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348ll n’est pas assuré que les deux chefs de l’USAF, le secrétaire à l’Air Force Michael Donley et le général Norton Schwartz, auront fait beaucoup d’adeptes à leur direction avec l’article assez piteux qu’ils ont publié le 13 avril 2009 dans le Washington Post. Ils appuient à 100% la décision de Robert Gates de l’abandon du F-22 et tentent de la justifier dans un texte embarrassé, fourmillant de contradictions potentielles, de vœux pieux et d’un réalisme qui ressemble fort à une soumission sans condition à l’autorité du secrétaire à la défense. Il est probable que les auditions des deux hommes au Congrès, où l’on trouve nombre de partisans du F-22, lors des débats sur le budget FY2010, seront agitées et pittoresques. (Les règles légales font obligation aux chefs des forces de s’exprimer hors de toute contrainte du pouvoir civil auquel ils sont subordonnés lors des auditions du Congrès. Ils sont entendus pour donner un avis dégagé de toute considération hiérarchique, exprimant leurs seules analyses des nécessités des besoins militaires et opérationnels de leurs forces.)
D’ores et déjà commencent à apparaître, à propos de cet article, des articles de critique de la direction de l’USAF, dont on doit se rappeler qu’elle fut choisie sur mesure par Gates, en juin 2008, pour disposer d’une USAF plus docile à son autorité. «Donley and Schwartz are Wrong», de Eric L. Palmer, sur F.16.net ce même 13 avril 2009, est le premier d’entre eux à être venu sous nos yeux, et il exprime sans aucun doute quelques-uns des critiques évidentes qui viennent à la lecture du texte de Donley-Schwartz. Voici quelques exemples…
«In an astonishing surrender of future air capability, the two have written a piece that showed up in the Washington Post called, “Moving Beyond the F-22”. In it, they say it is time to stop funding the F-22 and move on toward full funding of the F-35. The reasons they give for this are seriously flawed. It ends with a wild blue sky marking statement claiming, “Within the next few years, we will begin work on the sixth-generation capabilities necessary for future air dominance.”
»First, is the top USAF leadership insane? I mean that with all due respect because these are not dumb people, they are just seriously misled on what defines air power capability and risk.
»Part of the justification for their statements is that the USAF is out of money. There is just no way to pay for all of the things in the current plan. This first part pretty much kills the final statements of any dream of sixth generation capabilities. Sixth generation capabilities will come with a sixth generation price. A price that a debtor nation won’t have funds for.
»Another point made by Donley and Schwartz is that the F-22 will provide capability for decades to come. And then what? In the 2020’s the USAF will start retiring its first F-22s.
»The two go on to state that the F-35 Joint Strike Fighter will pull us back from the abyss facing the nation with its growing geriatric fighter force. Their claims aren’t reassuring. For example this quote stands on a house of cards, “Much rides on the F-35's success, and it is critical to keep the Joint Strike Fighter on schedule and on cost”. The F-35 has only two percent of its flight testing done, contains a wide variety of risk, is over budget and behind schedule, yet Donley and Schwartz continue with this statement, “This is the time to make the transition from F-22 to F-35 production.”»
Comme on le comprend bien, la polémique embrasse également le JSF/F-35, qui devient officiellement la pièce-maîtresse centrale de l’USAF alors que les critiques contre les décisions prises ne cessent d’enfler. C’est dire que, plus que jamais, la polémique va charger le programme d’attaques incessantes, d’une inquisition permanente sur son développement, sur la tromperie constante qu’est sa présentation par la communication de l'équipe JPO-LM (le JSF Program Office du Pentagone et Lockheed Martin). Le cas du JSF pourrait devenir une polémique nationale dépassant le seul cadre des milieux spécialisés, qui commence d’ailleurs à s’élargir aux experts militaires non spécialisés dans le domaine de l’aéronautique.
Le passage de l’article Donley-Schwartz sur le F-35 ouvre effectivement le champ à cette polémique. On y trouve une prière implicite angoissée pour que le JSF ne rencontre pas trop d’ennuis catastrophiques (“a catastrophic failure”), avec la reconnaissance implicite qu’il en rencontrera tout de même, certes, quelques ennuis, – mais nous rassurant tout de même qu’il y a “little risks” qu’il subisse cette “catastrophic failure”; l’aveu que cette possibilité existe tout de même est confondant ... («…[W]hile the F-35 may still experience some growing pains, there is little risk of a catastrophic failure in its production line.»)
«It was also prudent to consider future F-22 procurement during the broader review of President Obama's fiscal 2010 defense budget, rather than as an isolated decision. During this review, we assessed both the Air Force and Defense Department's broader road maps for tactical air forces, specifically the relationship between the F-22 and the multi-role F-35 Joint Strike Fighter, which is in the early stages of production.
»The F-22 and F-35 will work together in the coming years. Each is optimized for its respective air-to-air and air-to-ground role, but both have multi-role capability, and future upgrades to the F-22 fleet are already planned. We considered whether F-22 production should be extended as insurance while the F-35 program grows to full production. Analysis showed that overlapping F-22 and F-35 production would not only be expensive but that while the F-35 may still experience some growing pains, there is little risk of a catastrophic failure in its production line.
»Much rides on the F-35's success, and it is critical to keep the Joint Strike Fighter on schedule and on cost. This is the time to make the transition from F-22 to F-35 production…»
L’extrait de la citation que nous avons signalé plus haut mesure le caractère extraordinaire de la situation, par rapport évidemment au JSF. Il faut avoir à l’esprit le contexte: la puissance de l’USAF, son statut, son poids dans la puissance militaire US et pour la puissance US tout court; la situation de crise extrême et pressante de l’USAF avec une flotte d'avions de 23-24 ans d’âge moyen, une flotte en réduction accélérée, avec l’obligation de retirer du service des avions de première ligne à cause de leur obsolescence devenant dangereuse et de leurs coûts d’entretien insupportables (250 F-15 et F-16 retirés l’année prochaine); l’avenir immédiat et pour plusieurs décennies de l'équipement de l'USAF dépendant d’un seul avion… Et que dit-on de cet avion?
• Qu’on passe donc de la production du F-22 à celle du F-35, impliquant un enchaînement direct, avec le nouvel avion déjà produit;
• Mais qu’on attend encore quelques “problèmes” avec cet avion dont on nous dit pourtant que sa production remplace désormais celle du F-22;
• Mais qu’il y a vraiment “peu de risques” d’un “échec catastrophique” de ce programme, ce qui implique qu’il en existe tout de même! (D'autant que le concept d'une «catastrophic failure in its production line» est également confondant... Comment envisager un “échec catastrophique” sur une “ligne de production”, qui est par définition une phase de fabrication où le système est assuré de fonctionner? Mais c'est bien là toute l'ambiguïté, tout le risque insupportable du JSF, à la fois en production et à la fois fort loin de sa mise au point.)
Il s’agit vraiment d’un univers surréaliste, dont on se demande ce qu’il reste d’autorité, de rigueur intellectuelle et de sens commun à ceux qui le dirigent. Comment peut-on présenter un programme d’avion de combat en production et, d’autre part, admettre qu’il y a encore quelques risques d’un “échec catastrophique”? Qu’il n’y en ait que “vraiment peu”, de ces risques, ne nous importe pas. Quand on est responsable et qu’on présente un programme monopolistique de rééquipement de sa force comme étant en production, il ne peut être question de la possibilité d’un seul risque d’“échec catastrophique”. Palmer choisit le mot “insane” (“déments”) pour qualifier la paire Donley-Schwartz; nous préférons “médiocres”, avec tout ce qui va avec, – irresponsabilité, servilité, crainte panique de conduire une logique à son terme, y compris celui de la démission, etc. L’on sait que lorsque les médiocres sont aux commandes de systèmes d’une très grande puissance, comme l’est l’USAF, leur faiblesse de caractère et leur pauvreté de pensée les conduisent effectivement à des décisions catastrophiques.
Il ne s'agit pas ici, pour nous, de soutenir telle ou telle cause (celle de Gates et de l'abandon du F-22, celle des marionnettes Donley-Schwartz, celle des adversaires de Gates, – nous n'avons pas de position de principe, à part notre hostilité au JSF qui se déduit d'une analyse politique fondamentale dépassant l'USAF et les USA, et du rôle déstructurant et prédateur que le JSF y tient). Il s'agit de constater objectivement le déclin des qualités fondamentales de caractère et de sens commun, par rapport à la loyauté, les engagements, la conscience professionnelle qui devraient être la marque de personnes chargées de hautes fonctions. Pour le reste, constatons et prévoyons à la fois que nous n’avons pas fini d’entendre parler, ni de l’USAF, ni de notre cher vieux copain JSF.
Mis en ligne le 14 avril 2009 à 11H08
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