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1463Pour accompagner un commentaire général (voir ce 15 janvier 2010) sur le tremblement de terre d’Haïti où nous citons l’exemple historique du tremblement de terre de Lisbonne de 1755 pour notre propos, il nous semble intéressant de renvoyer à l'article (voir ce lien) “Tremblement de terre de Lisbonne” du Wikipédia, pour simple information. L’intérêt que nous portons à cette analogie concerne évidemment l’effet sur les esprits les plus en vue de notre civilisation (“les Lumières” à l’époque) de cet événement.
Vous noterez, en vous référant à Haïti, qu’en 1755 c’est Dieu qui était en cause. Ce n’est plus le cas aujourd’hui – ce serait plutôt Obama, Sarko éventuellement – bref, les successeurs de Dieu. C’est ce qu’on nomme le Progrès.
«Le tremblement de terre secoua bien plus que des villes et des bâtiments. Lisbonne était (et reste) la capitale d’un pays profondément catholique, qui était réputé pour la foi de ses habitants et la vigueur de l’évangélisation dans ses colonies. La catastrophe survint de plus le jour d’une fête catholique essentielle et détruisit la plupart des églises les plus importantes. La théologie et la philosophie du XVIIIe siècle pouvaient difficilement expliquer une telle manifestation de colère divine.
»Le tremblement de terre eut une forte influence sur de nombreux penseurs européens de l’époque des Lumières. Plusieurs d’entre eux mentionnèrent ou firent allusion à cet événement dans leurs écrits, notamment Voltaire dans Candide ou dans son poème sur le désastre de Lisbonne. Le caractère arbitraire avec lequel les personnes mouraient ou survivaient fut souligné par Voltaire dans la critique du meilleur des mondes possibles qui l’opposait à Leibniz. Comme l’a écrit Theodor Adorno en 1966, “le tremblement de terre de Lisbonne suffit à guérir Voltaire de la théodicée de Leibniz” (Dialectiques Négatives, 361). Une violente controverse s'est d'ailleurs déroulée entre Voltaire et Rousseau au sujet de l'optimisme et de la question du mal sur la Terre, un thème qui suscitait de nombreux débats entre théologiens, philosophes et savants au XVIIIe siècle. D’autres auteurs du xxe siècle, à la suite d’Adorno, ont rapproché cette catastrophe de l’Holocauste, en ce sens que les deux événements ont eu un impact suffisamment bouleversant pour transformer la culture et la philosophie européennes.
»Le concept philosophique du sublime, bien qu’il soit apparu avant 1755, a été développé et fortement valorisé par Emmanuel Kant, qui a tenté de saisir toutes les implications du séisme de Lisbonne. Le jeune Kant, fasciné par la catastrophe, collecta toutes les informations qui lui étaient accessibles et les utilisa pour formuler dans trois textes successifs une théorie sur la cause des séismes. Sa théorie, qui reposait sur le mouvement de gigantesques cavernes souterraines remplies de gaz chauds, fut démentie par la science moderne, mais représentait néanmoins la première tentative d’expliquer un tremblement de terre par des facteurs naturels et non surnaturels. Selon Walter Benjamin, le petit livre de Kant sur les séismes “représente probablement les débuts de la géographie scientifique en Allemagne, et très certainement ceux de la sismologie”.
»Werner Hamacher a même avancé que le tremblement de terre a eu un impact sur le vocabulaire philosophique, fragilisant la métaphore traditionnelle du “fondement” des théories : “Sous l’influence du tremblement de terre de Lisbonne, qui a touché l’esprit européen à une époque des plus sensibles, la métaphore du fondement a complètement perdu son apparente innocence ; elle n’était désormais plus une simple figure de style”. Hamacher affirme que les certitudes bien fondées de René Descartes ont commencé à être ébranlées à la suite du séisme.»
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