Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1245Pas de commentaires ! Les romains savaient tout mieux que nous (voyez mon livre noir de la décadence romaine) et notamment sur les mensonges médiatiques qui alors avaient une dimension mythologique !
Ovide écrit dans les Métamorphoses (chant 12, voyez ebooksgratuits.com, p. 300):
« Entre le ciel et la terre, et le vaste océan, s’élève un antique palais, au milieu de l’univers, aux confins des trois mondes. Là, dans les régions les plus lointaines, l’oeil peut tout découvrir. Là l’oreille peut entendre la voix de tous les humains : c’est le séjour de la Renommée ; incessamment elle veille sur la plus haute tour de ce palais, dont nulle porte ne ferme l’entrée. On y voit mille portiques jour et nuit ouverts, et le toit qui le couvre par mille issues laisse passer le jour. Ses murs sont un airain sonore qui frémit au moindre son, le répète et le répète encore. Le repos est banni de ce palais ; on n’y connaît point le silence. Ce ne sont point cependant des cris, mais les murmures confus de plusieurs voix légères, pareils aux frémissements lointains de la mer mugissante ; pareils au roulement sourd qui, dans les noires nuées de la tempête, lorsque Jupiter les agite et les presse, prolonge les derniers éclats de la foudre mourante. Une foule empressée sans cesse assiège ces portiques, sans cesse va, revient, semant mille rumeurs, amas confus de confuses paroles, mélange obscur du mensonge et de la vérité. Les uns prêtent une oreille attentive à ces récits frivoles ; les autres les répandent ailleurs. Chacun ajoute à ce qu’il vient d’entendre, et le
faux croît toujours. Là résident la Crédulité facile et l’Erreur téméraire, la vaine Joie, la Crainte au front consterné, la Sédition en ses fureurs soudaine, et les Bruits vagues qui naissent des rapports incertains. De là, la Renommée voit tout ce qui se passe dans le ciel, sur la terre, et sur l’onde, et ses regards curieux embrassent l’univers. »
Virgile écrit lui au chant IV de l’Enéide ces lignes somptueuses, à propos des amours people de Didon et Enée qui suscitent tout un tas de ragots et de commentaires désobligeants :
« Soudain la Renommée parcourt les grandes villes de Libye, la Renommée plus rapide qu’aucun autre fléau. Le mouvement est sa vie et la marche accroît ses forces. Humble et craintive à sa naissance, elle s’élève bientôt dans les airs ; ses pieds sont sur le sol et sa tête se cache au milieu des nues. On dit qu’elle est fille de la Terre qui, furieuse d’une fureur contre les dieux, enfanta cette dernière sœur de Céus et d’Encelade, aux pieds rapides, aux ailes promptes, monstre horrible, énorme, qui a autant d’yeux perçants que de plumes sur le corps, et, sous ces plumes, ô prodige, autant de langues, et de bouches sonores et d’oreilles dressées. La nuit, elle vole entre ciel et terre, dans l’ombre, stridente ; et jamais le doux sommeil n’abaisse ses paupières. Le jour, elle demeure en observation assise sur le faîte des maisons ou sur les tours des palais, et elle épouvante les vastes cités, messagère aussi attachée au mensonge et à la calomnie qu’à la vérité. Sa joie était alors de remplir l’esprit des peuples de mille bruits où elle annonçait également ce qui était arrivé et ce qui ne l’était pas : Énée, issu du sang troyen, était venu et la belle Didon ne dédaignait pas de s’unir à cet homme. Maintenant ils se choyaient dans les délices toute la longueur de l’hiver, oublieux de leurs royaumes, captifs d’une honteuse passion. Voilà ce que l’orde déesse faisait çà et là courir sur la bouche des hommes. Elle se détourne et vole jusque chez le roi Iarbas dont ses rumeurs enflamment l’esprit et amassent la colère (ebooksgratuits.com, p. 79).
Le mensonge n’a pas attendu les infos pour avoir des ailes… Il a donc une dimension spirituelle (le pneuma, esprit dont parle le Christ) et mythologique. Le web aura donné une existence réelle.
Les Métamorphoses ; L’Eneide.
Nicolas Bonnal, le Livre noir de la décadence romaine (Amazon.fr) ; Internet, nouvelle voie initiatique