Variations autour du thème (élargi) de la Grande Dépression

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«Grande Dépression n°2 ou “Plus Grande Dépression” ?» (“Plus Grande Dépression” pour Greater Depression, expression employée par Doug Casey) : cette interrogation, titre de notre Ouverture libre de ce 7 septembre 2011, avertit que les perceptions, et par conséquent les commentaires, sont passés du thème de la “Deuxième Grande Récession” (une réplique de l’effondrement de septembre 2008 et de la récession qui a suivi, dite Grande Récession), à des variations autour du thème d’un nouveau prolongement type Grande Dépression des années 1930, en général en plus corsé. En fait, la Grande Récession démarrée en 2007-2008 n’a jamais cessé, et elle fut même souvent identifiée comme une véritable deuxième Grande Dépression ; l’interrogation véridique devrait être plutôt de savoir si elle se transforme effectivement, si elle ne l’est déjà, en une nouvelle Grande Dépression, “en général en plus corsée”. Tout cela suit un épisode aoûtien, dans la première quinzaine du mois, où l’on préférait parler de GFC2 (Great Financial Crisis n°2) sans autre identification. Puis, on n’y pensa plus, y compris “les marchés”, tout ce beau monde considérablement excité par les nouvelles de Libye où, pendant deux ou trois jours, ou une semaine disons, quelques esprits énervés ont pu assurer sans rire que nous touchions à la formule du Meilleur des Mondes ; puis, retour à l’épisode précédent, avec à nouveau prévisions d’effondrement type-Grande Dépression.

Le constat est donc qu’en cette matière, “on ne perd rien pour attendre”, et que, plus la crise semble se faire attendre, plus elle est perçue comme de plus en plus grave. Notre analyse constante est qu’il n’est pas question de GFC2, de Grande Dépression sous une forme ou l’autre, mais bien de notre bientôt fameuse GCCC, ou GC3, pour Grande Crise de la Contre-Civilisation, et qu’elle est en marche à un très bon rythme. Tout est en crise, toutes les crises sectorielles se poursuivent sans réalisation finale et sans achèvement, en apparence côte à côte et se relayant les unes les autres, un peu comme l’un ou l’autre coureur cycliste d’un peloton d’échappés prend à son tour le relais pour emmener le groupe, avant de la céder à un autre, avant que son tour ne revienne ; en réalité, toutes ces crises, la crise financière, la Libye, le “printemps arabe”, la crise du pouvoir US, etc., étant intégrées et formant la GC3 ; et là, l’orientation dynamique est inéluctable, cet entraînement intégré formant lui-même une sorte d’impulsion surpuissante de la dynamique de crise, et cette dynamique étant évidemment celle d’une intense aggravation de GC3, donc de toutes les crises sectorielles par contrecoup. Le schéma du Système est parfaitement respecté : dynamique de surpuissance entraînant, alimentant, renforçant la dynamique d’autodestruction, et ce renforcement de la dynamique d’autodestruction appelant à son tour au renforcement de la dynamique de surpuissance qui l’alimente.

L’aspect logiquement complémentaire que nous signalons désormais, et aspect fondamental, est que ce processus implique non pas une menace d’effondrement du Système, mais un effondrement effectivement en cours du Système, qui ne se dit pas pour ce qu’il est mais qui est en cours selon un principe de subrepticité extrêmement impressionnant d’efficacité. Sans être substantivée ni décrite comme telle, l’idée se retrouve au détour de l’une ou l’autre remarque. Lorsque Doug Casey (dans notre Ouverture libre de ce 7 septembre 2011) est interrogé sur le sort du dollar («How long do you expect it will take before there is a complete breakdown in confidence of the US dollar?»), il répond : «It's happening right now…» On sait ce qu’il faut comprendre par “confiance dans le dollar”, que la “confiance” est dans ce cas l’essence même du statut de puissance de cette devise, que cette essence de la chose est en train de se dissoudre sous nos yeux qui prennent garde à ne rien voir, et donc effectivement d’une façon subreptice… C’est d’ailleurs le sort de la confiance dans notre époque que de disparaître subrepticement, ce qui renforce notre thèse de l’effondrement subreptice ; dans cette contre-civilisation basée sur la communication en même temps que sur le technologisme, et d’une façon plus importante pour la communication que pour le technologisme puisque nous sommes dans une “ère psychopolitique”, l’effondrement étant d’abord psychologique se fait effectivement de manière subreptice. Par conséquent, certes, nous nous effondrons.

Par conséquent, toutes ces vaticinations autour du thème de la “Grande Dépression” sont un peu folkloriques, et, dans tous les cas, dépassées. La crise financière et économique, qui n’est pourtant qu’une partie de GC3, est d’ores et déjà du calibre de la Grande Dépression ; en considérant notamment par exemple le chômage réel aux USA, qui dépasse largement les 20%, nous sommes d’ores et déjà, pour l’aspect le plus tragique du phénomène, dans les chiffres, sinon dans les temps d’au moins l’équivalent de la Grande Dépression. La seule différence avec les années 1930, mais elle est de taille, est notre aveuglement à ce propos, entretenu par le système de la communication, le virtualisme et les narratives qui vont avec. Cet aveuglement empêche d’atteindre, notamment dans les populations, à la psychologie tragique de la Grande Dépression (laquelle fut perçue effectivement pour cet événement tragique qu'elle était), cela créant une sorte de solidarité collective tragique et conduisant à une maîtrise de la crise ; aujourd’hui, nous avons la colère, le cynisme, l’opposition furieuse, qui ne sont pas du registre tragique qui hausse la psychologie et qui est dispensateur des grands mouvements collectifs, mais du registre de l’antagonisme qui entretient l’émiettement des forces en présence, le contraire de la solidarité, qui renforce l’affrontement et qui aliment la crise. D’autre part, il n’y a aucun espoir, même éventuellement hors narrative, d’atteindre à ce registre tragique, d’abord à cause de la psychologie d’une pauvreté incroyable de nos directions politiques ; ensuite parce que les autres crises, qui échappent également au registre tragique et interfèrent les unes dans les autres à cause de leur intégration dans GC3, constituent des obstacles insurmontables, divers et changeants et donc indestructibles, pour la réalisation du sentiment tragique. De toutes les façons, toutes ces crises sont basées sur des éléments “matériels” (argent virtuel, technologies déstructurantes, “réalité”-simulacre des formes nouvelles de la guerre, etc.) qui n’ont plus de véritables liens avec une vérité du monde complètement inatteignable par eux, qui sont du domaine du simulacre, et donc influencent avec la confusion qu’ils sèment dans la psychologie les facteurs d’antagonisme signalées plus haut, qui sont l’antithèse du sentiment tragique salvateur.

La caractéristique de GC3, qui est la vraie dynamique de l’effondrement et de l’autodestruction, est qu’elle reste perçue, à cause de nos artifices sans nombre, comme un simulacre de crise, quand on s’avise seulement de son existence. Le Système, qui est créateur du simulacre initial pour faire avancer son entreprise de dissolution du monde, a définitivement retourné contre lui (inversion) cette même technique du simulacre. Il s’effondre sans rien percevoir de l’effondrement, trompé par son propre simulacre. Tout est bien pour que s’accomplisse son autodestruction inéluctable.


Mis en ligne le 7 septembre 2011 à 9H38

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