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1330Un aspect remarquable de l’actuelle crise du “oil spill” du Golfe du Mexique, c’est le silence assourdissant des grandes organisations écologistes et de défense de l’environnement, US bien sûr et internationales à dominante anglo-saxonne. On commence à s’intéresser à la chose, dans une occurrence qui représente une occasion si exceptionnelle pour la cause défendue par ces organisations. Un texte de Politico.com, reproduit le même jour de sa mise en ligne, le 11 juin 2010 par CommonDreams.org, nous donne quelques explications éclairantes sur le phénomène.
Cet événement est intéressant parce qu’il a d’abord le mérite de compléter la mise au point générale qu’il importe de faire sur la réelle valeur des mouvements de contestation des années 1960 culminant dans notre “Mai” sacro-saint. C’est dans ce contexte que prit naissance cet aspect-là du mouvement écologiste. On peut donc bien en juger aujourd’hui.
Le sympathique paradoxe de la chose, comme nous nous en expliquons dans notre commentaire, est que cette abstention aisément explicable de ces mouvements n’est pas un mal. Au contraire, il conduit à asséner des coups beaucoup plus rudes au système qui a réussi à phagocyter ce mouvement écologiste-là.
«Last week, it seemed, environmentalists were finally ready to let loose on President Barack Obama over the Gulf oil spill. Actress Q'orianka Kilcher chained herself to the White House fence while her mother slathered the “Pocahontas” star in black paint meant to look like oozing crude. Kilcher's cause? Not the Gulf spill at all but oil-related abuses of indigenous people in Peru, whose president was visiting Obama that day.
»As the greatest environmental catastrophe in U.S. history has played out on Obama's watch, the environmental movement has essentially given him a pass – all but refusing to unleash any vocal criticism against the president even as the public has grown more frustrated by Obama's performance.
»About a dozen environmental groups took out a full page ad in the Washington Post Tuesday – not to fault Obama over the ecological catastrophe but to thank him for putting on hold an Alaska drilling project. “We deeply appreciate your decision. ...” the ad says to Obama.
»“President Obama is the best environmental president we've had since Teddy Roosevelt,” Sierra Club chairman Carl Pope told the Bangor Daily News last week. “He obviously did not take the crisis in the Minerals Management Service adequately seriously, that's clear. But his agencies have done a phenomenally good job.”
»Some say there's little doubt that if a spill like the one in the Gulf took place on former President George W. Bush's watch, environmental groups would have unleashed an unsparing fury on the Republican in the White House. For their liberal ally, Obama, they seem willing to hold their tongues.
»“These guys have bet the farm on this administration,” said Ted Nordhaus, chairman of an environmental think tank, the Breakthrough Institute. “There has been a real hesitancy to criticize this administration out of a sense that they're kind of the only game in town. ... These guys are so beholden to this administration to move their agenda that I think they're unwilling to criticize them.” [ …]
»As the criticism of Obama ramped up in the media last month, some protesters did challenge his handling of the crisis – but they often came from groups not commonly associated with environmental causes. The “Make Big Oil Pay” signs outside a fundraiser Obama attended in San Francisco on May 25 were carried by a contingent from the socialist group ANSWER (Act Now to Stop War and End Racism), which is mounting a campaign to have the U.S. government seize BP's assets.
»“The national environmental organizations have become very establishment, very hierarchical and have close ties to decision makers. A lot of their influence is based on their reputations, their expertise and their ability to marshal mainstream members,”[ Matt Nisbet, a professor of environmental communications at American University] said. “Groups outside the mainstream are benefitting”…»
Un autre aspect de l’abstention élégante des “écolos” est mis en évidence dans le texte de F. William Engdahl du 10 juin 2010, dans sa partie intitulée d’une façon très explicite «Silence from Eco groups?... Follow the money». Les divers groupes écologistes et personnalités dirigeantes reçoivent subsides et gratifications diverses de la part des grands groupes pétroliers, qui les assurent de leur intérêt pour leur “combat”. Nous sommes donc rassurés, l’ennemi est dans la place, et absolument à son aise parce que si bien à sa place…
@PAYANT Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on constate l’évolution extrêmement conformiste et le reclassement confortable de nos contestataires écologistes des années 1960. (Ils suivent en cela le parcours des contestataires et leaders de “Mai” [68] en France, dont Marcel Jouhandeau disait à l’époque : «Ils finiront tous notaires»… Disons qu’ils ont trouvé plus excitant et peut-être mieux rétribué que notaire, mais l’esprit est là et bien là, et il est inutile de s’y attarder pour comprendre de quoi il s’agit, – le passage à la bourgeoisie du système de puissance, le plus vil et le plus honteux dont la “classe intellectuelle” française, pourtant experte en la matière, ait jamais accouché.) Les “écolos” les plus combatifs des années 1960, n’ont pas manqué à la tradition. Les plus remarquables à cet égard sont les Allemands, avec le stéréotype qu’est Joska Fisher, contestataire devenu ministre des affaires étrangères et sans doute l’un des hommes politiques européens qui restera comme le plus vil et le plus servile, jusqu’à la lâcheté physique, vis-à-vis des USA. Il le montra sans ambages lors de la guerre du Kosovo, comme Hubert Védrines en fut le témoin. Les “Verts” allemands sont aujourd’hui de très fidèles et zélés auxiliaires du capitalisme américaniste globalisé et de l’hyper-libéralisme, avec des tendresses souvent touchantes pour le Pentagone. Le parcours est clair, et récompensé par une intégration sans bavure dans le système, avec tous les avantages syndicaux.
Dans le cas qui nous occupe (le “oil spill”), l’abstention des écologistes institutionnalisés et rachetés à un prix convenable par le système a au moins deux avantages extrêmement intéressants.
• Le premier est de casser les reins à l’argument habituel d’une certaine (fausse) droite, jouant depuis des décennies les “idiots utiles” pour le capitalisme hyper-libéral et américaniste qui charrie fondamentalement des valeurs déstructurantes de destruction permanente absolument opposées aux conceptions traditionnalistes et structurantes que cette même “droite” prétend parfois défendre, quand elle retrouve, épisodiquement, sa mémoire historique. Pour cette droite à la mémoire courte, l’écologiste est un gauchiste, donc un diable aux oreilles pointues et à la queue fourchue, donc un ennemi des valeurs structurantes qu’elle croit défendre. L’étiquette de “gauchiste” est d’une ambiguïté profonde. Elle est complètement trompeuse dans le cas qui nous occupe mais renvoie à une certaine réalité, complètement ignorée par cette critique bien entendu, lorsqu’elle aboutit à l’alliance entre la poussée déstructurante du “désordre créateur” commun aussi bien à la veine trotskiste (“révolution permanente”) qu’au capitalisme américaniste hyper-libéral. Quoi qu’il en soit, dans le cas qui nous occupe, la vision courte et naïve du “gauchisme” attribuée à l’écologie, et qui discréditait la grande cause de la lutte contre la catastrophe environnementale en même temps que lui, disparaît puisque l’écologie s’est discréditée elle-même en intégrant les rangs de sa filiation naturelle qu’est le capitalisme américaniste hyper-libéral. Tous ces gens sont en fait le contraire de ce qu’ils disent qu’ils sont, et de ce qu’on en a fait, puisque les écologistes institutionnels type-1960 travaillent aujourd’hui objectivement aux côtés de ceux qui détruisent l’environnement et les conditions d’équilibre du monde au nom du système du technologisme. On est entre amis et en famille.
• Le second avantage dans le cas du “oil spill” est que l’absence de ces “écologistes” pour cause de privilèges à protéger a permis à une opposition multiforme, et non discréditée par des slogans tels que “gauchistes” et compagnie, de se manifester avec une puissance inouïe aux USA. Cette fois, c’est tout le système de la communication, dans sa position nouvelle et à front renversé de critique automatique des effets du système du technologisme, qui s’est déchaînée à propos du “oil spill”. En ce sens, le silence des “écologistes” pare le président Obama d’un soutien et d’une alliance qui ne lui font pas honneur, et qui pourraient lui coûter cher. Il est plus intéressant aujourd’hui d’entendre un James Carville, ancien conseiller de Clinton, un Keith Olbermann, de MSNBC, et tant d’autres animateurs de talk shows, journalistes, etc., qui font leur travail au nom du système de la communication, en tirant à boulets rouges contre les effets du “oil spill” et la dévastation qui s’ensuit. Ils dédouanent complètement la lutte contre la destruction de l’environnement des lourdes considérations des idéologues bornés et hystériques qui s’emploient depuis des décennies à classer leurs adversaires selon les références-bidon du “siècle des idéologies”, ce XXème qui pourrait aussi bien être nommé le “siècle des dupes” que le “siècles des grands massacres de masse”, – les deux allant d’ailleurs de concert, dans une harmonie remarquable.
Lorsque Nisbett, cité plus haut, dit : «In some ways, the media coverage is doing a lot of the work for the environmental groups. They have a perfect narrative going right now. ...The lower profile is working for them.», il pose un jugement juste en partie et sophistique pour l’essentiel. Ce que le “media coverage” a fait comme travail, c’est celui de groupes environnementaux qui n’ont jamais existé, en faveur de la véritable lutte contre la destruction de l’environnement, et cela à cause des automatismes du système de la communication, simplement parce que la destruction du monde (ici, le cas du “oil spill”) est un spectacle sensationnel et répugnant à la fois, qui ne peut pas ne pas être “exploité” par ce système de la communication. Mais le “media coverage” n’a en aucune façon “travaillé pour eux” (pour les écologistes), puisque leur travail, aux écologistes institutionnels, n’a été finalement que de s’intégrer au système en lui apportant la caution d’une apparence d’écologie. Pour le reste, le “oil spill” et leur comportement les discréditent complètement et c’est la meilleure nouvelle pour l’écologie qu’on pouvait espérer.
Mis en ligne le 17 juin 2010 à 08H58
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