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52015 août 2004 – William Pfaff signe dans The Observer de ce jour un texte brillant, une analyse d’historien, sur l’avenir d’une présidence Kerry, en cas d’élection du candidat démocrate. Pour Pfaff, certes, cette présidence sera toute entière dominée par la crise irakienne et Kerry, selon ce qu’il annonce à ses électeurs, connaîtra le sort ignominieux de Johnson (retrait volontaire en mars 1968 d’un deuxième mandat) et de Nixon (démission en août 1974) par rapport à leur fardeau commun, qui fut la guerre du Viet-nâm. Pfaff ne parle certes pas ici du sort personnel des deux présidents qu’il cite mais de leur échec successif à résoudre le problème vietnamien et, par là, leurs chutes par le biais de circonstances différentes. « If John Kerry wins the US presidency, he will find himself in the same plight as Lyndon Johnson and Richard Nixon when they took office. Each inherited another man's war. Each prosecuted that war, Johnson reluctantly, Nixon because he thought he could do better. Both failed and were destroyed by the war. »
Mieux encore : Pfaff met justement en évidence combien John Kerry se trompe, combien il est, par exemple par rapport à Johnson qui savait à quoi s’en tenir à propos du Viet-nâm, complètement dans l’illusion à propos de l’Irak.
« Johnson (…) told his press secretary, Bill Moyers: 'I feel like a hitchhiker caught in a hailstorm on a Texas highway. I can't run. I can't hide. And I can't make it stop.'
» The murdered Kennedy's foreign policy advisers told him that if he didn't press on with the war, 'Asian communism' would conquer one non-Western state after another - dominos tumbling. So did practically everyone else in the Washington policy community. It was one of those things 'everybody knew'.
» Johnson was a populist economic and racial-justice reformer. He knew nothing of south-east Asia. He knew that if he prosecuted the war, he 'would lose everything at home'. If he did not, he 'would be seen as a coward and my nation would be seen as an appeaser, and we would both find it impossible to accomplish anything for anybody anywhere'. Kerry expresses no such doubts. He apparently accepts what 'everyone knows' in Washington today, as in London, that 'failure in Iraq is not an option'.
» This is true. Failure is no longer an option because it has already been assured by choices already made by the Bush administration. The questions that remain are failure's timing and the gravity of its consequences. »
La similitude des états d’esprit, des erreurs en cours, des distorsions des psychologies, du refus de l’expérience des faits, du conformisme dévastateur, est particulièrement bien mise en évidence. On notera simplement, mais ce n’est certes pas rien, que la situation est aujourd’hui bien plus grave pour les Etats-Unis, et que l’échec probable de Kerry, s’il est élu, à désengager l’Amérique de l’Irak réserve à son pays des épreuves difficiles.
La vision d’historien que nous montre Pfaff est bien en ce qu’il comprend parfaitement où se situe la seule porte de sortie pour l’Amérique aujourd’hui. Il la synthétise avec l’analogie qui importe, avec le personnage qui s’impose comme référence : le Français Charles de Gaulle. Alors que le Pentagone a fait des gorges chaudes du « modèle algérien » pour se donner une référence dans sa guerre irakienne contre l’insurrection, - et pour quels résultats ! – Pfaff propose le « modèle algérien » de la seule façon qui importe et qui vaille, qui est « l’option de Gaulle ».
« Nixon, however, had possessed an option in 1969 that he lacked the courage to choose. He had always said he admired Charles de Gaulle. De Gaulle, when returned to power in 1958, at a moment of extreme crisis in France's war to defeat Algerian insurgents and to keep Algeria French, recognised that the war was futile, even if the insurrection itself might temporarily be defeated.
» He cut France's losses. Defying military mutiny, despite significant resistance from French public opinion, and facing assassination attempts and a terrorist campaign directed against him and his government, de Gaulle negotiated Algerian independence. It was an act of cold-blooded courage and realism.
» It did not leave France revealed as 'a pitiful, helpless giant', as Nixon said would be the case if the United States left Vietnam. It strengthened France, freeing it to deal with the real issues of political and economic reform. If John Kerry is elected President, he will have the de Gaulle option. He will have a window lasting a few months during which he could reverse US policy and expect, provisionally, to carry public opinion with him. »
William Pfaff donne là une leçon classique de grand historien, appuyée sur le réalisme, la raison, le sens de la mesure, l’appréciation à long terme et le goût des équilibres dans les relations internationales ; il donne une leçon d’humanisme, et non d’humanitarisme à-la-Kouchner, l’homme postmoderne qui soutient la guerre puis s’offusque, comme un époux trompé qui surprend l’objet du délit à deux, que les balles tuent et que le feu brûle. Bien entendu, Pfaff n’a aucune chance d’être entendu puisqu’il est bien entendu qu’on ne l’écoute pas. Ces temps sont aveugles et sourds. Il ne reste plus à l’honnête homme qu’à prendre date pour quelque part dans un avenir dont nul ne sait rien.