Voyez, à la dérive, notre monde gâteux-archaïque

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Voyez, à la dérive, notre monde gâteux-archaïque

20 février 2025 (20H00) – ... Car aujourd’hui, la modernité est devenue gâteuse-archaïque façon Biden, vieillie, usée et trouée par l’usage imbécile et faussaire qui en fut fait. La grande nouvelle du jour, celle qui clôt une période de simulacres et de confusion, celle de la guerre en Ukraine selon les règles démodées et anti-déluvienne, est que amis et ennemis sont sortis de l’ombre et s’identifient clairement. C’est un événement extraordinaire car, comme dit le philosophe de Mésopotamie Bee-Hache-El,

« l’acte stratégique essentiel de tout guerrier d’une juste cause est d’identifier parfaitement son Ennemi Principal, celui qui se fait messager du démon... »

Jusqu’alors, nous barbotions dans un infâme marigot parcourus de fausses nouvelles et de vrais mensonges inventés, où chacun portait un masque dans lequel il ne se reconnaissait même pas. Nous ignorions même tout de l’enjeu précis, à part les Happy Few qui avaient mesuré les dimensions précises du simulacre en s’aidant de références déployées bien au-dessus de nos prétentions et savaient se réfugier habilement dans l’inconnaissance. Puis, en quelques semaines, en quelques jours, tout s’est dénoué.

Note de PhGBis : « J’avouerais, les amis et là-dessus, que je me trouve, PhG et moi, beaucoup plus à mon aise aujourd’hui dans l’immense désordre que nous connaissons, qui devient peu à peu un chaos, qui prend de plus en plus un sens que l’on peut comprendre dans la situation immédiate où nous jettent les événements. Je me réjouis de voir tous ces étranges “populations des plateaux” (LCI, BFM, toute la clique) confrontées à des situations de plus en plus difficile à faire entrer, très vite selon les instructions présidentielles à venir lorsqu’on aura eu Trump au téléphone, dans des cases inverses à celles qui leur furent confiées au départ. »

Je vais essayer d’avancer avec précaution avant de m’attacher aux définitions les plus ambitieuses. L’énigme qui jusqu’alors tenait la clef du drame, c’était le nouveau président américain, le successeur de Biden une fois qu’il fut acté que le vieux crouton était liquidé. Ce fut Trump, – mais qui était Trump ? Le connaissions-nous vraiment ? Disons que nous avons appris à croire le connaître alors que son (sa) (ré)apparition, complètement transformée, n’est rien en elle-même par rapport au personnage, et tout par rapport au courant qui soudain le roule et le porte jusqu’à nous. C’est ainsi qu’il est le symbole utile de la fin d’un Temps et du passage au suivant, avec une extraordinaire brutalité due à la formidable tension qui s’est exercée pour enfin crever ce simulacre fait d’artifices, d’affabulation, de faux, de fourberies et de menteries, d’escorbarderies, de calomnies, de jesuitisme et de momeries.

Il a fallu du temps, de la force, de la contrainte et de la pression, pour qu’enfin éclate cette pitoyable grimacerie. Alors, on ne s’étonne pas  et, comme disait l’autre Blier, « C’est du brutal ! ». Trump apparaît dans un maelstrom doublé d’un tsunami. “Notre monde gâteux-archaïque” s’est envolé à une vitesse stupéfiante, comme mu par un coup de pied qu’aurait fichu un Trump inspiré en cet instant magique par le plus grand arrière de rugby de tous les temps, le Néo-Zélandais et non moins ‘All-BlacksDon Clarke,

« ... Il était surtout connu pour sa capacité phénoménale à tirer au but, ce qui lui a valu le surnom de “The Boot” (La Botte). »

C’est effectivement ce monde-là qui s’envole comme un ballon ovale, comme seul Clarke pouvait les tirer, découvrant ainsi “notre monde gâteux-archaïque” dans toute son horreur putride et puante. La puissance du coup de pied de ‘Boot’ ne permet à personne, surtout dans “les populations des  plateaux”, d’éviter une “brutale” mise à nu.

Marcelo Ramirez nous décrit ce monde-là, c’est-à-dire ce qu’il fut et ce qu’il en reste :

« Le monde a changé. Les structures politiques qui ont dominé le 20ème siècle sont devenues obsolètes. La dichotomie traditionnelle entre gauche et droite, qui permettait autrefois de comprendre les conflits et d’organiser les sociétés, n’a plus de véritable pertinence. Ce que l’on appelait autrefois libéralisme, conservatisme ou socialisme a été absorbé, déformé et recyclé en de nouvelles formes de domination, adaptées aux intérêts des élites mondialistes. Nous nous trouvons face à un scénario où les idéologies traditionnelles ont évolué jusqu’à se diluer dans un spectre politique où tout semble entremêlé.

» Les partis politiques et mouvements qui utilisent encore ces catégories le font comme de simples exercices rhétoriques. Du côté de la droite libertarienne, le mot d’ordre est de détruire tout vestige de « gauchisme », tandis que du côté de la gauche, l’ennemi est un supposé fascisme qui, en réalité, n’est qu’un fantôme utilisé comme épouvantail pour éviter de discuter des véritables enjeux. Mais la réalité est que ni ce que l’on appelle aujourd’hui la gauche n’est vraiment de gauche, ni la droite ce qu’elle était autrefois. Il s’agit d’une double farce soigneusement structurée pour maintenir le pouvoir entre les mains d’une minorité. »

Bien, on a compris. L’ennemi Principal, que tout le monde connaissait mais que personne n’osait désigner, s’est soudain révélé : disons le globalisme, mais dans toute la puissance de ses vices. Cahotant, crachotant, semant les $milliards et les discours lénifiants comme un escargot laisse sa trace baveuse, le globalisme acclamé comme la création pure de la modernité ne cesse de s’avilir, de pourrir sur place, de s’agiter dans l’illégalité et le simulacre, de s’enfoncer dans des guerres atroces et trompeuses puisque perdues d’avance. En, l’espace de quelques semaines, le temps effectivement, non pas que Trump arrive mais que Biden et son gang de diverses médiocrités se dissipent comme une fumée de tas d’ordures mis au feu, le globalisme est devenu objet de risée et de regards méprisants.

Toutes les anciennes références, celles pour lesquelles les hommes les plus intelligents de France continuent à ferrailler, deviennent autant de morceaux de métal rouillé dans les eaux boueuses des grands ports du commerce du monde. Même les plumes les mieux rétribués, mises au boulot depuis des décennies, commencent à fatiguer, se contentant de répéter sans cesse et sans cesse les mêmes rengaines.

De l’autre côté apparaît, – quoi donc, au fait ? Certains disent “souverainisme”, d’autres “populisme” et “trumpisme”, d’autres “néo-conservatisme”. Peu m’importe les nuances diverses de ces “ismes”, autour desquelles l’on ferraille également. Un autre mot domine toute cette valetaille, qui en appelle au passé quand il se fait éternité. Certains disent “Tradition”, en évitant autant que faire se peut les dérivés comme “traditionnalisme” ou les “tradis’” que s’attribuent d’autres groupes. C’est juste, Tradition suffit à mon inconnaissance, puisqu’effectivement nous nous engageons sur des voies devenues inconnues à nos mémoire, les voies primordiales. Simplement, l’on constate que cette orientation générale commence à être clairement identifié, là aussi, tout simplement désigné a contrario par  l’Ennemi Principal.

Voici comment Ramirez termine son texte

« Le véritable axe du conflit n’est plus celui qui oppose la gauche contre la droite, mais le globalisme contre le souverainisme. Ceux qui défendent la souveraineté nationale, la culture traditionnelle et le rôle de l’État dans l’économie s’opposent à ceux qui promeuvent la dissolution des identités nationales, l’élimination des frontières et la soumission de la politique aux corporations transnationales. C’est pourquoi les idées de penseurs comme Alexandre Douguine ont gagné du terrain auprès de ceux qui sont désillusionnés par la fausse dichotomie gauche-droite.

» La Russie est devenue un symbole de résistance face à cette avancée mondialiste. Pendant que l’Occident se perd dans des guerres culturelles absurdes, promeut le transhumanisme et attaque toute forme d’enracinement culturel, la Russie a choisi de renforcer sa tradition, sa religion et sa souveraineté nationale. Ce n’est pas un hasard si les progressistes soutiennent l’OTAN et l’Ukraine, tandis que les conservateurs et souverainistes s’alignent sur la Russie. Il ne s’agit pas de sympathie, mais de survie: la Russie est l’antithèse du monde sans racines promu par le mondialisme.

» Le monde tourne en rond. L’Occident est confronté à un effondrement de son modèle social et économique, et dans ce chaos émergent de nouvelles forces cherchant à rompre avec le paradigme imposé. La lutte n’est plus entre le capitalisme et le socialisme, ni entre la gauche et la droite. La véritable bataille est entre ceux qui veulent préserver leur identité, leur culture et leur nation, et ceux qui travaillent à dissoudre tout cela dans le magma indifférencié du mondialisme. Ceux qui ne comprennent pas cela sont condamnés à être des marionnettes dans un théâtre d’ombres où la politique n’est rien d’autre qu’une farce soigneusement orchestrée. »

Je sais bien que des termes comme celui de ‘Tradition’, en majuscule comme l’on dit “en majesté”, ont bien du mal à se marier avec un personnage tel que Trump. Mais laissez donc le personnage, il n’importe pas à ce point-là du raisonnement. Il a servi de passeur de la chose, comme le type qui donne ce coup de pied terrible que lui prête Don Clarke pour crever le plafond de verre du simulacre et l’éparpiller en des milliers de débris. Le reste, ce n’est plus son boulot, c’est l’affaire d’autres mystérieuses puissances.

On voit bien d’ailleurs que Trump s’est engagé dans une bataille qui ne s’encombre plus des mêmes références que l’on écarte désormais. Cela se mesure même dans les détails les plus anodins, les plus “opérationnels”. Par exemple, sa tirade impressionnante contre Zelenski que certains ont attribué à sa volonté de renforcer le rapprochement avec les Russes, et les conditions nécessaires pour une cessation de cette guerre. Andreï Pintchouk, docteur en sciences politiques et premier ministre de la Sécurité d’État de la RPD (nouvel oblast russe du Donetsk, ex-Ukraine) a une explication différente, ou plutôt disons plus large, que je préfère. Les Russes y ont leur part, certains Américains (Buchanan) le savent depuis longtemps. Cette fois, cela prend les allures du déploiement d’une immense bataille où les Russes ont bien entendu leur place essentielle mais qui n’est n ullement exclusive.

« Pintchouk note que la lutte entre Trump et ses adversaires en Occident est une lutte entre les forces de la souveraineté américaine et les forces des globalistes. Ces globalistes sont représentés non seulement par Biden, mais aussi par un certain nombre de dirigeants de l’Europe moderne, comme Macron et Scholz, ainsi que par les dirigeants des pays baltes.

» “Je vous assure que même si le facteur russe n’avait pas été présent, de toute façon, Trump aurait dû bloquer Zelenski et certaines forces européennes. Tout simplement parce qu’ils sont ses ennemis. De plus, ils sont ennemis au niveau conceptuel, au niveau idéologique.

» “Nous assistons ainsi à la lutte de l’État profond mondial contre la souveraineté américaine. Peut-être qu’après la victoire de Trump, si cela se produit, il créera son propre État profond, mais c’est encore loin. Jusqu’à présent, de telles hypothèses sont loin de la réalité, estime Pintchouk”. »

Pour terminer sur cette étrange perspective qui semble être à la fois sans fin et aller complètement en sens inverse de ce que nous avons appris, fort mécaniquement, comme de bons petits chrétiens devenus à temps excellents libre-penseur, il reste à se débarrasser de l’espèce de ridicule qu’il y a aujourd’hui, pour les ‘bobos’ survivants de l’apocalypse, à penser la Tradition sans éclater d’un rire sarcastique et hors-tendance, mais désormais notablement nerveux... Tradition, est-ce bien sérieux ?

Juste une dernière citation (enfin, deux citations d’un même texte), d’un monsieur Ladislav Malý, dans ‘deliandiver.org’ à Prague, en français avec le titre « Jiang Qing et l'ordre confucéen ». Ainsi l’auteur commence-t-il :

« J'ai récemment acheté un livre intitulé The Confucian Constitutional Order (Philosophy, 2020), en version tchèque. Il est écrit par un auteur contemporain chinois, l'universitaire Jiang Qing, et traduit par Milan Kreuzzieger. Intéressant : on dit généralement qu'il existe une sorte de dictature numérique en Chine, ou encore une dictature communiste et une censure, mais en lisant le texte de Jiang Qing, le lecteur en vient à croire, en souriant, qu'il s'agit là de calomnies haineuses à l'égard de la Chine contemporaine. »

L’étonnement de notre auteur fut grand de voir un personnage de l’élite de ce pays immense accusé d’être à la fois une dictature (numérique), d’être la première puissance commerciale du monde, peut-être aussi au niveau technologique, ayant comme projet est-on sûr, de faire de ses citoyens des robots, – étonnement de le voir se tourner vers Confucius. Nous aussi, et moi donc, partageons cet étonnement, sans autre réflexion ni conclusion. Je pense qu’on peut laisser les lecteurs et les autres faire leurs propres réflexions, aujourd’hui ou demain, et le cas sera ainsi tranché.

« En lisant le livre, je me suis demandé comment il était possible qu'un penseur chinois contemporain puisse utiliser quelque chose d'aussi vieux et d'aussi “faisandé” que la doctrine confucéenne pour l'organisation sociopolitique future de son pays. Pourquoi fouille-t-il dans la vieille remise philosophique chinoise peu prometteuse et en sort-il Confucius ? Sans doute parce que la Chine n'a pas été habitée pendant de nombreux siècles par des penseurs biblistes et illuministes, comme l'a été l'Europe. Il n'y avait pas d'intellectuels biblistes ni d'illuministes en Chine, il n'y avait personne, jusqu'à l'époque de l'endoctrinement marxiste-bolchevique, qui aurait soumis l'histoire et la culture chinoises à une analyse historico-critique et ainsi privé les masses du peuple chinois de leur mystérieuse poésie issue de la religion païenne ; les chefs spirituels de la Chine et les sages philosophes chinois ont été moqués impunément pendant des siècles et ont souligné l'invisibilité de leurs divinités, par conséquent elles n'ont pas existé. C'est la raison pour laquelle la doctrine confucéenne s'élève au-dessus de la Chine comme le soleil à l'est. »

Je vous laisse avec cette énigme qui trouve fort justement sa place dans l’Empire du Milieu, d’immémoriale mémoire.