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861On trouvera ci-dessous une reprise du texte d'analyse de Jacques Sapir sur la réunion G20 de Hambourg, texte daté du 9 juillet 2017 sur son site RussEurope. On constatera qu'il tend à privilégier l'appréciation selon laquelle le sommet,s'il a limité les dégâts du point de vue formel en paraissant moins confrationnel que le G7, comme dans une sorte de compensation bien dans les habitudes du Système qui apaise l'apparence au détriment des aggravations de fonc, a institutionnalisé les fondements principaux de cette confrontation : d'une part, un reflux marqué des tendances libre-échanistes et ultra-libérales jusqu'alors considérées comme la doxa indéracinable ; d'autre part, les dvisions qui affectent encore plus les pays regroupés au sein de ce que nous nommons le bloc-BAO.
De ce point de vue, le G20 a constitué une sorte de passage à une vitersse de croisière d'un monde occidental désormais entré dans une crise de division et de mésentente profondes, tandis que les autres pays hors-bloc reforcent leurs positions diverses sans céder en rien à cette doxa-là qui n'existe plus. Le monde multipolaire existe bien, mais avec lui existent le désordre et les concurrences dont certaines sont bien surprenantes par rapport à ce qui existait il y a une décennie.
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La réunion du G-20 qui s’est tenu du 7 au 9 juillet à Hambourg a montré l’éclatement actuel des relations internationales. Elle a aussi souligné la position de force qu’occupent tant des pays comme les Etats-Unis que la Chine et la Russie. Elle a acté de l’incapacité des pays de l’Union européenne à faire avancer leur agenda d’une soi-disant « gouvernance mondiale » appuyée sur le déni de la souveraineté des Etats.
Trois faits sont à retenir de cette réunion. Le premier est indiscutablement la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Cette rencontre, qui a d’ailleurs partiellement éclipsé d’autres réunions bilatérales, a jeté les bases d’une coopération à venir entre les Etats-Unis et la Russie. Si les Etats-Unis ont obtenu des russes un accord pour un cessez-le-feu concernant le sud-ouest de la Syrie, cessez-le-feu dont on peut penser qu’il présage à court terme d’une partition du pays, ils ont aussi acté et du maintien au pouvoir d’Assad, et de la domination de ce dernier sur une très grande partie de la Syrie « utile ». Cela revient à accorder aux russes et aux iraniens, ces derniers n’étant pas présents au G-20, ce qu’ils demandaient. Car, si cette partition va jusqu’à son terme, elle ne concernera pas seulement les forces soutenant Assad et l’opposition dite « modérée », mais elle inclura aussi les forces kurdes au nord du pays. Les réticences de la Turquie sont évidentes et bien connues. Il est alors probable que l’une des conséquences de ce cessez-le-feu sera un rapprochement entre la Turquie et la Russie autour de l’idée de l’unité de la Syrie, une solution nettement moins désavantageuse pour Ankara. Ce cessez-le-feu est une solution temporaire, qui ne fait que garantir une protection minimale aux milices soutenues par les Etats-Unis en Syrie. C’est d’ailleurs pourquoi il a été accepté par la Russie qui va pouvoir, avec l’aide de l’Iran et le soutien contraint et forcé des partis kurdes, faire progressivement avancer leur idée de l’unité de la Syrie. Ce cessez-le-feu est à la fois un succès tactique mais une défaite stratégique pour les Etats-Unis.
Il met en avant la place entièrement retrouvée de Vladimir Poutine, qui a été le centre des attentions lors de ce G-20. Non seulement il n’y a plus de tentatives pour « isoler » la Russie, mais encore peut-il se prévaloir des formules qu’il s’agisse du Secrétaire d’Etat américain, Roy Tillerson, ou de Donald Trump, appelant à une relation constructive avec la Russie.
Il est très possible que dans le « grand marchandage » qui a eu lieu entre les présidents américains et russes, ceci ait été parfaitement compris. En échange de cette concession majeure au fond, Trump a demandé aux russes de modérer la Corée du Nord, et a obtenu son soutien sur les questions tant commerciales que climatiques.
Il convient en effet de lire attentivement le communiqué final. Sur la question commerciale, l’Amérique a obtenu en effet gain de cause. Après une nuit de tractations entre les « sherpas », le G20 a certes condamné le « protectionnisme », mais il a aussi reconnu en même temps aux pays le droit de se défendre commercialement en cas de pratiques illégitimes. Ce point est important, et à relier avec la position russe. Pour ce pays, ce qui est condamnable sont des mesures qui empêchent un pays d’avoir accès à certains biens et produits, comme les sanctions, et non des mesures visant à accroître le coût de ces dits biens et produits s’il faut protéger l’industrie nationale. Dès lors les termes du communiqué final : «Nous allons (…) continuer à combattre le protectionnisme, y compris toutes les pratiques commerciales déloyales, et reconnaître le rôle d’instruments légitimes de défense sur ce point », prennent toute leur importance. Nul ne veut, et c’est une évidence, d’un retour à l’autarcie. Mais, un nombre croissant de pays acceptent l’idée que des protections tarifaires peuvent être nécessaires. En reconnaissant aux Etats le droit d’appliquer des moyens légitimes de défense, et en ne liant pas ces derniers à un quelconque accord international, comme par exemple l’organisme de résolution des conflits de l’OMC, l’Union européenne, qui était la force motrice de défense du libre-échange intégral dans ce G-20, a subi une défaite en rase campagne. En un sens, si Emmanuel Macron est sincère dans sa volonté de promouvoir une « Europe qui protège », il pourrait s’appuyer sur cette défaite des ayatollahs du libre-échange de Bruxelles.
Sur la question de l’environnement, même si Emmanuel Macron a cherché à utiliser ce G-20 pour en faire une nouvelle tribune à la gloire de l’accord de Paris, il est clair qu’il est désormais dans une position très affaiblie.
Les pays du G20 ont trouvé un compromis pour éviter une rupture définitive avec Washington, mais aussi avec Moscou et la Chine, après sa sortie annoncée des accords de Paris. Le communiqué final « prend acte » de la sortie des États-Unis. Mais ces accords sont qualifiés d’« irréversibles », manière de tenter d’isoler les États-Unis sur ce point. On peut néanmoins se demander qui isole qui quand on se souvient que le texte de l’accord de Paris n’est pas réellement contraignant, et qu’il est d’ores et déjà remis en cause par de nombreux autres pays. La chancelière allemande peut certes déclarer à la presse qu’elle se réjouit beaucoup que tous les autres chefs d’État et de gouvernement s’en tiennent aux accords de Paris. Le processus devant aboutir à ce que ces derniers soient vidés de leur substance est d’ores et déjà engagé. La déclaration finale, en effet, dit que les pays du G20 : «vont œuvrer pour travailler étroitement avec d’autres partenaires pour faciliter leur accès et leur utilisation plus propre et efficace des énergies fossiles, et les aider à déployer des énergies renouvelables et d’autres sources d’énergie propre ».
En fait, avec ce G-20, on a put commencer à voir la réalité qui se profile derrière les grandes déclarations sur la « menace climatique » : celle d’une situation qui vise à ouvrir aux grandes entreprises de nouveaux champs d’actions, comme par exemple celui du remplacement de la voiture à moteur thermique par un moteur électrique, quand on sait que la construction des batteries nécessaires pour ce véhicule consommeront autant de carbone que huit années d’utilisation d’une véhicule diésel, mais qui ignore de plus en plus les problèmes réels de pollution auxquels les populations sont confrontées, qu’il s’agisse de la pollution atmosphérique (*), ou de la pollution des eaux et des aliments par les produits issus de l’agriculture industrielle.
Une défaite du mondialisme ?
Le bilan global de ce G-20 est bien celui d’une défaite des tenants d’une forme de « mondialisme » et de la reconnaissance de la légitimité d’action des nations souveraines. Ce constat est, et c’est normal, enrobé de diverses couches de sucres pour faire passer la pilule. Mais, il est incontestable que la réunion de Hambourg a bien acté de l’existence d’un monde multipolaire, un monde dans lequel aucun pays ne peut prétendre à lui seul dicter ses lois et exercer son pouvoir. Et, en un sens c’est très bien comme cela. Encore faut-il maintenant que la diplomatie française revienne aux réalités et dessaoule de son ivresse mondialiste. Gageons que cela sera pénible, et s’accompagner d’une « gueule de bois persistante »…
(*) Voir Meilhan N., « Sulfates or no Sulfates » in Les Econoclastes.
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