Washington D.C. versus Arizona

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L’administration Obama a décidé d’agir contre l’Arizona et sa loi contre l’immigration illégale. D’ores et déjà, les conditions de cette décision et l’annonce qui en a été faite (par Hillary Clinton, dans une interview enregistrée il y a une semaine et diffusée hier sur la chaine de télévision colombienne NTN-24) ne sont pas du tout appréciées par la gouverneur de l’Arizona , Jan Brewer. C’est ce que rapporte notamment un article d'un quotidien de l'Arizona, le East Valley Tribune, le 17 juin 2010.

«Gov. Jan Brewer lashed out at the president and his administration Thursday, saying they effectively announced – in Ecuador – that the federal government will sue Arizona over the state's new immigration law. “That is just totally outrageous,” the governor said after being told of a televised interview Secretary of State Hillary Clinton did while traveling. She said there is no reason Arizonans should have to learn through a blog post of an interview she did with NTN-24.

»Clinton, in an interview taped about a week ago, said Obama has spoken out against the law because he believes immigration policy should be determined by the federal government. That mirrors statements the president himself has made since Arizona adopted the law requiring police to check the immigration status of those they have stopped if there is “reasonable suspicion” they are not in this country legally.

»It was what followed that was new – and that caused the stir. “And the Justice Department, under his direction, will be bringing a lawsuit against the act.” While Obama did direct the Justice Department to review the law, the president previously has said any decision whether to sue would be made by Attorney General Eric Holder.»

• Une autre polémique oppose la gouverneur d’Arizona et Obama : la promesse d’Obama d’envoyer 1.500 soldats de la Garde Nationale à la frontière d’Arizona et du Mexique. La version de Brewer (ci-dessous) d’une promesse d’Obama d’envoyer des détails sur le plan dans les deux semaines après la visite de la gouverneur Brewer à la Maison-Blanche est contestée par le porte-parole de la Maison-Blanche. De ce point de vue, la confusion règne.

Brewer «said Obama, in their meeting exactly two weeks earlier, promised he would provide her with details on his plans to improve border security. That includes where he intends to deploy 1,200 National Guard soldiers and spend an extra $500 million he wants Congress to approve. “I've heard absolutely nothing,” Brewer said. “Today was the due date,” the governor continued.“Of course, I'm disappointed.”»

• D’une façon générale, Brewer s’est plainte du traitement que lui a réservé et que lui fait subir la Maison-Blanche. Elle a cité la saisie des téléphones portables avant l’entretien avec Obama, notamment, et, depuis, ses tentatives infructueuses d’entrer en contact avec la Maison-Blanche.

«The governor said Obama's attention may be elsewhere, specifically the massive oil leak in the Gulf of Mexico. But Brewer said that is no excuse for failing to follow through with his promise to get her information on his border security plan. “The oil spill in the Gulf is a horrible situation and a catastrophe,” she said. “Our borders in Arizona is a horrible situation and a catastrophe,” Brewer continued. “We deserve the same attention as they're getting down there.”»

Notre commentaire

@PAYANT La situation est typique. D’une part, on peut observer la lenteur initiale, le désintérêt de la Maison-Blanche pour la décision de la gouverneur d’Arizona (en avril dernier). D’autre part, on apprend soudain, par une interview de Clinton sur une chaîne de TV colombienne, qu’une décision a été prise d’agir d’une façon abrupte, sur ordre direct du président se résumant à l’idée, – par ailleurs évidente mais il faudrait songer à la transformer en acte, – que la législation sur l’immigration dépend de Washington et pas des Etats. Enfin, il y a la polémique sur l’envoi de forces de la garde Nationale, où l’on se dispute sur le délai alors qu’il s’agit, en réalité, de la capacité et de la disponibilité de telles forces pour le service de Washington D.C… Tout cela, terminé sur le constat, par ailleurs évident, qu’Obama s’occupe d’autre chose, qu’il a toute son attention portée sur le “oil spill” du Golfe du Mexique. Il y a cinq semaines, c’était la Louisiane qui se plaignait du peu d’attention portée par Obama au “oil spill”, puisque le président s’occupait alors de la loi sur la régulation de Wall Street.

L’impression est évidente du désordre et de l’expédition des affaires d’une façon anarchique. BHO donne un ordre de porter plainte contre l’Etat d’Arizona, alors qu’il avait annoncé que le département de la Justice étudiait le cas et déciderait lui-même s’il y avait lieu de porter plainte. De toutes les façons l’ordre a été donné alors que le président pense au “oil spill” et Clinton en a parlé à la TV colombienne parce que la Colombie est l’un des rares pays d’Amérique Latine encore manipulable par Washington, que le Pentagone y installe une base, et qu’il s’agit de faire plaisir à ses autorités ; à une inévitable question sur l’affaire de l’Arizona, qui vise les immigrants latinos dont des Colombiens, Clinton répond donc en lâchant le morceau de l’ordre donné par Obama, et la Mainson-Blanche et le département de la justice suivent la déclaration de Clinton par l’habituelle politique du “pas de commentaire à faire”. Clinton a utilisé l’affaire pour sa diplomatie et l’Arizona se sent traité comme quantité considérablement négligeable si pas comme un Etat factieux, tandis que le président se concentre sur l’“oil spill” dont il n’avait cure cinq semaines plus tôt. Ainsi va la vie politicienne à Washington, débordé par les crises et avec le pouvoir éclaté entre divers centres d’intérêt.

La situation est caractéristique de l’état dit de “structure crisique” qui est aujourd’hui la condition générale des Etats-Unis. On y trouve un “centre” qui a un statut et des prétentions de toute puissance, qui est sollicité de toutes les façons et dans toutes les directions, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire dont il n’use pas ou dont il abuse quand il en use, mais un pouvoir qui est pourtant fractionné entre différents centres sans coordination entre eux ; un “centre” qui n’a plus les moyens nécessaires pour subvenir aux besoins des structures subalternes qui réclament son intervention ou entendent prendre leurs propres dispositions s’ils ne l’obtiennent pas. L’affaire de l’Arizona ne peut évidemment être détachée du reste, de l’ensemble du fonctionnement du “centre”, y compris avec les maladresses d’usage comme celle de voir la secrétaire d’Etat annoncer sur une TV colombienne la décision du président concernant l’Arizona.

L’affaire de l’Arizona n’en restera pas là parce qu’elle n’est pas isolée. On ne parle pas seulement des 18 autres Etats qui envisagent des lois semblables, mais aussi des autres tensions centrifuges, y compris, bien entendu, avec les régions touchées par le “oil spill”. On peut y ajouter les tensions avec les pays hispaniques du Sud et avec la communauté hispano, mais dans l’autre sens par rapport à l’affaire de l’Arizona, puisque ce sont ses pressions ainsi que celles des pays hispaniques qui fournissent l’immigration “illégale” qui sont derrière la décision de l’administration Obama. La situation, en effet, ressort du paradoxe postmoderniste complet, quelles que soient les références aux “valeurs” dont nos jugements sont encombrées. Elle revient à une réaction du “centre” favorable à l’appel des pouvoirs parlant au nom d’une immigration clandestine, donc d’un acte illégal, contre un Etat qui a décidé de légiférer contre cet acte illégal, – c’est-à-dire une décision qui, sur le fond et dans son esprit, et quel que soit le jugement qu’on porte sur la procédure et sur le contenu de la loi contestée, déclare indirectement légal parce que moral ce qui est en substance illégal (l’immigration clandestine). On ajoutera que l’immigration illégale et clandestine dans les conditions où elle se fait est moins le produit des lois de l’Arizona que le produit du système de l’américanisme, avec son hyper-libéralisme et son capitalisme globalisé, système dont le “centre” est le protecteur et l’exécuteur zélés, notamment avec l’accord ALENA de libre-échange. Ainsi le tableau sera-t-il complet.

On voit difficilement que l’attitude de l’administration Obama, qui a évidemment d’autres chats à fouetter avec l’“oil spill” qu’elle ignorait superbement il y a cinq semaines et qu’elle a permis notamment grâce à la corruption de ses services, conduise à une pacification quelconque. On parle bien sûr de l’affaire de l’Arizona mais on parle aussi du reste, de la structure crisique qui ne cesse de se développer.


Mis en ligne le 18 juin 2010 à 08H30

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