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33535 août 2024 (13h45) – Nous vous présentons un texte assez long, en deux parties, qui est le verbatim d’une rencontre extrêmement intéressantes entre des experts-savants dissidents, membre de “la Résistance”. La vidéo remonte à avant-hier, 3 août 2024, et présente une rencontre de Glenn Diesen (l’hôte), d’Alexander Mercouris, de ‘TheDuran’ et bien connu chez nous, et du professeur Theodore “Ted” Postol, du Massachussetts Technology Institute (MIT). Le sujet est le déploiement annoncé pour 2026 en Allemagne de missiles US, à capacité nucléaire, à portée “intermédiaire”, – c’est-à-dire, longue portée de théâtre, correspondant à la limitation de 5 000 kilomètres du traité INF (ou FNI, pour Forces Nucléaires Intermédiaires) de décembre 1987 et abandonné par les USA en 2019.
Il s’agit de très longs extraits qui nous permettent d’embrasser les mœurs et les façons des dirigeants de sécurité nationale aux USA (et à leur suite, les porteurs d’eau européens, – bref, tous les américanistes-occidentalistes). A ce niveau, les détails doivent être connus car ils sont terrifiants, et Postol ne nous épargne rien.
Mais d’abord quelques mots sur Postol, qui est un grand nom de l’expertise scientifique des armements et un adversaire constant, depuis quarante ans, notamment du missile ‘Patriot’ qu’il considère comme un total simulacre du Pentagone et du Complexe Militaro-Industriel, – comme le reste, au reste... Et, pour mon compte, tout ennemi du ‘Patriot’ est un ami.
Ci-dessous, un extrait d’un article du site ‘Undark’ sur Postol :
« L'un des leaders les plus connus de cette résistance est Theodore “Ted” Postol, professeur émérite de science, de technologie et de politique de sécurité nationale au MIT. Physicien et ingénieur nucléaire de formation, Postol a passé sa carrière plongé dans les détails des technologies militaires et de défense. Il a travaillé pour le Congrès au sein du défunt Office of Technology Assessment, puis au Pentagone en tant que conseiller du chef des opérations navales, avant de rejoindre le monde universitaire, d'abord à l'université de Stanford, puis de revenir à son alma mater, le MIT.
» Tout au long de sa carrière, il a critiqué ouvertement les concepts irréalisables, les idées impraticables et les fantasmes technologiques qui ont échoué, notamment le système de la “guerre des étoiles” de Ronald Reagan, le missile Patriot vanté lors de la première guerre du Golfe et les concepts plus récents de défense contre les missiles balistiques intercontinentaux testés par les États-Unis. Ses enquêtes et ses analyses ont révélé à maintes reprises des tromperies, des déclarations erronées, des recherches défectueuses et des fraudes pures et simples de la part du Pentagone, des laboratoires universitaires et privés et du Congrès. »
L’invité de marque de la rencontre est évidemment le professeur Postol, dissident et résistant notoires, comme on l’a vu depuis plusieurs décennies. Il est particulièrement bien placé pour participer à la critique de la dernière initiative américaniste, sans doute la plus provocatrice, avec ces missiles devant être déployés en Allemagne en 2026.
Postol a suivi dès l’origine l’initiative générale des USA en Europe, parallèlement à l’élargissement à l’OTAN. Il connaît parfaitement bien le déroulement des décisions aboutissant à l’installation de bases de missiles, notamment en Roumanie et en Pologne. Il apporte à ses interlocuteurs une bouffée d’air chargé de simulacres venimeux et pleine de Fantasy, venue de Washington D.C., où l’on continue à croire avec une ferveur religieuse et wokeniste à l’inévitable victoire finale de Zelenski.
L’extrait ci-dessous, d’une certaine façon, plante le décor. Au travers du personnage central du récit de Postol se trouve Mike McFaul, une des vedettes du département d’État pour la Russie et l’Europe de l’Est durant l’administration Obama, – notamment ambassadeur à Moscou de 2012 à 2014, mais aussi maître d’œuvre du déploiement des fusées. Ce que Postol nous dit de l’expertise de McFaul, de sa façon de penser et de refuser de penser, et alors seulement de juger comme on tranche, de sa culture et de ses convictions sur le simulacre, de son mépris de la réalité au profit des séduisantes narrative, tout cela est peut-être stupéfiant (ça l’est !), mais conforme parfaitement à l’orientation de l’époque que nous vivons.
Theodore “Ted” Postol : « Maintenant je parle de Stanford parce que c'est là que j'étais avant de passer au MIT. Stanford est devenu un véritable trou d'information absolument fausses.
J'ai eu une dispute dans le couloir hier avec Mike McFaul, – je suis sûr que vous le connaissez... Je l'ai confronté à certaines choses fausses qu'il avait dites lors d'un séminaire. Je m'attendais à ce qu'il me réponde avec des arguments stupides mais faux, eh bien pas du tout ! Il n'avait rien à dire il m'a littéralement dit “Eh bien je ne sais rien à ce sujet [l’élimination de Poutine]”...J’ai demandé “Si vous ne savez rien à ce sujet, pourquoi l'avez-vous dit à un moment donné pendant cet échange ?” Il m'a dit “Eh bien je veux vraiment me débarrasser de Poutine”... Je lui ai demandé “Mike pouvez-v m'expliquer comment vous allez faire cela ?” et il a répondu “Eh bien je ne sais pas” ! J'ai dit “Quoi vous me dites que vous voulez vous débarrasser de Poutine et vous ne savez pas pourquoi, et maintenant vous me dites que vous ne savez pas comment ?!”
Mais vous en parlez et les médias mettent ce type en avant encore et encore c'est une grande figure dans les médias... Si je choisissais n’importe qui dans la rue, il ne pourrait pas faire pire [que McFaul] pour ce qu’il sait, il ne sait rien et il ne fait aucun effort à aucun niveau ... A ce moment où il parlait au séminaire, il ne savait même pas qu’Avdiivka [point stratégique ukrainien sur le front] était sur le point de tomber, il ne savait rien à ce sujet.
Je l’ai confronté à cette nouvelle lors du séminaire parce qu’on en parlait, le séminaire était plein de réfugiés ukrainiens et je me sentais mal pour eux parce que vous savez c'est leur pays qui est détruit et il [McFaul] leur parlait en les sermonnant, comme s'ils avaient une guerre à gagner ! J'ai juste dit, “Vous comprenez que les Ukrainiens ont entre 400 000 et 500 000 victimes maintenant et ils sont sur le point de perdre le point fort le plus important qu'ils ont tenu sur le front.” Il a répondu que c’était une intervention dans un séminaire soi-disant académique et il m’a demandé : “Attaquez-vous un orateur de ce séminaire ?” J'ai dit “Non Mike, je n'attaque pas l'orateur je vous informe”, puis cela a dégénéré et toutes sortes d’accusations ont été lancées selon lesquelles je parlais à tort et à travers. En fait, personne ne s'intéressait au fait que je venais de lancer une information qui montrait que toutes ces interventions qui avait duré une heure étaient basées sur une fiction, une interprétation complètement délirante de la situation, ils ne s'intéressaient ni au fait ni à sa contestation, ils étaient seulement intéressés par le fait que je n'étais pas reconnu par le Président, que je ne pouvais pas être reconnu parce que ces gars accaparaient tout le discours, c'était ce petit cercle vous savez qui communique avec lui-même et se monte en épingle... Voilà à quoi ressemble maintenant la communauté académique de Stanford. »
Le second extrait, avec dialogue Postol-Mercouris, aborde un aspect concret de la dérive irrésistible des esprits (celui de McFaul, comme tant d’autres) vers une sorte de folie, – c’est en tous les cas le diagnostic de Postol-Mercouris. Il réside en ceci que McFaul s’est attaqué à la question des fusées déployées en Europe en ignorant absolument tout du traité fameux, dit INF, qui instaure leur limitation, sinon même leur interdiction.
Note de PhG-Bis : « Qui n’a vécu l’époque (décembre 1987) de la signature du traité INF à partir de la crise des euromissiles et de la révolution gorbatchévienne ne peut ressentir la puissance extrême de l’événement. C’était la première fois depuis Hiroshima qu’un traité décidait la destruction de toute une classe d’armes nucléaires et des fusées qui les portaient. Par conséquent, il instaurait l’interdiction de ce type d’armes, en non pas leur limitation. Le traité fut ressenti des deux côtés (USA et URSS) comme un premier pas fondamental vers un désarmement nucléaire, – événement historique, sans aucun doute. Et c’est cela dont McFaul, diplomate (!) de premier rang du département d’État, ignore l’existence. »
Postol nous décrit donc un McFaul travaillant dès 2009 sur une question interférant directement dans le traité nucléaire le plus important de la fin de la Guerre Froide, sans en rien connaître, ni du traité, ni de ses impératifs. Autour de lui, on ne pipe pas mot, littéralement tout le monde s’en fout. Et voilà le pauvre McFaul, au bout de quelques années, qui se précipite chez Postol, tout essouflé :
– “Qu’est-ce que c’est que ce ‘fucking’ traité dont quelqu’un m’a dit un mot ?!”
Grand Seigneur, Postol lui explique... Alors, on imagine McFaul secouant la tête et maugréant : “J’y comprends rien ! Après tout, je m’en fous ! On met les fusées et on aura la peau de Poutine, c’est promis, c’est écrit !”
Tout au bout du dialogue, Postol en convient : « Eh bien je pense que c'est une illusion à une échelle qui correspond à la description de la folie » ; puis il quitte son bureau en marmonant avec philosophie, en attendant une prochaine visite de McFaul venu lui demander s’il n’est pas temps de faire jouer la clause prévoyant d’annexer une partie de la Sibérie. Postol pense lui demander s’il parle du traité INF qu’il a complètement ignoré ou d’autre chose, par exemple le Traité de Westphalie ; et puis, il abandonne...
Alexander Mercouris : « Cela ne prend pas en considération les Russes mais c'est encore une fois la logique qui élimine la notion de sécurité. ils répondront d'une manière qui en réalité sape la sécurité américaine par l'idée que vous devriez rassurer ou considérer la sécurité de l'adversaire comme une sorte de charité ou un signe de faiblesse. Cete compétition sécuritaire va à l'encontre du principe fondamental de la sécurité internationale . Vous ne devez pas chercher à intensifier cette compétition si ce n'est pas nécessaire, vous devez promouvoir votre propre sécurité mais pas au point de saper celle de l'adversaire.
C'est pourquoi je suis tellement surpris enfin je ne devrais pas être surpris mais je suis choqué par ces nouveaux systèmes d'armes, ces nouveaux missiles déployés en Allemagne. Ils semble avoir peu de but défensifs mais ils ne font qu'aggraver le dilemme de sécurité. C'est un peu comme les frappe ukrainienne sur les systèmes d'alerte précoce russes pour les attaques nucléaires. Si je ne me trompe pas vous le savez mieux que moi, bien sûr, mais cela a très peu à voir, aucune signification sur le champ de bataille cependant cela rend les Russes plus vulnérables au premières frappes nucléaire. Pour moi cela n'a aucun sens, cette logique à la McFaul. »
Theodore “Ted” Postol : « Si vous voulez, je peux vous dire ceci, qui est quelque chose que les gens devraient savoir... McFaul, qui était un des architectes de la réinitialisation de 2009 [‘Reset’, proposition de l’administration Obama à la Russie de relancer les relations], était responsable de l'organisation du déploiement des systèmes de missiles en Pologne et en Roumanie. Eh bien ! Il ne savait pas que ces systèmes constituaient une violation du traité INF. Il ne le savait pas, je le sais bien, parce qu'il est venu me voir et m'a posé des questions sur le système. Il m'a posé des questions, – c’était des années plus tard, – et il était clair qu’en 2009 il ne savait pas qu'il mettait en œuvre une violation du traité FNI dans le cadre de la réinitialisation russe avec l’administration Obama et Clinton, laquelle a échoué bien sûr0. C'est un niveau d'ignorance assez sérieux. Ses adjoints non plus ne le savaient pas, comme toute la génération ultérieure d’experts et de décideurs au Pentagone.
Il est vraiment difficile de croire que ces personnes ne savaient même pas qu'elles avaient violé le traité INF avant que Trump ne s'en retire en 2019, dix ans plus tard, – c'est vraiment sérieux ! A mon avis, c'est, je pense, un niveau d'ignorance différent, presque absolu, de celui que vous dénoncez superbement devant le public, vous et Alexandre Christoforou.
Je suis tellement préoccupé je ne peux pas ne pas vous dire que je suis hors de moi ! »
Alexander Mercouris : « Moi, je pense que nous devrions tous l'être c'est ma principale conclusion. Ce n'est pas seulement que ces décisions sont incroyablement dangereuses et imprudentes, c'est la manière dont elles sont prises et le fait qu'il n'y ait apparemment plus aucun contrôle au sein du système et aucune véritable réflexion à ce sujet. C’est comme s'ils plantaient ces choses en Allemagne simplement parce qu'ils le peuvent sans vraiment regarder au-delà et considérer ce que cela signifie. Ils disent simplement “Eh bien vous savez, nous n'allons pas nous préoccuper de ce que les Russes feront en réponse parce que et bien c'est juste eux. Nous ne nous préoccupons que de ce que nous pouvons faire nous n'allons pas laisser la façon dont ils pourraient se sentir ou réagir nous affecter car cela montrerait d'une certaine manière une préoccupation pour des choses plus larges, cela pourrait nous obliger à parler aux Russes, ce que nous ne voulons évidemment pas faire !”
C’est absolument terrifiant je dirais que c'est fou en fait vous avez utilisé le mot insensé à un moment, et c’est vraiment insensé. »
Theodore “Ted” Postol : « Eh bien je pense que c'est une illusion à une échelle qui correspond à la description de la folie, – l'image à laquelle je reviens sans cesse en raison de ma compréhension limitée de l'histoire, et notamment celle du tsar Nicolas II : chaque fois qu'il prenait une décision on se demandait comment il pouvait faire cela avec les informations dont il disposait. Pourtant, il était conseillé et il faisait quand même quelque chose qui était tellement contraire à son propre intérêt ainsi qu'à l'intérêt de l'État russe... Je regarde ces gens et je me dis “Comment pouvez-vous être si imprudents et indifférents, comment pouvez-vous dire que vous voulez vous débarrasser de Poutine sans savoir comment vous allez le faire ... Et il [Mc Faul] ne l'a pas seulement dit à moi, il l'a dit dans des interviews, et personne apparemment ne lui a demandé “Comment allez-vous faire ?”, je ne pense pas que ce soit le problème ; Poutine n'est pas le problème à mon avis mais le point est que c'est sa description du problème : il dit qu’il n'a aucune idée, il dit “Je ne sais pas comment”... J'étais stupéfait je ne savais pas quoi dire à ce moment Non seulement je ne sais pas ce qu'il pense mais je ne sais même pas s'il pense et je pense que cette dernière question est la plus appropriée. »
Alexander Mercouris : « Maintenant eh bien comme je l'ai déjà dit, je ressors de ce programme très choqué et très alarmé mais il vaut mieux être alarmé et conscient des problèmes que de ne pas l'être par complaisance.
Je veux ajouter une note positive. J'étais en Allemagne il y a environ 2 semaines et j'ai constaté qu'au niveau des personnes que je rencontre, y compris des très jeunes ils avaient entendu parler du fait que des missiles revenaient en Allemagne et ils étaient inquiets, – pas autant qu'ils devraient peut-être l'être mais définitivement très préoccupés... L'inquiétude et la peur grandissent d'en bas, pas d'en haut... Je pense que cela pourrait éventuellement mener à quelque chose de positif, du moins j'aimerais le penser. »
Theodore “Ted” Postol : « Eh bien, – et je dis cela sans aucune malice mais avec beaucoup de respect et d'admiration, – j'espère que je n'ai pas gâché votre journée ! »
Ainsi furent-ils heureux et eurent-ils beaucoup de petites et grosses fusées à têtes nucléaires.