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1018L’aspect le plus controversé du discours d’Obama du 1er décembre sur l’Afghanistan concerne la date-butoir du début du départ des troupes US d'Afghanistan. Il s’agit de juillet 2011, dans 18 mois. Ce délai correspond aux assurances des militaires US qu’avec 40.000 hommes de plus et leur nouvelle “stratégie”, il faudrait de 12 à 18 mois pour venir à bout des talibans.
Le problème est que, à l’intérieur de l’administration Obama, on semble assez divers et même divergents dans l’interprétation de cette date de juillet 2011 et dans ce qu’elle signifie précisément en termes de décision. (Il doit être bien entendu par ailleurs que la simple expression “début du retrait des troupes” a une signification extrêmement extensible en fonction des habitudes de l’armée US pour cette sorte d’opérations, outre le déroulement des opérations lui-même. Mais il s’agit d’une source de malentendus, de polémiques et d’interprétations divergentes pour cette date-là. Pour l’instant, nous parlons de ce dont on peut parler, à savoir l’interprétation présente de la décision.)
Huffington Post a fait, ce 6 décembre 2009 un décompte des déclarations du jour, ou, disons, du week-end, lors d’émissions télévisées. Il s’agit de déclarations d’Hillary Clinton et de Robert Gates sur NBC, et d’un coup de téléphone passé au porte-parole du président. (Huffington Post a visionné les interviews pré-enregistrés avant leur diffusion.)
Hillary Clinton: «We're not talking about an exit strategy or a drop dead deadline. What we're talking about is an assessment that in January 2011, we can begin a transition. A transition to hand off – responsibility to the Afghan forces.»
Robert Gates: «We're not talking about an abrupt withdrawal. We're talking about something that will take place over a period of time.... Our military thinks we have a real opportunity to do that. And it's not just in the next 18 months. Because we will have a significant – we will have 100,000 forces – troops there. And they are not leaving – in July of 2011. Some handful or some small number or whatever the conditions permit, we'll begin to withdraw at that time.»
Après ces interview, Chip Reid, de CBS, téléphone à Robert Gibbs, porte-parole et secrétaire pour les relations avec la presse de BHO. Juillet 2011, est-ce un “objectif”, une “date limite”, ou quoi d’autre? «Reid reported that Gibbs then called him to his office “to relate what the president said.” The president told him it IS locked in – there is no flexibility. Troops WILL start coming home in July 2011. Period. It's etched in stone. Gibbs said he even had the chisel.»
@PAYANT Ainsi commencent polémiques et mésententes, non pas sur la “guerre d’Obama” qui n’a pas encore commencé mais sur son terme tel qu’il est théoriquement quoique fermement fixé. C’est dire l’enthousiasme et la résolution contrastés avec lesquels cette guerre est envisagée et l’entente, sinon la confiance régnant à l’intérieur de l’équipe Obama. La question est évidemment moins de savoir si la date de juillet 2011 sera respectée que d’observer la façon dont chacun l’envisage. Des sources proches de Central Command (général Petraeus) estiment – et elles l’ont fait dire officieusement – que juillet 2013 serait une date plus appropriée pour envisager “l’évaluation de la possibilité d’un début de retrait des forces”. Il est probable que cette appréciation serait également celle du secrétaire à la défense Gates, quoique Gates ait été comme à son habitude plus prudent que Clinton dans ses déclarations, et beaucoup plus imprécis.
Il s’agit là du problème essentiel soulevé par la décision d’Obama. On pourrait parler en fait d’une “double décision” d’Obama, exactement comme on avait nommé, en décembre 1979, la “double décision” de l’OTAN de déploiement des “euromissiles” occidentaux contre les SS-20 soviétiques (décision de commencer le déploiement en novembre 1983 et décision de demander à l’URSS de retirer ses SS-20 d’ici là, la seconde décision pouvant modifier la première si les Soviétiques s’exécutaient – ce qu’ils ne firent pas). La décision d’Obama de renforcement apparaît de plus en plus comme une décision conditionnelle: le renforcement est clairement lié au retrait («The president told him it IS locked in – there is no flexibility»). C’est-à-dire que le renforcement est absolument lié à la décision du début du retrait, comme si cette décision était d’ores et déjà prise (“there is no flexibility”). L’interprétation d’Hillary Clinton est à mille lieues de cette interprétation d’Obama: en janvier 2011, on commencera “une évaluation de la situation pour déterminer si l’on peut commencer une transition” (qui serait le début du retrait des troupes). D’un côté (Obama) un automatisme chronologique (aujourd’hui, 30.000 hommes de plus, juillet 2011, premier départ de troupes); de l’autre (Hillary, encore plus dure que Gates), avec deux conditions de dimension qui introduisent d'ailleurs une autre date (en janvier 2011, le début d'une évaluation de la situation, ensuite la nécessité que cette évaluation donne un résultat satisfaisant, et à ce moment-là seulement une décision du début du retrait des troupes).
A cette lumière la décision du “President of War” est loin d’être une véritable et ferme décision guerrière et son Churchillian moment si goûté par les libéraux bellicistes représente de l’Obama pur jus tel que nous commençons à le connaître. Il y a chez BHO une tendance irrépressible à tenter de satisfaire les deux côtés, à rechercher une solution qui ne lui aliène complètement aucun parti. Même cette décision guerrière, dans tous les cas quasi unanimement interprétée comme telle, le montre effectivement. Cette “extrémisme” de l’arrangement et du consensus le conduit effectivement à des situations pires que ce qu’il prétend résoudre: opérationnellement, si l’on veut se lancer dans une stratégie offensive générale dans cette sorte de conflit, on n’assigne pas à cette offensive une limite de temps parce qu’ainsi on indique à l’adversaire que sa propre résolution est limitée dans le temps; cela conduit l’adversaire à la conclusion inévitable que cette résolution est elle-même factice et qu’il suffit de tenir pour l’emporter – et les talibans et autres résistants s’y entendent dans cette sorte de tactique. Politiquement, on installe dès l’origine de la décision une division perverse au sein de la direction politique, telle qu’elle existe aujourd’hui, moins d’une semaine après le discours, d'une façon déjà éclatante. Tous les germes de la polémique, de l’affrontement à Washington, au sein du cabinet Obama et au sein de l’establishment, sont présents; ou, plutôt, tous les germes de la poursuite et de l'aggravation de la polémique et de l’affrontement.
On ne sait précisément comment évoluera la situation sur le terrain, même si certains peuvent en avoir une petite idée. L’on ne sait précisément si Obama restera fermement dans cette résolution d’une décision de début de retrait automatique en juillet 2011 mais l’on peut être sûr que la chose lui sera constamment rappelée par les adversaires de la guerre et constituera un fait politique dont il devra impérativement tenir compte s’il ne veut pas perdre toute la gauche et le centre-gauche de son électorat. L’on doit d’ores et déjà admettre comme une hypothèse très sérieuse que le discours du 1er décembre qui devait tout trancher n’a constitué qu’une étape de plus dans l’aggravation de la crise afghane à Washington – en plus de l'évolution de la guerre elle-même.
Mis en ligne le 7 décembre 2009 à 06H14
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