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17 mars 2004 — Un facteur politique important depuis le choc du 15 mars, c’est la parole ; en fait, celle, tonitruante, du nouveau Premier ministre José Luis Rodrigues Zapatero.
Tout nous faisait croire, à nous, habitués des manoeuvres, des triples ou quadruples langages, du formidable conformisme qui fait peser sa chape de plomb sur nos pauvres âmes attristées, tout nous faisait croire à une intervention en douceur du nouveau Premier ministre espagnol, pour préparer son arrivée au pouvoir le plus proche possible du consensus sempiternel. C’était la prudence même, et c’est l’habitude de nos élites, de notre système. C’était aussi la norme dans nos élites politiques européennes rétives à l’approbation de la guerre irakienne, disant du bout des lèvres et mezzo voce leur désaccord avec les Anglo-Saxons (Blair-Bush) et leur folie irakienne alors qu’ils fulminent en privé contre cette guerre, ses mensonges et son désordre.
Pas du tout : Zapatero a pris le contre-pied. Ses attaques contre Bush et Blair ont une violence extraordinaire, complètement inhabituelle. Le mot “mensonge” résonne désormais sans la moindre retenue, et aussi cette invitation extraordinaire à Bush et à Blair de faire leur auto-critique. C’est, nous dit-on, — et on a pu le constater, d’ailleurs, — avec le plus grand calme que « the quietly spoken leader » a lancé ses attaques.
« Announcing that the 1,300 Spanish troops currently stationed in Iraq would be pulled out by the summer, the quietly spoken leader declared: “You can't organise a war with lies.
»“Mr Blair and Mr Bush must do some reflection and self-criticism,” he added in remarkably frank comments for the next prime minister of Europe's youngest democracy and fifth largest economy.
(...)
» Mr Zapatero told Spanish radio his triumph was a consequence of the conflict's unpopularity with voters. But a more immediate explanation for the swing was last Thursday's bomb attacks on Madrid which left 200 people dead. The Government initially attempted to blame the Basque separatist group, Eta, for the atrocity. When it became apparent that groups affiliated to al-Qa'ida were almost certainly responsible, many Spaniards used the ballot to vent their anger at the Government's support for the war, which they blamed for making the country a target of Islamic terrorists.
» In another blow to the British Government, Mr Zapatero also promised to relaunch his country's policy of co-operation with Europe, turning his back on Mr Blair's attempt to establish an alternative sphere of influence in the EU.
» “Military intervention in Iraq was a political mistake,” Mr Zapatero said yesterday. “It divided more than it united, there were no reasons for it. Time has shown that the arguments for it lacked credibility. You cannot bomb by chance.” »
Outre l’éclairage nouveau que ses interventions apportent au débat général, les paroles de Zapatero, appuyées sur le double événement des attentats du 11 et du vote du 14, constituent elles-mêmes un événement d’une grande importance. Il s’agit d’une “libération de la parole” qui, dans une politique réglée par le médiatisme et le virtualisme qui en découle, c’est-à-dire réglée par la parole (mensongère en général), va jouer un rôle évidemment considérable.
Zapatero devrait être suivi par ceux qui ont des choses à dire et qui, soudain, trouvent l’opportunité et le “climat moral” pour pouvoir les dire, ainsi que leur intérêt (éventuellement électoraliste). Dès lundi, à la radio, Romano Prodi renouvelait des jugements assez durs qu’il avait déjà dits dans une interview paraissant lundi matin. Si ses condamnations n’atteignent pas l’intensité de celles de Zapatero, elles font néanmoins partie de la “nouvelle période” européenne, celle d’après-3/11, celle où l’on ne mâche plus ses mots.
« The European Commission president has said a war on terror that uses force rather than thought is no answer to resolving conflicts. In an interview published on Monday, Romani Prodi claimed last week's deadly bomb attack in Madrid showed the negative impact of Iraq's invasion.
» “It is clear that using force is not the answer to resolving the conflict with terrorists,” Prodi was quoted as saying in the daily La Stampa. “We must remember that it has been a year since the war in Iraq started. Terrorism is infinitely more powerful than a year ago.” »
Il ne fait aucun doute que ce nouveau “style”, s’il se répand, devrait peser sur la politique générale et les relations transatlantiques. Tous nos dirigeants sont très sensibles à l’apparence, certains n’ont que cela. Une attaque à ce niveau est un fait politique considérable. Du côté de Zapatero, dans tous les cas, il mesure la colère et la rancoeur des Espagnols après l’attentat et les manipulations qui ont suivi et, désormais, ouvertement à l’encontre de la politique américaine. Ces paroles vont dicter la politique.