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947Les nouvelles de Wall Street et de Washington, hier en fin de journée, n’étaient pas du tout excellente. Il n’y avait plus rien de l’“euphorie nerveuse” du 19 septembre, jour où fut annoncé le gifgantesque “sauvetage” (“bailout”, terme qui tend à devenir générique pour ce cas) de $700 milliards en argent du contribuable du système financier au bord de l’effondrement à cause de ces excès en marge de toute légalité régulatrice de la puissance publique. Le New York Stock Exchange de Wall Street a connu une chute importante, comme le décrit le Times de Londres ce matin (3% de pertes pour le Dow Jones, ce qui efface presque complètement la hausse du 19 septembre).
Deux causes principales ont été identifiées, mais agissant essentiellement comme des stimuli d’une angoisse générale et d’un pessimisme systématique régnant autant à Wall Street que dans la population US.
• La situation politique, qui est l’illustration de la crise politique (systémique!) profonde du système politique US. Le “bailout” décidé par l’administration doit être confirmé par un vote du Congrès. Cela ne se passe pas sans mal. On retrouve alors les affrontements politiciens, très vifs dans l’année de l’élection du président. S’ils acceptent le principe de l’aide, les démocrates majoritaires s’opposent à la forme et au fond de la répartition et de la destination des mesures d’aide décidées par l’administration. «Barney Frank, chairman of the House Financial Services Committee and a powerful Democrat, wants to make the banks pay by allowing bankruptcy judges to make mortgage lenders change the terms of their home loans. Such a move would be designed to keep troubled borrowers in their homes. He also wants to legislate executive pay and allow Washington to claw back compensation later deemed to have been excessive.»
• Le prix du pétrole. En baisse régulière et significative depuis juillet, le prix du pétrole connaît un changement complet de fortune. Il remonte, et il remonte diablement, pour des motifs divers dont certains anodins et d’autres plus conjoncturels. La perception ne fait pas de détails et la psychologie retient le fait de la hausse, qui s’inscrit comme un facteur d’angoisse de plus. Elle le fait d’autant plus que la hausse du pétrole menace d’aggraver l’état de l’économie d’une part, entraîne d’autre part la chute du dollar, qui avait regagné une certaine prestance ces deux derniers mois, mais sans doute à cause de manœuvres secrètes mais classiques de renforcement artificiel. «The sharp rise in oil prices was sparked in part by concerns that the scale of the bailout may undermine the dollar, in which oil is traded. At one stage the US crude futures price for a barrel of oil leapt by a record $25.45 to $130, although traders attributed much of those gains to technical factors. Benchmark Brent crude was up $6.12 to $105.73.»
Il s’agit d’une “parfaite” situation de crise eschatologique, une sorte d’“eschatologie sectorielle”, c’est-à-dire une crise sectorielle systémique très grave (la crise financière), qu’on parvient à contenir par une mesure massive (le choc psychologique est grand, d’où l’“euphorire”), qui est aussitôt dégradée dans ses effets par d’autres crises indirectement liées mais non directement connectées. L’eschatologie est dans ce fait que des facteurs extérieurs influents échappent à la logique et à la maîtrise de la crise qui est pour l’instant sur la sellette (l’eschatologie stipule que les facteurs influant sur une situation ne sont pas tous sous le contrôle de l’action humaine prétendant contrôler cette situation). Dans ce cas, le caractère eschatologique pourrait être figurée par l’image de la couverture trop courte : dès qu’on la tire pour couvrir telle partie du corps brusquement découverte (crise financière), on découvre d’autres parties qui, à leur tour, réagissent par des poussées de tension incontrôlées qui, à leur tour, influent sur la situation de la partie du corps initialement protégée.
Il s’agit d’une course sans fin, d’un cercle vicieux, reliant les diverses crises entre elles malgré la démarche de l’esprit de système tendant à cloisonner les diverses crise entre elles. Une logique eschatologique compromet continuellement ces tentatives, selon une enchaînement imprévu en hors de la logique de la crise traitée, cet enchaînement qui tient effectivement les crises entre elles, hors du contrôle humain. C’est la définition même de la crise systémique, la crise du système agissant alternativement et corrélativement sur les crises sectorielles qu’on croit indépendantes. Il est très imprudent d’affirmer aujourd’hui, comme l’a fait la ministre Lagarde, que le “risque de crise systémique est derrière nous”; ou bien a-t-elle paradoxalement raison: il n’est plus question de “risque”, qui est effectivement derrière nous, puisque la crise systémique est largement passée du stade du risque au stade du fait.
Mis en ligne le 23 septembre 2008 à 06H29
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