“Wanted” ! $20 millions sur deux ans pour une “image positive” de la guerre, mensonges inclus dans le contrat

Dans le vieil Ouest, on voyait de ces affiches (“Wanted” pour avoir la tête de Joe Machin, suivi d’une somme rondelette). Aujourd’hui, le Pentagone entreprend une campagne similaire, avec la récompense de $20 millions sur deux ans. Cette fois, ce qui est “wanted”, c’est une image positive de la guerre. Il y en a assez de ces vérités négatives, passons aux mensonges positifs.

A dedefensa.org, on réfléchit, on se gratte, on se cure le nez à force de peser le pour et le contre. $20 millions sur deux ans, c’est une somme rondelette. Nous avons cinq jours pour décider. Le 6 septembre, le Pentagone clôt les enchères et attribue le contrat à son champion. Objectif : po-si-ti-ver, comme on dit dans les séminaires pour vendeurs itinérants.

Le Washington Post nous informe, en date du 31 août :

« U.S. military leaders in Baghdad have put out for bid a two-year, $20 million public relations contract that calls for extensive monitoring of U.S. and Middle Eastern media in an effort to promote more positive coverage of news from Iraq.

» The contract calls for assembling a database of selected news stories and assessing their tone as part of a program to provide “public relations products” that would improve coverage of the military command's performance, according to a statement of work attached to the proposal.

» The request for bids comes at a time when Bush administration officials are publicly criticizing media coverage of the war in Iraq.

» The proposal, which calls in part for extensive monitoring and analysis of Iraqi, Middle Eastern and American media, is designed to help the coalition forces understand “the communications environment.” Its goal is to “develop communication strategies and tactics, identify opportunities, and execute events . . . to effectively communicate Iraqi government and coalition's goals, and build support among our strategic audiences in achieving these goals,” according to the statement of work that is publicly available through the Web site http://www.fbodaily.com »

Le reste est à l’avenant, d’une crétinerie presque touchante à force d’être insondable, assortie de la naïveté en rangers à clous postmodernes, et aussi cette étrange absence de doute qui caractérise les textes américanistes lorsqu’ils sont encombrés d’appréciations techniques, professionnelles, de citations péremptoires, d’inquiétudes gravissimes sur l’avenir de la civilisation, dans les domaines les plus sidérants. Un “public relations practitioner” interviewé par le Post, et qui demande l’anonymat parce qu’il va peut-être avoir le contrat (on est entre amis), explique par exemple que les généraux bardés d’étoiles ne comprennent pas « that reports from Iraq sometimes quote Shiite cleric and militia leader Moqtada al-Sadr more than military commanders ». Effectivement, comment s’expliquer le manque d’intérêt pour les remarquables briefings des généraux, par rapport aux gâteries d’un Sadr, sinon par un complot ou une incapacité professionnelle ?

Avertissement : dans ce domaine de l’information, de la transmission de l’information et de l’intérêt de l’information, le niveau de la réflexion de ces gens, — les généraux, les contractants autant que les journalistes rapportant scrupuleusement et sans l’ombre d’un sourire cette sorte d’affaire, —devrait être l’objet d’une étude clinique. Peut-être faudrait-il lancer un appel d’offres. Songeons-y.

On n’en est donc plus à s’exclamer sur cette attitude qui revient à mettre gravement, et avec la plus grande vertu professionnelle, les mensonges aux enchères, on en est à sourire avec intérêt des catastrophiques effets que ces initiatives impliquent. Ce qui désole ou scandalise, ou amuse c’est selon, ce n’est plus du tout que ces gens du clan américaniste fassent profession ardente et délibérée de ne construire l’image du monde virtualiste qu’à coups de mensonges, — après tout, cela est logique, — c’est qu’ils le fassent si mal et si stupidement. Leur sottise est l’arme secrète de leurs adversaires sur tous les fronts médiatiques du monde.

(Leur joyeuse et complète incapacité d’apprendre, cette roborative tendance à répéter sans cesse les mêmes erreurs, est une autre facette de leur talent. L’initiative détaillée ici n’est pas la première puisqu’un contrat avait déjà été attribué, — secrètement puis connu par “fuites”, — pour cette sorte de travail, au Random Group. La relance mesure le succès de la chose. Ce qui séduit et mérite le commentaire ici, c’est l’aspect marché public, “mensonges aux enchères”, l’appel enfin réalisé à la vertu de la concurrence et du marché libre, et cela sous la lumière crue de l’information libre. C’est le truc qui manquait.)

Mis en ligne le 1er septembre 2006 à 08H57