Veille et vigie

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Veille et vigie

Se serait-il aperçu de quelque chose ?

Barack Obama a annoncé le 15 décembre 2013 la création d’une commission d’étude qui va évaluer la contribution de la collection de données au renseignement et à la sécurité. Elle devrait rendre compte à la Maison Blanche dans les deux mois de ses résultats préliminaires.

Voici donc promis un bilan de santé pour la NSA.

L’année 2013 s’était achevée en révélant bien plus qu’un comportement paranoïaque de la première puissance militaire. Les Us(a) se livrent avec l’aide de leurs principaux États nationaux vassaux à une surveillance faite de duplications dûment conservées d’écrits, communications téléphoniques de personnalités d’une pertinence politique supposée comme de ceux de plusieurs millions d’individus déterminés sur la foi d’algorithmes d’une efficacité aléatoire. Mais que peut bien cacher Merkel à ses supérieurs hiérarchiques quand elle devance leurs désirs ? Que peuvent sceller Hollande ou n’importe quel hôte du palais de l’Élysée alors que la province française exécute les basses besognes de limitation du champ d’exercice chinois en Afrique avec une célérité qui laisse imaginer qu’elle anticipe les ordres de son maître ?

La société de l’“Intelligence” absolue est bien l’aboutissement de l’évolution d’une politique de contrôle. L’exigence de la maîtrise du flux informationnel absorbe l’essentiel des ressources allouées au renseignement, négligeant ce qui fut l’instrument de puissance étasunienne par excellence, la manipulation, l’infiltration et la création d’illusions.

Tout savoir des projets des dirigeants de la CGT, c’est bien, mais créer et financer un syndicat rival qui le doublera, l’affaiblira, a été nettement plus performatif. À terme, toute action organisée des travailleurs, discréditée, aura disparu.

La destruction des mouvements de gauche en Italie a été parachevée par l’orchestration active d’attentats qui -leur ont été attribués et par l’introduction en leur sein de provocateurs et non par une quelconque anticipation des intentions des Brigades Rouges.

L’histoire aurait pu continuer d’être l’œuvre exclusive des différentes officines chargées d’agencer le monde. En février 2002, Le Monde reprenant le New York Times annonçait l’existence de l’Office de l’Influence Stratégique, l’OSI créé en 2001. Ce service avait pour mission de soutenir l’effort de guerre et de combattre la montée des sentiments anti-américains. Richement doté par des fonds secrets de la CIA, il était chargé de fournir des allégations, des fausses preuves par des moyens détournés à la presse pour influencer des pays ennemis et amis. L’assurance avec laquelle Fabius accusait l’armée régulière syrienne de l’attaque chimique à Ghouta pourrait être la preuve d’une intoxication ‘amie’. En effet comment interpréter la naïveté et la maladresse inexplicables autrement des dirigeants français dans l’affaire syrienne s’ils n’avaient induits par des arguments propagés depuis le Centre du Monde? Le Ministère des Affaires Étrangères ne manque pas de fonctionnaires à la fois dévoués et compétents. Ses cadres y passent l’essentiel de leur vie et sont soumis à des tensions contradictoires. Les éléments dont ils rendent compte ne sont pas utilisés, il n’est pas étonnant qu’y soient dénombrés des burn-out et des suicides au travail anormalement élevés.

L’OSI a été dissous, comme a disparu l’OGC, Office of Global Communication, de l’organigramme du sous-secrétariat d’État à la diplomatie publique et à la politique publique, intitulé pudique et pompeux pour ministère de la propagande, mais d’autres appellations et d’autres sigles le remplacent avantageusement.

La majorité des organisations se réclamant des droits de l’homme sont des armes de fabrication étasunienne prêtes à être lâchées au moment opportun contre un régime pas assez congruent ou dont le niveau de corruption laisse prédire un mouvement de révolte populaire spontané. Ces dispositifs nécessitent de gérer de l’humain indigène, ils se sont montrés efficaces et très rentables ces trente dernières années.

Ils ne sont certes pas abandonnés.

Mais en voie d’être supplantés par l’ambition d’un contrôle total du monde par la surveillance électronique.

L’énormité du budget consacré à la NSA, par son poids considérable, indique un changement qualitatif dans l’orientation de la politique de la puissance hégémonique.

Les centaines de boîtes à penser fournissent l’idéologie compatible et des relais médiatiques, la presse sous toutes ses formes, les centres d’enseignement, alimentent abondamment un public de plus en plus informé et de moins en moins instruit.

Elles peinent à rendre plausible la nécessité de l’intrusion dans la vie privée de chacun sous prétexte d’une guerre préemptive contre le terrorisme.

Une construction faussement syllogistique tient d’une part le terrorisme comme menace constante, d’autre part la surveillance comme moyen de l’endiguer. La résultante de ses deux termes serait l’espionnage de tous et tout le temps.

L’épreuve de réalité, e.g. l’attentat de Boston ou celui de Benghazi, montre qu’il s’agit d’une aporie.

Chaque acte terroriste non déjoué prouve l’inefficacité de la surveillance tout en plaidant pour un renforcement de celle-ci.

Surveiller ne conduit pas à produire une analyse des DATA et encore moins n’induit des choix et des critères de décision.

L’abondance de données collectées peut au contraire faire échouer la prévision de l’événement à éviter.

Plus de dix ans après le fait historique devenu mythe fondateur de l’ère postérieure au post-modernisme, il est permis de douter qu’il y eût complot. Une bande de jeunes gens, d’origine arabe et de confession musulmane, a parfaitement pu accomplir cette geste, détruire des sites qui symbolisent la puissance hégémonique en laissant des traces visibles et d’ailleurs vues du plus rudimentaire service de défense d’un territoire. Aucune instance intelligente n’a pu intégrer les données plus que patentes, les comprendre et décider d’y parer. L’excès de moyens techniques condamne à l’impuissance.

Aucune machinerie logicielle n’a supplanté l’intuition humaine, c’est-à-dire l’intelligence qui est la qualité résultant de la capacité de correction d’actes réflexes. L’invention de la nouvelle solution excédant la simple application de routines génère une variation environnementale qui va susciter de nouvelles entreprises adaptatrices et correctrices.

La bêtise de cette civilisation occidentale se résume en une foi somme toute dérisoire. Elle suppose vrai que le comportement humain pourrait être modélisé et asservi à un outil, celui de la compilation de données soumises à des routines.

Que pourrait conclure le groupe d’études commis par Obama

quand les énormes intérêts de multinationales privées de la surveillance sont en cause ?

Alors que le terrorisme reste une menace minime eu égard au risque réel de dégradation écologique et aux explosions sociales très probables liées à des inégalités devenant de plus en plus insupportables, la parabole de l’homme cherchant ses clés perdues dans le rond de lumière retrouvée sous forme à peine différente dans tous les récits sapientiaux orientaux et persans est à l’œuvre.

Quelle que soit la puissance des ordinateurs quantiques de la NSA, ses performances de calcul ne pourront rien contre les millions de gueux que sont les migrants climatiques et les centaines de millions qui perdent leurs ressources, privés de travail et de moyens de subsistance.

La Révolution de droite gagnée par les Chicago Boys depuis les années soixante-dix a conduit à remplacer les salaires par le crédit et à faire considérer les frontières nationales comme une entrave à la liberté des transnationales n’a plus besoin d’appointer des Raymond Aron à opposer à des Jean-Paul Sartre. La vague du libéralisme a submergé des figures intellectuelles devenues introuvables qui tenteraient de sy opposer.

L’idéologie s’affranchit du fait expérimental, elle tourne à vide, alimentée par une monnaie fictive et confortée par des combats de drones.

En décembre, se sont tenues les dernières négociations entre les membres de l’UE et les Us(a) pour le Partenariat Transatlantique du Commerce et de l’Investissement.

Les peuples européens qui ont aimé la démocratie des commissaires de Bruxelles vont adorer les tribunaux commerciaux privés qui pourront attaquer les États pour non respect de la libre concurrence, donc les dernières règles et lois qui protègent les citoyens vont être abolies.

Badia Benjelloun