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173319 mars 2025 (17H10) – On prête assez peu attention dans nos colonnes diverses à ne pas être trop précis ni trop affirmatif. Je crois que c’est un réflexe de prudence et un réflexe d’humilité qui mesurent bien, selon nous, l’impuissance humaine devant la constante tempête de la communication. Nous nous en tenons donc à des engagements généraux qui sont référencés, documentés et clairement identifiés, suffisamment pour justifier le poteau d’exécution. La guerre en Ukraine, c’est comme un champ de mines où des milliers de FakeNews et des tonnes de passions sont prêtes à exploser à tout instant.
Pour autant, – adverbe dont nous faisons bonne consommation et marque nos incertitudes sur les détails de toutes les crises, – il faut veiller régulièrement à faire une incursion dans la description assez sûre du champ de la bataille. Pour cela, nous avons nos clefs, qui sont nos sources, que nous connaissons, dont nous savons bien les tendances qui permettent de peser assez justement ce qu’elles nous disent. Nous avions le tandem Mercouris-Christoforou, qui ne manque pas d’audace dans le plus grande précision possible. Un autre nom, finalement plus rare dans notre agenda mais tout de même régulièrement consulté est celui d’Andrew Korybko. On sait bien que je le caractérise par une extrême prudence, qui est semble-t-il celle de la raison et qui m’irrite parfois, mais j’en viens à lui aujourd’hui parce que je trouve justement qu’il se débarrasse un peu de cette prudence coutumière.
Korybko aborde la question de l’évolution de la guerre terrestre dans l’intervalle des négociations qui n’ont pour l’instant abouti qu’à un “cessez-le-feu” de 30 jours très symbolique concernant les attaques russes contre le réseau énergétique. Les Russes doivent-ils ralentir leur avance terrestre, ou au contraire la poursuivre, voire l’accélérer ? Quels sont les risques vis à vis des nouvelles relations avec les USA que Poutine veut à tout prix préserver ? Etc.
On imaginerait justement que Korybko conseille à la prudence pragmatique de Poutine de continuer à jouer un rôle modérateur... Justement, pas tout à fait et cette attitude assez inhabituelle répond au caractère également inhabituel, sinon complètement extraordinaire de la situation...
« Pour autant, la Russie ferait preuve de retenue en n'exploitant pas pleinement son avantage, car cela pourrait provoquer une réaction excessive des États-Unis, susceptible de compliquer dangereusement le processus de paix. Tant que les intentions de la Russie sont communiquées à l'avance aux États-Unis, toute escalade devrait rester gérable. Cette approche comporterait donc certains risques mais Poutine, habituellement prudent, pourrait se sentir suffisamment à l'aise avec ces chances réduites pour conclure que les avantages potentiellement décisifs en valent la peine. »
Je voudrais signaler que dans la prospective opérationnelle de Korybko, les Européens, surtout les Franco-Anglais bien sûr, ont un rôle particulier à jouer qui est celui, désormais très bien rodé, d’“idiots parfaitement inutiles et parfois utiles” : donner une raison complétemment acceptable, et notamment par les USA, d’une avancée très appuyée des Russes. Le meilleur d’entre nous, Macron bien entendu, a laissé penser qu’il entendait tenir ce premier d’entre tous ce rôle d’“idiots parfaitement inutiles et parfois utiles” en annonçant que, pour sa part, et pour le moins, et sans mentionner tout le reste de sottises couronné par l’intervention de forces très-armées de la paix, il entendait poursuivre la livraison d’armes à l’Ukraine. Bien sûr, c’est du Macron, et l’on sait que sa parole a une capacité de survie d’environ 24/48 heures, mais cela ne doit pas nous empêcher d’espérer...
« Outre le motif susmentionné, cette séquence d'événements repose également sur l'espoir de Poutine que les Européens défieraient Trump en continuant à armer l'Ukraine, même si les États-Unis la coupaient une fois de plus, ce qui transformerait tout cessez-le-feu en une occasion pour Kiev de se réarmer au détriment de la Russie. Il pourrait donc s’ensuivre que le seul recours réaliste de la Russie pourrait être d’étendre sa campagne terrestre dans les régions de Soumy, Dniepropetrovsk et/ou Kharkov pour continuer à démilitariser l’Ukraine. »
Comme quoi, il est à la fois risqué et injuste de laisser penser que l’Europe n’a pas de rôle à jouer, notamment la France de Macron, de laisser croire qu’elle n’a pas toute son importance.
... En attendant, voyez le texte de Korybko qui se trouve sur son site ‘korybko.substack.com’ à cette date du 19 mars 2025.
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La “Nouvelle Détente” naissante entre la Russie et les États-Unis n'a pas abouti à un cessez-le-feu lors du dernier appel Poutine-Trump, ce qui signifie que la phase chaude du conflit ukrainien se poursuit, malgré une proposition de cessation des attaques contre les infrastructures énergétiques, sous réserve de l'accord de Kiev. Actuellement, la Russie est sur le point de repousser complètement les forces ukrainiennes hors de la région de Koursk (Russie) vers la région de Soumy (Ukraine), tandis que le front sud-ouest du Donbass a vu les troupes russes approcher des portes de la région de Dniepropetrovsk.
Poutine sera bientôt confronté au choix fatidique : limiter la campagne terrestre russe aux quatre anciennes régions ukrainiennes ayant voté pour le rattachement à la Russie lors des référendums de septembre 2022 ou l'étendre aux régions de Soumy, de Dniepropetrovsk et/ou (à nouveau) de Kharkov. Le deuxième scénario est intéressant, car il pourrait permettre à la Russie de contourner les défenses de première ligne dans le Donbass et/ou Zaporojie et ainsi de progresser dans son objectif de conquête de l'intégralité des régions qu'elle revendique. Le précédent en la matière réside dans l'avancée de mai dernier sur Kharkov, qui visait à obtenir dans le Donbass ce que l'offensive de Dniepropetrovsk, déjà mentionnée, avait permis d'obtenir à Zaporojie. Mais elle s'était rapidement enlisée et n'avait pas atteint l'objectif visé. Les conditions du champ de bataille ont considérablement évolué depuis, et une simple avancée dans la région de Soumy, bien plus éloignée des territoires disputés, pourrait peut-être même déclencher un effet domino, si elle est à peine plus fructueuse.
Il en va de même si la Russie progresse simultanément dans les trois régions – Soumy, Kharkov et Dniepropetrovsk –, mais une telle avancée, ou même une avancée significative dans l'une d'elles, risque de faire croire à tort à Trump que Poutine ne cherchait qu'à gagner du temps avec leurs négociations et n'est pas sincère en matière de paix. Cette perception pourrait alors entraîner une réaction excessive qui pourrait le conduire à appliquer strictement des sanctions secondaires sur l'énergie russe afin de porter un coup financier important au Kremlin et/ou à tout mettre en œuvre pour armer l'Ukraine. Néanmoins, les partisans de la ligne dure pourraient encore tenter de persuader Poutine de prendre ce risque, présumant que Trump bluffe en affirmant qu'il s'agit d'une “escalade pour désescalade” en cas d'échec des négociations. Mais cela sera difficile à réaliser, car Poutine est un pragmatique accompli et donc réticent à prendre des risques majeurs. Cela dit, ils pourraient l'inciter à agir avec plus d'audace que d'habitude en arguant que de nouvelles avancées sur le terrain pourraient être nécessaires pour contraindre l'Ukraine à la paix selon les conditions de la Russie, après quoi elle pourrait se retirer de ces autres régions.
Outre le motif susmentionné, cette séquence d'événements repose également sur l'espoir de Poutine que les Européens défieraient Trump en continuant à armer l'Ukraine, même si les États-Unis la coupaient une fois de plus, ce qui transformerait tout cessez-le-feu en une occasion pour Kiev de se réarmer au détriment de la Russie. Il pourrait donc s’ensuivre que le seul recours réaliste de la Russie pourrait être d’étendre sa campagne terrestre dans les régions de Soumy, Dniepropetrovsk et/ou Kharkov pour continuer à démilitariser l’Ukraine.
A cet égard, cela favoriserait l'objectif proposé de créer une région démilitarisée, le ‘Transdniepr’, à l'est du fleuve et au nord des territoires revendiqués par la Russie, objectif développé ici. Tout ce qui précède suppose que Trump n'intensifiera pas significativement la guerre pour la désescalader, que cela n'entravera pas les campagnes terrestres russes, et que les Européens n'interviendront pas non plus de manière conventionnelle. Rien de tout cela n'est acquis, cependant, et le risque est donc énorme.
C'est pourquoi Poutine pourrait continuer à jouer la carte de la sécurité pour l'instant en limitant la campagne terrestre russe aux quatre anciennes régions ukrainiennes revendiquées par Moscou, tout en autorisant éventuellement des avancées à petite échelle dans les régions adjacentes au cas par cas. Ces avancées pourraient être approuvées pour permettre aux soldats ukrainiens de se replier vers leurs prochaines fortifications majeures dans les régions de Soumy, Dniepropetrovsk et/ou Kharkov, afin de renforcer l'avantage russe, sans toutefois assiéger sérieusement ces zones pour le moment. L'objectif pourrait être de signaler la domination de la Russie sur le terrain en matière d'escalade, afin que Trump fasse tout son possible pour contraindre l'Ukraine à des concessions afin d'éviter une escalade plus large qu'il pourrait autrement se sentir contraint de mener pour “sauver la face” si la Russie réussissait une percée et s'enfonçait vers l'ouest. Ce type de “geste de bonne volonté” serait différent des précédents, dans le sens où la Russie continuerait d'avancer tout en négociant, au lieu de reculer comme auparavant pour conclure un accord.
Pour autant, la Russie ferait preuve de retenue en n'exploitant pas pleinement son avantage, car cela pourrait provoquer une réaction excessive des États-Unis, susceptible de compliquer dangereusement le processus de paix. Tant que les intentions de la Russie sont communiquées à l'avance aux États-Unis, toute escalade devrait rester gérable. Cette approche comporterait donc certains risques mais Poutine, habituellement prudent, pourrait se sentir suffisamment à l'aise avec ces chances réduites pour conclure que les avantages potentiellement décisifs en valent la peine.