Vite, il nous faut la guerre !

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Vite, il nous faut la guerre !

22 avril 2025 (17H15) – L’Europe se meurt de ne pas avoir “sa” guerre, celle qui achèvera de mettre en évidence les effets inouïs et sublimes de sa surpuissance vertueuse dans l’assurance d’une autodestruction totale encore plus qu’un suicide en goûtant le fer et le feu terribles de la Sainte-Russie couverte d’insultes et d’ordures modernistes. Le climat de folie autodestructrice de l’Europe-UE, – de cette catégorie particulière qu’est l’UE, née selon ses adversaires ricanants, de l’enfantement du Diable et du Nazi unie dans une étreinte ricanante, – atteint aujourd’hui les pires anticipations de l’enfer climatique que nous promet la susdite UE.

Jamais je n’aurais cru que l’UE, ce projet européen si totalement insipide, sans saveur ni la moindre prestance, sans la moindre grâce ni le moindre dynamisme intuitif, sans aucune assise historique, entraînerait ma plume dans de tels excès. La vérité est que le comportement de l’Europe dans cette guerre-crise, alors que l’événement semble proche d’atteindre une sorte de paroxysme, – étrange paroxysme d’un simulacre, par définition inexistant d’une façon matérielle et réaliste, – ce comportement dépasse toute l’exaltation et l’emportement affectiviste que l’on pouvait concevoir. Même un poète versé dans la littérature fantastique, – dans la ‘Fantasy’ si vous voulez, comme une sorte de Lovecraft subitement inspiré par Bruxelles, la hyène et la Kallas, – n’aurait osé, avant nos années terribles depuis 2022, développer ce thème aussi loin et avec tant de force.

C’est-à-dire qu’il s’agit d’un caractère d’une sorte d’emportement de la folie, avec des fous à qui il serait donné tous les pouvoirs et leur état les rendant comptable d’aucune responsabilité en quoi que ce soit. Les gazettes de la presseSystème écrivent tout cela et vous assurent que le bonheur est pour demain, juste au coin de la rue.

Alastair se déchaîne

Alors, on laisse la presseSystème et on se tourne vers des gens de belle qualité et au verbe mesuré. Eh bien, même eux sont conduits à s’exclamer pour mieux rendre compte du jugement qu’ils portent sur cette situation.

C’est le cas de notre ami Alastair Crooke, parlant au ‘Judge’ Napolitano sur son siteJudging Freedom’.

« L'Union européenne est au bord de l'effondrement, et le seul moyen de la préserver, selon des responsables européens de tendance globaliste, est de provoquer la Russie dans la guerre. »

Crooke, invité à développer son propos, ne peut que répéter ce que disent les observateurs avertis à propos de ces projets européens de guerre “hors-USA”. Il moque ouvertement les démarches de formation d’une “coalition de réassurance” (ou “de volontaires”, “de partisans”, ce que vous voulez et tout ce genre de choses...). Que peut-il faire d’autre comme commentaire ?

« Oui, ils veulent que la guerre continue, surtout les Européens, car ils sont désespérés. La situation économique est désastreuse. Certains pays sont au bord de la faillite, le Royaume-Uni en fait partie.

» Vous souvenez-vous de ce qui est arrivé à Liz Truss lorsque le marché obligataire s'est retourné contre elle et qu'elle a été contrainte de démissionner ? Ils sont désormais proches de cette situation… et en France et en Allemagne, la crise financière commence également. L'Europe se désagrège, les pays s'éloignent les uns des autres, et ils sont désespérés.

Effectivement, dans un tel embarras, dans un tel désordre et un tel amoncellement de jérémiades accompagnées de serments d’engagements “jusqu’à la victoire”, que faire d’autre sinon liquider la Russie, – et vite fait, encore .

« Et la seule chose qu'ils peuvent faire pour unir tout le monde, c'est de crier à la guerre et de dire : “Oh, la Russie, la Russie !” Vous savez, c'est la raison de tous les problèmes : détourner l'attention d'eux-mêmes, car la vague de protestations grandit et finira par les conduire à leur démission, et ils le comprennent. Et le seul moyen de préserver l'unité est de déclencher une guerre et d'effrayer les gens pour qu'ils la maintiennent, sinon l'Union européenne s'effondrera tout simplement, car rien d'autre ne la maintient unie.

» Il existe déjà de profondes divisions en Europe, et au sein de l'OTAN aussi. Ils parlent d'une coalition pour cette guerre, mais combien de pays y participent ? Il y en a actuellement trois : la France, la Grande-Bretagne et le Danemark. S'agit-il d'une coalition qui va combattre la Russie ? Lequel soutiendra l'Ukraine ? C'est complètement fantasque mais c'est leur message. »

Un dernier mot sur les vrais propriétaires, pour rassurer les analystes qui tiennent à présenter une perspective bien rangée Pour expliquer le chaos tourbillonnant et les folies en chaîne qui rythment notre quotidien :

« Nous parlons d'un État profond européen qui coopère avec l'État profond américain. Ils ont un objectif commun : contrecarrer Trump, et par conséquent l’objectif principal est d’empêcher toute normalisation des relations avec la Russie. ».

Borrel, le “torturé-du-bunker”

Certains pourraient se poser des questions sur l’attitude des personnalités qui se trouvent emportées dans ce tourbillon et qui réclament la guerre avec la Russie à corps à et à cris. Sont-ils convaincus ? Sont-ils simplement fous ? Sont-ils terrorisés ? On verra qu’il y a un peu de tout cela, en même tempos que flotte dans le “bunker bruxellois” (voir plus loin) une espèce d’atmosphère étrange, que les anciens fonctionnaires de cette immense administration ne connurent jamais et ne reconnaissent évidemment pas.

Il y a un entretien intéressant à cet égard, entre Pascal Lottaz, de ‘Neutrality Studies’ (ici en français, excellent site) et Evarist Bartolo. Que a jamais entendu parler de Bartolo ? Bien entendu, la question est provocante et déplacée puisqu’il fut ministre des affaires étrangères de Malte de 2020 à 2022. Ce petit pays de peu d’influence  cantonné sur une île charmante a un statut de neutralité, ce qui donne à ses ministres une place encore moins importante mais en fait des observateurs presqu’anonymes particulièrement sagaces et bien informés puisque nul ne se méfie d’eux ni ne les prend au sérieux.

Il se trouve que Bartolo était un très bon ami de l’Espagnol Josep Borrel, qui précéda jusqu’en 2024 l’épouvantable guerrière estonienne Kaja Kallas dans la fonction de Haut Représentant (ministre des affaires étrangères) de l’UE. Borrel est l’auteur de la formule désastreuse qui présentait l’UE comme un jardin bien ordonné entouré du reste du monde, qualifié de “jungle” (« jardin fleuri entouré d'une jungle »). Bartolo précise que Borrel ne croyait pas vraiment à cela,

« il ne partageait pas vraiment la thèse de la supériorité de l'UE sur le monde entier. »

Simplement, Borrel était tenu dans une pression épouvantable par les gens des pays baltes et de la Pologne notamment, qui règnent en maîtres dans les couloirs de l’UE depuis une demi-douzaine d’années. Nous avions signalé dans un texte précédent que je ne retrouve plus,   cette situation étrange qui s’était établie dans l’UE, influant sur les psychologies, sur les êtres, dans un mélange de terreur et de fanatisme, qui se transforment en une orientation bureaucratique, puis en une politique. C’est ainsi que se dirige le monstrueux vaisseau-UE, et Bartolo n’hésite pas à dire que son ami Borrel a été véritablement “torturé” par ces personnages devenus omnipotents par on ne sait quel sortilège (il cite aussi les USA comme bourreaux, mais il n’a sans doute pas pris en compte les derniers développements trumpistes).

Ainsi Bartolo conte-t-il les malheureuses aventures de Borrel :

« Je me souviens de ma conversation avec Borrell, que je considère comme un ami et qui a essayé de faire preuve de décence dans des circonstances très difficiles. Je sais ce qu'il croit et pense vraiment. Ce qu'il avait parfois à dire était radicalement différent. Je me souviens comment il a été littéralement boycotté et puni lorsqu'il a décidé de se rendre à Moscou pour rencontrer le ministre Lavrov. Les pays baltes et certains pays d'Europe de l'Est, comme la Pologne, étaient particulièrement mécontents de cette rencontre avec que Lavrov

C’est le même Bartolo qui rapporte l’expression de “bunker assiégé” pour décrire l’atmosphère des couloirs de l’UE entre patrouilles estoniennes et sentinelles polonaises...

« C'est comme la mentalité d'un bunker assiégé à Bruxelles. Cela profite non seulement à la Russie, mais aussi au reste du monde. Au lieu de discuter de la manière d'établir des relations d'égalité avec le monde entier, nous nous rendons de plus en plus insignifiants... »

Rendez-vous à Odessa

Que faire de tout cela, ce fouillis de nouvelles si folles et si contradictoires, sans rapport avec la raison, avec la logique, avec le bon sens, même avec l’intuition ? Même nos excellents amis Christoforou-Mercouris n’arrivent pas à nous rassurer puisqu’eux, au contraire de leur habitude, s’ils restent de bonne humeur se montrent particulièrement pessimistes.

Le grand enjeu, c’est l’idée grossière et particulièrement inculte d’un Macron déguisé en Napoléon, qui aurait réussi à entourlouper les Anglais. Tous deux réunis, avec leurs armées bien faiblardes et au moral bien bas, entendent conquérir Odessa (c’est le dernier rendez-vous dont l’on parle) et nous jouer « La Garde meurt mais ne se rend pas ». (Je fais l’hypothèse que le Premier ministre britannique qui brille de façon éclatante par sa culture n’a pas encore été informé du déroulement exact de la bataille de Waterloo, en Belgique, – tiens, pas loin de Bruxelles justement... Qu’importe, nous, nous sommes à Odessa !)

Mais sérieusement, iront-ils là-bas ?

Mercouris : « On peut dire définitivement que l’UE est comme une voiture lancée à fond sur une route droite menant à un abysse, et ses dirigeants ne cessent d’appuyer sur l’accélérateur... »

...Et, dans une autre chronique, après une analyse tranchante, précises, de Mercouris sur la question des Européens (donc, répétons-le pour la gloire européenne, France-UK et quelques supplétifs) intervenant en Ukraine, hors USA,  il y eut un instant de silence puis ce rapide échange :

Christoforou : « Finalement, croyez-vous que les Français et les Anglais vont réellement intervenir vers Odessa ? »

Mercouris : « Croyez-le ou ne le croyez pas si vous voulez, mais je crois désormais réellement et fermement qu’ils vont le faire... Je pense que c’est une folie et une obsession, mais. ... c’est justement pour ça... »

Comme chacun sait, Mercouris est un homme prudentissime qui avance ses mots et fait ses jugements avec la même retenue stratégique et la même vision tactique qu’un joueur d’échec. Eh bien, là il n’a pas hésité.

Solitude du commentateur

On comprendra toute la difficultés qu’il y a à suivre les imbroglios et les chimères crétino-dépressives qui nous entraînent dans l’aventure étrange de la GrandeCrise. Chaque jour, il y a quelque chose de nouveau à observer, qui ne nous apporte rien de nouveau alors que le bouleversement cosmique se poursuit. L’UE est une machine de guerre furieuse, sans armée ni armements, avec une  pléthore de généraux chargés des mêmes étoiles que notre beau drapeau. Ce cadre a beaucoup pour vous déconcerter d’y entendre ces pow-wows et ces chants guerriers.

Il est difficile de continuer à juger de façon logique et ordonnée qu’un immense événement se déroule sous nos yeux, et qu’il débouchera peut-être, sans doute, sur une situation nouvelle où tous les éléments existent pour tenter d’établir un nouvel équilibre, – c’est dans tous les cas ce que je suis conduit à penser puisque je continue un chemin pourtant si difficile à suivre, sinon à gravir.

Le problème est que nous ne nous sommes jamais trouvé aussi vite, et et aussi précisément, confrontés à une foultitude de détails qui ne cessent de défiler heure après heure, et qu’il nous faut choisir, – plutôt que le vrai du faux, choisir celui qui importe de ceux qui n’importent en rien. Dieu sait si, en plus, il y a une pléthore de commentateurs comme nous n’en avons jamais connue autant, accablante et épuisante.

Nous savons pourtant ce qu’il nous faut, nous connaissons nos armes : le refuge bienveillant de l’inconnaissance, la recherche décisive de la vérité-de-situation, et entre les deux l’ironie pour maintenir la bêtise à bonne distance. Ainsi fait-on, aujourd’hui, de bons philosophes.