Virtualisme à visage découvert

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Virtualisme à visage découvert


20 novembre 2003 — Revenons sur une de nos affirmations tonitruantes, pour la nuancer décisivement : la visite à Londres de GW n’est pas complètement dépourvue d’intérêt. Aujourd’hui, nous en trouvons un, essentiel lorsqu’on a à l’esprit nos préoccupations : le phénomène que nous qualifions de “virtualisme” devient une “réalité” ( !) assez forte pour apparaître, dans la presse, en marge et autour de la visite londonienne, comme un des enseignements majeurs de cette période.

Nous mentionnons trois articles qui, ce matin, de façon différente et selon des approches évidemment non concertées, fixent effectivement ce caractère du virtualisme tel qu’il apparaît désormais de façon publique et massive.

• Un excellent article de Jonathan Freedland, avec dans le titre l’expression parfaitement significative de « the two worlds of George Bush ». (L’article de Freedland est tellement convaincant qu’on se demande comment il accorde les conclusions auxquelles il nous conduit avec la plaidoirie finalement optimiste qu’il offrait le jour d’avant sur la nécessité et la possibilité pour l’Europe et les USA de se rapprocher : nous ne parlons pas de réalités mais de mondes différents, artificiellement créés pour être différents.)

• Un article de l’historien Richard

Reeves sur l’organisation structurelle à Washington, devenue rien de moins qu’une sorte de “ville des bulles” :

« The war capital has become a city of bubbles and balloons, with men and women trapped in their own safe worlds. The president's sphere is quieter and brighter, but the other players here, the Congress, the military, the diplomats, the press, are all sealed off from each other. »

• Un article du Guardian nous apprend que Richard Perle, parlant en public, reconnaît le caractère illégal de la guerre contre l’Irak. Là aussi, c’est une facette de la mise en évidence du virtualisme, avec un homme qui, au milieu de tous ses défauts, très nombreux, a toujours gardé la capacité d’appeler “un chat un chat”, une certaine franchise qui est une qualité rafraîchissante. C’est ce qu’il montre dans ce cas en affirmant clairement que la guerre menée par les USA était illégale, contre toutes les affirmations de propagande de l’administration.

«  In a startling break with the official White House and Downing Street lines, Mr Perle told an audience in London: “I think in this case international law stood in the way of doing the right thing.”

» President George Bush has consistently argued that the war was legal either because of existing UN security council resolutions on Iraq — also the British government's publicly stated view — or as an act of self-defence permitted by international law.

» But Mr Perle, a key member of the defence policy board, which advises the US defence secretary, Donald Rumsfeld, said that “international law ... would have required us to leave Saddam Hussein alone”, and this would have been morally unacceptable. French intransigence, he added, meant there had been “no practical mechanism consistent with the rules of the UN for dealing with Saddam Hussein”. »

Le meilleur commentaire des déclarations de Richard Perle est venu de Michael Dorf, un professeur de droit de Columbia University qui s’est opposé à la guerre selon l’argument qu’elle était illégale. « I think Perle's statement has the virtue of honesty, and, interestingly, I suspect a majority of the American public would have supported the invasion almost exactly to the same degree that they in fact did, had the administration said that all along. »

Ces diverses indications montrent combien la visite londonienne de GW, l’homme qui passe trois jours à Londres sans avoir vu un seul Londonien “réel”, est une démonstration massive de l’existence du virtualisme, — quel que soit le nom qu’on veut lui donner. La chose est si évidente que de nombreux commentaires abordent désormais le sujet droitement. C’est une excellente chose.

Reste un travail essentiel : établir un lien de cause à effet entre le virtualisme et la soi-disant “politique” générale du monde occidental, qui en est nécessairement issue en grande partie, ce que ne font pas nombre d’auteurs (voir, plus haut, notre remarque sur Freedland). Quand on voit combien cet événement à la fois énorme, grotesque, et complètement vide qu’est la guerre contre l’Irak, a été décidé et réalisé à partir d’une vision, d’une analyse, d’une planification, etc, entièrement dépendantes du virtualisme, on mesure l’influence de ce comportement et de cette idéologie sur la politique. En d’autres termes, si l’on admet peu ou prou l’existence du virtualisme comme un phénomène spécifique qui peut structurer une vision du monde, comme dans le cas de GW Bush, — comment désormais penser la politique ?