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10 novembre 2004 — Les élections présidentielles se sont déroulées dans une ambiance inédite et selon un schéma très inhabituel : Toute la campagne présidentielle au coude à coude des sondages, sans possibilité d’un partage donnant un vainqueur ; un début de vote où l’analyse générale fut que Kerry allait l’emporter, sans doute de façon assez nette ; puis un renversement de cette tendance, au profit de GW.
L’intérêt sur les conditions du vote était évident, notamment avec ces bruits divers annonçant des fraudes. Le candidat à la vice-présidence Edwards avait annoncé une bataille légale pour le recomptage dans l’Ohio, mercredi matin (le 3 novembre), au quartier-général des démocrates à Boston (« Nous avons attendu quatre ans, nous pourrons bien attendre vingt-quatre heures de plus »). Quelques heures plus tard, alors qu’aucun élément nouveau fondamental n’était apparu, Kerry reconnaissant sa défaite, — et, dans ce contexte, on est fondé à apprécier que c’est un peu vite et que c’est étrange. L’intérêt général du système passait devant les intérêts partisans, certains jugeant qu’une nouvelle contestation (Ohio-2004 à la place de Floride-2000) pourrait entraîner une paralysie mettant en cause le système lui-même.
Sur le site “DemocracyNow”, le 8 novembre : « Many of John Kerry's supporters were stunned last Wednesday when their candidate conceded the presidency to Bush. Just hours earlier, his running mate John Edwards told a rally of their supporters in Boston that they would not stop until every vote was counted, a reference to the hundreds of thousands of provisional ballots in the key state of Ohio that some Democrats believed could have tipped the balance. But it's not just the provisional ballots. »
Depuis, des contestations sont apparues, mais de façon très officieuse, sur les réseaux d’Internet, dans les milieux de l’opposition et de la dissidence civique. La cause est extrêmement solide, puisqu’elle repose sur la manipulation du comptage des voix qui est dans les mains de trois sociétés privées dont les PDG sont des donateurs de la campagne de GW Bush. Le fait le plus spectaculaire à cet égard est un extrait d’une lettre de Walden O’Dell, président de Diebold qui est une des trois sociétés gérantes du système de comptage, qui vit dans l’Ohio, qui a déjà été reçu au ranch de GW, et qui assura l’année dernière de son engagement d’« aider à ce que l’Ohio donne au Président ses votes électoraux ».
Pour l’instant, l’affaire continue à ne pas sortir (sauf exception, voir plus loin) dans la grande presse, celle qui est capable d’influer sur l’orientation politique, de peser pour qu’un scandale révélé par ailleurs (par les dissidents d’Internet) prenne une dimension et un élan irrésistibles. L’une des spécialistes de cette affaire, Bev Harris, qui dirige l’organisation blackboxvoting.org réclamant la réforme du système électoral, affirme que des consignes ont été données dans la grande presse.
« I was tipped off by a person very high up in TV that the news has been locked down tight, and there will be no TV coverage of the real problems with voting on Nov. 2. Even the journalists are pretty horrified. My source said they've also been forbidden to talk about it even on their own time, and he was calling from somewhere else. He was trying to figure out how to get the real news out on vote fraud.
» This is a person I've worked with off and on for nearly two years, and the voice was so somber it really bothered me.
» At any rate — and perhaps, especially important due to the tipoff above, there are things you can do to take back America. »
Jusqu’ici, il semble qu’il n’y ait eu, comme écho de cette polémique dans les grands médias US, qu’une émission au JT de NBC, le 8 novembre, par le journaliste Keith Olbermann. Le même Olbermann a tenu d’ailleurs a répondre à Harris que ses remarques sur les contraintes dans la presse n’ont pas cours à la NBC, où la question du Votergate est suivie de près.
Au niveau international, on doit signaler l’article de Gaby Wood, dans The Observer du 7 novembre. L’intérêt de cet article (« Those New York blues — In a city where 75 per cent of inhabitants may never have met a Republican, they're a little depressed ») est que le sujet n’est pas spécifiquement le Votergate, mais que la question du Votergate apparaît comme un des éléments de la dépression psychologique américaine depuis les élections, notamment à New York, que l’auteur décrit.
« Every state, every county, gets to opt for its own system - some use punch cards, some use levers, others use computers that leave paper trails, still more use touch-screens that don't. In Oregon only postal votes are accepted. If the 2000 election became famous for Florida's hanging chads, this one has a sinister vote-rigging intrigue to match.
» The first inkling that the Diebold electronic system was malfunctioning came during the 2000 elections, and the signs were unmistakable: a poll worker in Florida noticed that more than 9,000 votes had been cast for the Socialist Party candidate.
» Since then, Bev Harris, the woman behind the election reform website blackboxvoting.org, has been travelling the country showing people how 'astonishingly easy' it is to hack into the Diebold system — the most commonly used of the electronic devices (one of her demos includes a film of a chimpanzee hacking an election).
» The machines leave no paper trail and allow for no audit. In the past few days, Black Box have demanded nationwide computer logs and launched what they describe as 'the largest Freedom of Information action in history'.
» Why the suspicion? Walden O'Dell, the chief executive of Diebold, lives in Ohio, the make-or-break state. He is a Republican fundraiser who has been a guest at George Bush's ranch. Last year, he pledged his commitment to 'helping Ohio deliver its electoral votes to the President'. Also last year, days after a trade fair in which his TruVote system was highly praised for its ability to produce paper receipts, an Ohio accountant named Athan Gibbs was killed in a car crash. Since Gibbs was Diebold's only significant competitor, a far-fetched theory is afloat that his death may not have been entirely accidental.
» While Democratic speech writers and columnists kick themselves over the idea that the entire country is somehow impenetrably Republican, the conspiracy theorists have a point. In the states that went to Bush, 43 per cent of people voted for Kerry. Bush has been busy gloating over his 'political capital', but has he really got such a mandate? The race was, in fact, incredibly close - close enough to make partisans believe it was stolen. Call it denial or call it optimism; at least some crazy people out there think there may be a future. »
Il est intéressant que Votergate soit placé dans ce contexte général de la dépression de l’humeur d’une partie importante des Américains. A cet égard, Votergate est autant un symptôme qu’un fait éventuellement transformable en scandale. Votergate, c’est la pourriture du système poussé à son extrême, habitude (pousser à l’extrême) de l’équipe GW-Rove d’ailleurs. Votergate existe-t-il ? Vu le passé de l’équipe GW-Rove, construit uniquement sur le mensonge et la manipulation, tout cela dans l’innocence de la construction virtualiste, il serait tout simplement stupéfiant et rocambolesque que rien n’ait été préparé pour l’élection. Votergate est complètement dans la logique des choses.
Le comportement démocrate renforce cette appréciation, notamment le désistement de Kerry. Cela vaut d’autant plus qu’il faut noter que le 3 au soir, après son désistement, Kerry est politiquement mort. Simon Serfaty, du CSIS, annonce dans l’émission “C dans l’air” du 3 novembre, sur Arte en début de soirée, que « plus personne, en ville, ne parle plus de Kerry, tout le monde parle désormais de Hillary Clinton pour 2008 ». Pourtant, cinq jours plus tard Kerry fait dire qu’il sera sans doute candidat en 2008. L’hypothèse est que son désistement très (trop) rapide fut obtenu à l’insistance de la direction démocrate, qui voulait éviter un drame Ohio-2004, par solidarité de système et par crainte de conséquences très graves, comme elle avait obtenu au début de la campagne que Kerry ne condamne pas la guerre en Irak ; en contrepartie, Kerry aurait obtenu des promesses de soutien pour 2008.
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