générale est évidemment que le gouvernement donne de l’argent quand ça va mal, n’en retire guère d’avantages tout en s’interdisant toute intrusion dans le domaine sacro-saint de la direction et de l’orientation stratégique jusqu’à ce que les dirigeants en place aient épuisé leur sac à malices et conduit leurs sociétés au bord de l'efflondrement; bien sûr, le gouvernement s’abstient lorsque tout va bien, ou se retire lorsque la situation va dans ce sens, après tout lorsqu’il pourrait recevoir des dividendes de son aise. Reich rugit: «It's called Lemon Socialism. Taxpayers support the lemons. Capitalism is reserved for the winners.»

Cette situation permet donc à l’ancien Premier ministre espagnol José-Maria Aznar, pilier de la “vieille Europe” à visage humain chérie par Bush-Rumsfeld, de nous donner une leçon de réalisme, en toute logique bien avisée. Interrogé le 23 janvier 2009 par Le Figaro qui entend promouvoir les forces de progrès, citant évidemment en exemple la situation des USSA, laquelle est remarquablement exempte de toute tare interventionniste, il nous chapitre :

«La crise économique ne signe-t-elle pas l'échec du libéralisme?

»Ce n'est certainement pas l'échec du libéralisme, mais l'échec des mécanismes actuels de régulation et d'intervention de l'État dans un secteur qui est pourtant déjà très régulé, le système bancaire. C'est comme en politique. Lorsqu'on élit un mauvais gouvernement, cela ne remet pas pour autant en cause la démocratie.

»Que préconisez-vous pour sortir de la crise?

»Nous avons l'obligation de sauver les banques car, sans un système financier solide, il n'y a pas d'économie qui tienne. Mais il faut surtout faire des réformes économiques. Plus de flexibilité et de liberté dans l'économie, moins de taxes, moins de dépenses, plus de stabilité budgétaire, moins d'intervention de l'État.

»Mais les Européens ne sont-ils pas en train de faire le contraire?

»Exactement. Et c'est bien pour cela que je suis convaincu que les États-Unis sortiront de la crise avant l'Europe.»

Suit un vibrant panégyrique des Français, de Jean-Pierre Raffarin et, surtout, de Nicolas Sarkozy, apôtre solitaire, comme on sait, du libéralisme et adversaire acharné de l’interventionnisme en Europe. Quoique fort moins moustachu qu’aux temps de la splendeur, le visage d’Aznar est imperturbable pour nous rappeler fort à propos ces vérités, toutes ex-æquo, toute aussi premières les unes que les autres. En regardant sa photo et en lisant ses pensées, ou dans ses pensées, on a l'impression d'un aimable discours martelé avec conviction et ironie, sur le thème enchanteur du n'importe quoi, – et quoi qu'il en soit...

Une interview de José-Maria Aznar, – parmi d'autres compagnons de son espèce, par ailleurs, – représente , pour tout journaliste bien né, une aubaine à ne jamais rater. Le fonctionnement de l’homme politique est ici superbement démontré à vif et à nu, sans aucun embarras du cause à effet, de l’enchaînement de la logique, de la cohérence des jugements et ainsi de suite. Les informations qu’il nous donne, nous donnent également l’impression qu’il nous considère comme un auditeur de qualité, capable de goûter comme lui les fruits des plus hautes vertus de la démocratie sans trop nous attacher aux pépins et aux noyaux. Nous rentrons chez nous rassurés, le monde tourne et l’on s’occupe de nous.


Mis en ligne le 24 janvier 2009 à 15H17