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1110Contrairement à ce que dit le texte reproduit ci-dessous, – non, Vault7, fuitée par WikiLeaks, n’a pas “éclipsé” les affaires en cours à Washington. (« La lutte intense qui fait rage au sein de l'appareil d'État et de l’élite dirigeante aux Etats-Unis [...] a été éclipsée par la publication par WikiLeaks d’une série de documents de la CIA. ») Bill Van Auken, de WSWS.org, est pourtant bien excusable d’écrire cela, car il était raisonnable de le penser ; nous-mêmes, gens raisonnables s’il en est, pensions effectivement que Washington et le monde entier qui l’entoure allaient résonner des bruits et de la fureur engendrés par la révélation de Vault7, comme l’un et l’autre résonnèrent également autour de Snowden, le diable-NSA et son train, en juin 2013, lorsque le transfuge sortit de l’ombre pour commencer son chapelet de révélations. Il n’en est rien, strictement rien si l'on apprécie en termes de mesure de la communication.
(On a vu, dans notre texte du 9 mars, notre explication pour cette différence extraordinaire d’accueil : « Cela signifie-t-il une meilleure censure, ou une meilleure autocensure, ou quoi que ce soit de cette sorte ? Nous refuserions évidemment de répondre dans ce sens, justement parce que le phénomène touche également l’antiSystème. Nous avons une autre explication, à partir d’une autre observation qui vient peu à peu à mesure que continuent à s’accumuler les révélations générales, les analyses, les polémiques, etc., sur le chaos washingtonien avec l’implication générale et dans tous de l’IC avec ses multiples composants : l’intégration quasi-immédiate de Vault7, du point de vue de la communication, dans ce chaos du processus d’effondrement de D.C.-Système. Les révélations sur la CIA et son Vault7 se sont très rapidement et très pertinemment intégrées dans les problématiques d’ores et déjà en cours [la polémique sur l’intervention russe dans les élections USA-2016, par exemple], comme on le voit dans diverses analyses venues de sites antiSystème [Alexander Mercouris et Larry Johnson par exemple, deux excellents analystes antiSystème qui savent exploiter aussitôt, dans le sens qu’il faut, le matériel mis à leur disposition]. »)
Cette mise au point étant faite et notre invité étant largement pardonné de cette erreur d’appréciation qui tient à la folie générale de la situation que nous rencontrons à Washington D.C., nous dirons que son texte, traduction de l’anglais original mis en ligne par WSWS.org, est d’une extrême utilité. Il nous permet de comprendre rapidement, sans que nous soyons entrainés dans des arcanes incompréhensibles, la valeur, la puissance, l’extrême globalisation de l’impudence et de l’illégalité de la CIA au travers de cet ensemble monstrueux (Vault7) ; enfin, il nous permet d’embrasser la menace qu’elle (la CIA) fait peser sur le monde et nos libertés avec une telle chose... Heureusement, pour ce dernier point, cette menace est très largement équilibrée par l’extraordinaire incompétence (le jugement est d’Assange) et la profonde stupidité qui règnent à l’Agence, en maîtresses exigeantes de l’Agence, et qui réduisent cette sorte d’outils monstrueux d’oppression en autant de boomerangs colossaux pour la CIA. (Depuis très longtemps, ils nomment cela “blowback”, tant ils sont habitués à ces conséquences, quand leurs entreprises de génie se retournent contre eux et leur font payer au centuple leurs ambitions de destruction.)
En bon trotskiste, Van Aucken, lorsqu’il replace comme il est nécessaire de faire la fuite-Vault7 dans le contexte de la furie de déchirement et d’affrontement que connaît Washington, n’oublie pas de renvoyer dos à dos les deux délégués de l’oligarchie, ou establishment, qui s’affrontent en la personne de Trump et de son administration d’une part, d’Obama & Cie d’autre part. Au reste, il n’a pas complètement tort, Trump venant tout de même d’un milieu fort proche de l’establishment, ou plutôt d’une autre branche du même establishment qui entretient à Washington sa branche du pouvoir politique. Bien entendu, le trotskiste est incapable de comprendre comment cette occurrence est suffisante pour faire notre bonheur, et même que c’est la seule combinaison (affrontement ouvert au sein des élites-Système) qui permette d’aboutir à une dynamique antiSystème conduisant à marche forcée le Système à des extrémités de surpuissance suicidaire (autodestructrice). Inutile d’essayer d’expliquer cela dans le cadre de la IVème Internationale, aucune place n’est prévue dans son logiciel pour cette sorte d’appréciation.
Il n’empêche, le coup d’œil sur Vault7 qui nous est proposé vaut qu’on s’y attarde. Le texte s’attarde à une hypothèse intéressante qui concerne la mort d’un jeune journaliste dissident, Michael Hastings, tué il y a plus de deux ans dans un accident de voiture assez difficilement compréhensible. Des bruits avaient alors couru sur sa liquidation par la CIA. Notant que l’un des programmes de la CIA concerne l’intervention électronique sur des voitures de série par des procédés divers installés à la source, peut-être ou sans doute avec la complicité des constructeurs, Van Auken avance l’hypothèse tout à fait justifiée que Hastings a été victime de ce programme de la CIA :
« Selon WikiLeaks, une des révélations à glacer le sang fournie par les documents est le fait que, “En octobre 2014, la CIA cherchait également à infecter les systèmes de contrôle utilisés par les voitures et les camions modernes”. WikiLeaks note que “le but d'un tel contrôle n'est pas précisé mais elle permettrait à la CIA de pratiquer des assassinats presque indétectables”.
» Bien que WikiLeaks ne le mentionne pas spécifiquement, c'est le scénario suggéré par beaucoup de gens dans l'accident mortel impliquant une seule voiture à Los Angeles qui a enlevé la vie du journaliste Michael Hastings. Au moment de sa mort, Hastings, qui avait précédemment écrit un article qui a conduit à la destitution du général Stanley McChrystal en tant que commandant suprême américain en Afghanistan, travaillait sur un profil du directeur de la CIA d'Obama, John Brennan. Avant l’accident, Hastings avait informé ses collègues qu'il était sous surveillance gouvernementale et avait demandé à un voisin de lui prêter sa voiture, disant qu'il craignait que son propre véhicule ait été trafiqué. »
Tout cela justifie parfaitement l’analogie méritée par la CIA, par ailleurs déjà largement acceptée, que fait Van Auken en citant Murder Inc. (le “syndicat du crime”, autre nom donné à Cosa Nostra, qui domina le crime organisé aux USA, au moins jusqu’aux années 1980). La CIA est devenue une organisation absolument sans foi ni loi, sans le moindre contrôle, une puissance d’une ampleur inimaginable, qui n’a pour la freiner ou la stopper que le duo déjà cité de son incompétence et de sa stupidité. Il y a longtemps que la CIA est considérée implicitement ou explicitement de cette façon ; l’alerte avait été donnée à cet égard dès 1963 par celui qui avait présidé à sa création, le président Truman, dans une lettre de 1963 retrouvée et publiée sur dedefensa.org par Nicolas Bonnal. (*)
Bien entendu, l’expansion extraordinaire de la CIA aujourd’hui place ce monstre dans une position extrême, qui pose un problème ontologiquede survie, parmi d'autres de la même sorte, au pouvoir du système de l’américanisme lui-même. Toute idée de réforme de la CIA nous paraît définitivement impossible, tandis que la poursuite de l’expansion du monstre nous paraît conduire à des catastrophes impossibles pour ce pouvoir lui-même. (On le voit bien, dans l'occurrence actuelle où l’affrontement Obama-Trump est rendu possible et aussi intense grâce à la CIA, à cause de la CIA, et parce que la CIA existe.) La seule solution, – évidemment quasi-irréalisable, sinon à peine pensable, – c’est la destruction du monstre. (De même, la solution pour le monstrueux Pentagone, c’est la destruction du monstre ; de même, la solution pour la monstrueuse NSA, c’est la destruction du monstre ; et ainsi de suite...) L’on peut goûter les paradoxes et les contradictions de cette impasse titanesque.
Voici donc le texte de Bill Van Auken, sur WSWS.org, le 9 mars 2017, à partir du texte original en anglais du 8 mars. Le titre original en français, que nous avons dû modifier pour des raisons techniques, est « WikiLeaks révèle une vaste opération de cyberespionnage de la CIA ».
(*) On notera que cette lettre, retrouvée pour la séquence actuelle par Bonnal dans les archives de Truman, a largement fait son chemin. Reprise par nombre de médias, on la retrouve hier sur Infowars.com (relayant le Washington Times) tandis que Mises.org ressort d’autres échos des conceptions de Truman à cet égard.
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La lutte intense qui fait rage au sein de l'appareil d'État et de l’élite dirigeante aux États-Unis, mettant en jeu des allégations non-prouvées du parti démocrate à propos de piratage russe en faveur de Trump, ainsi que la propre accusation de ce dernier que sa campagne aurait été mise sous écoute par Obama, a été éclipsée par la publication par WikiLeaks d’une série de documents de la CIA.
Les 8.761 documents contenus dans ce que WikiLeaks a qualifié de «plus importante publication de documents confidentiels sur l’agence» ont commencé à mettre à nu un vaste système de surveillance, de piratage informatique et de cyberguerre dirigé contre le peuple américain et la planète entière.
L'organisation anti-secrets a appelé le premier document «Year Zero» (l'An Zéro) et a fait savoir que d'autres caches de données de la CIA sont encore à découvrir dans le cadre d'un plus grand projet baptisé «Vault 7» (Coffre 7).
Les fichiers ont été pris du Center for Cyber Intelligence (Centre pour le cyber renseignement) de la CIA, un centre de contrôle immense et peu connu qui comprend quelque 5.000 pirates informatiques, agents de la CIA et entrepreneurs privés. Comme ce fut le cas en 2013 avec Edward Snowden lorsqu’il a rendu publics des documents secrets révélant une vaste opération d'espionnage de la National Security Agency (NSA – Agence de sécurité nationale), les documents de la CIA seraient venus d'un ancien pirate de l’agence ou d'un sous-contractant qui était inquiet devant la portée et le but des opérations de cyberguerre de l'agence.
Les programmes décrits dans les documents indiquent que la CIA, selon WikiLeaks, a développé «plus d'un millier de systèmes de piratage informatique, des trojans, des virus et d'autres armes logicielles malveillantes» lui permettant de prendre le contrôle d'appareils, y compris les iPhones d'Apple, le système d’opération Android de Google (utilisé par 85 pour cent des téléphones intelligents) et des appareils qui tournent sous Microsoft Windows. En piratant ces appareils, la CIA est également capable d'intercepter les informations avant qu’elles soient chiffrées sur des plateformes de médias sociaux comme WhatsApp, Signal, Telegram, Wiebo, Confide et Cloackman.
L'agence aurait stocké des menaces dites «jour zéro» qui peuvent être utilisées pour exploiter des vulnérabilités non identifiées dans un large éventail d’appareils avant que leur fabricant ne soit capable de détecter la faille et de la corriger. Sous le gouvernement Obama, la Maison Blanche était censée avoir établi un «Processus d'équité en matière de vulnérabilités», selon lequel les agences de renseignement informeraient les fabricants de la plupart des vulnérabilités logicielles tout en gardant une partie à elles-mêmes pour exploitation. En partie, cela a été conçu pour empêcher les entreprises américaines de perdre leurs parts de marché à l'étranger. Le vaste arsenal de la CIA prouve que ce programme était un simulacre dès le départ.
L'un des programmes développés par la CIA, au nom de code «Weeping Angel» (Ange pleureur), transforme les téléviseurs intelligents de Samsung en le genre de technologie envisagée par George Orwell en 1984, où la «Police de la Pensée» surveillait les «écrans de téléviseurs» qui servaient à la fois de téléviseurs, diffusant les discours de «Big Brother» (le Grand Frère), et de caméras de sécurité, surveillant chaque mot et geste du spectateur. Cette technique de surveillance place les téléviseurs ciblés dans un «faux mode éteint» lui permettant de transmettre par Internet les conversations ayant lieu dans la salle jusqu’à un serveur caché de la CIA.
WikiLeaks a rapporté qu'une grande quantité d'informations avait été effacée des documents dévoilés, y compris du code informatique pour les cyber-armes réelles ainsi que les identités de «dizaines de milliers de cibles de la CIA et de machines servant aux attaques en Amérique latine, en Europe et aux États-Unis».
L’existence de «cibles» aux États-Unis indique que l'agence est engagée dans un vaste espionnage intérieur en violation de sa charte.
Les documents établissent également que la CIA a développé ces programmes en collaboration avec le MI5, l'agence britannique de renseignements, et qu'elle exploite un centre de cyberguerre dissimulé dans le consulat américain à Francfort, en Allemagne.
Selon WikiLeaks, une des révélations à glacer le sang fournie par les documents est le fait que, «En octobre 2014, la CIA cherchait également à infecter les systèmes de contrôle utilisés par les voitures et les camions modernes». WikiLeaks note que «le but d'un tel contrôle n'est pas précisé mais elle permettrait à la CIA de pratiquer des assassinats presque indétectables».
Bien que WikiLeaks ne le mentionne pas spécifiquement, c'est le scénario suggéré par beaucoup de gens dans l'accident mortel impliquant une seule voiture à Los Angeles qui a enlevé la vie du journaliste Michael Hastings. Au moment de sa mort, Hastings, qui avait précédemment écrit un article qui a conduit à la destitution du général Stanley McChrystal en tant que commandant suprême américain en Afghanistan, travaillait sur un profil du directeur de la CIA d'Obama, John Brennan. Avant l'accident, Hastings avait informé ses collègues qu'il était sous surveillance gouvernementale et avait demandé à un voisin de lui prêter sa voiture, disant qu'il craignait que son propre véhicule ait été trafiqué.
Un autre élément significatif des révélations contenues dans les documents de WikiLeaks concerne un programme de la CIA appelé «Umbrage» (dans l’Ombre), qui se compose d'une importante «bibliothèque» de logiciels malveillants et de techniques de cyberattaque développées dans d'autres pays, y compris la Russie. L'agence est en mesure d'exploiter ces outils «volés» pour masquer ses propres attaques et en rejeter la responsabilité sur leurs auteurs. L'existence d'un tel programme démontre que la campagne hystérique sur le rôle supposé de la Russie dans le piratage et la fuite des emails du Parti démocrate ne repose sur rien.
Alors que le parti démocrate continue d’attaquer Trump sur la question de ses supposés liens avec la Russie (plutôt que sur sa politique réactionnaire contre les immigrés et toute la classe ouvrière), les révélations de WikiLeaks sur la CIA sont rejetées par des sections des médias comme un autre complot de Moscou.
Dans le même ordre d'idées, le New York Times a publié un long article lundi pour se moquer «des inquiétudes de la Maison Blanche au sujet d'un "État profond" cherchant à miner la présidence Trump» suite à l'accusation de Trump qu'il avait été mis sous écoute pendant la campagne présidentielle.
Une telle expression, selon le Times, pourrait s’appliquer à des pays comme l'Égypte, la Turquie ou le Pakistan, mais pas aux États-Unis parce qu’elle «suggère une nation non démocratique où les normes juridiques et morales sont ignorées».
La réalité est que «l'État profond» est plus massif et plus puissant aux États-Unis que n'importe où dans le monde et il supervise de semblables complexes militaro-policiers dans des pays comme l'Égypte, la Turquie et le Pakistan. En ce qui concerne les «normes juridiques et morales», les dernières révélations sur la CIA, une organisation appelée depuis longtemps Murder, Inc. (Agence du meurtre), offrent un aperçu des méthodes réelles de l'État américain.
La tentative du New York Times de balayer d’un revers de main les inquiétudes concernant les activités et l'influence de l'appareil militaire et de renseignement ne fait qu'établir son propre rôle en tant qu'organe de propagande et instrument idéologique de cet «État profond», qui entretient les liens les plus intimes avec la CIA, le Pentagone et d'autres agences.
Les documents diffusés par WikiLeaks couvrent la période de 2013 à 2016, les dernières années de l'administration Obama, qui a poursuivi les guerres mises en branle sous Bush, organisé une vaste expansion de l'appareil de renseignement américain et lancé un véritable assaut contre les droits démocratiques. On a aussi vu la mise en place d’un programme international de meurtres par drones, la Maison Blanche s’arrogeant le droit d'ordonner le meurtre extrajudiciaire de citoyens américains.
Ce vaste appareil de guerre, de répression et de surveillance de masse a été maintenant confié à l'administration de Donald Trump, un gouvernement de milliardaires, de généraux et de fascistes ouverts qui est déterminé à intensifier la guerre à l'étranger et à mener des attaques sans précédent contre la classe ouvrière aux États-Unis.
Alors que le Parti démocrate réclame un procureur spécial pour faire enquête sur la prétendue «ingérence» russe dans les élections américaines – une revendication visant à soutenir la poussée de guerre américaine contre la Russie et à détourner l'opposition de masse envers Trump vers des canaux réactionnaires – et que Trump demande une enquête sur sa propre supposée mise sous écoute, aucun camp n'a exigé une enquête sur les opérations d'espionnage de la CIA. Les démocrates et les républicains sont tous deux d’accord que de telles mesures policières sont nécessaires pour défendre le système capitaliste en crise contre la menace d'une révolution sociale de la classe ouvrière.