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1461Ceci, ce texte, ces remarques, ces commentaires forment un contraste tout simplement extraordinaire et surréaliste dans sa contradiction, correspondant aux fractionnements hystériques et multiples de la réalité qui marquent notre époque de Grande Crise, avec ce que nous avons publié il y a deux jours seulement, le 8 août 2015 («Pour Justin, la guerre est finie»). Il s’agit pourtant du même pays, de la même question ou de la même crise, du même président et du même Congrès, des mêmes autorités, des mêmes luttes d’influence, – et, au-dessus de tout cela, des mêmes forces du Système et du même (ô combien) déterminisme-narrativiste.
Le texte auquel il est fait référence offrait un commentaire d’un texte de Justin Raimondo appuyé sur une certitude : Obama l’emportera en septembre contre le Congrès, son accord nucléaire avec l’Iran entrera définitivement en vigueur et une époque nouvelle ou tout comme commencera. A peine envisagions-nous, nous-même, la possibilité d’une défaite d’Obama devant le Congrès, y compris avec son veto, – avec ce commentaire : «C’est très possible jusqu’à proche d’être probable, – même s’il convient de ne pas écarter complètement la possibilité de l’échec d’Obama qui plongerait peut-être bien Washington dans une quasi-crise institutionnelle tant Obama engage son destin dans cet accord.» Le commentaire que nous développons aujourd’hui envisage exactement l’inverse avec une insistance sans défaillance : une victoire du Congrès dans son affrontement avec Obama, c’est-à-dire une victoire du War Party où interviennent des forces diverses que l’on connaît bien, mais surtout un déchaînement paroxystique et apocalyptique d’une psychologie de guerre à tout prix. Pour ce travail, nous nous référons à des textes du siteWSWS.org (IVème Internationale trotskiste), dont nous (re)connaissons le sérieux mais aussi la tendance (de plus en plus marquée), également issue d’une psychologie touchée par l’influence du Système (même si dans un sens apparemment antiSystème), à prendre comme fil conducteur du jugement une vision apocalyptique du Système (du capitalisme honni) privilégiant les options les plus catastrophiques.
... Il n’empêche : tout comme la première vision (celle de Raimondo/“la guerre est finie” et de la victoire sur leWar Party/le Système) est bien entendu possible (probable disent certains), la vision de WSWS.org est également possible (sans aucun doute moins probable). Ce second commentaire, en contraste complet avec celui du 8 août 2015, n’est donc pas une sollicitation excessive de la situation générale, disons par goût du sensationnel (Dieu sait si WSWS.orgen est loin !), mais une possible “vérité de situation” qui pourrait s’imposer à partir du 8 septembre prochain.
• Un premier point est l’interprétation du discours d’Obama du 5 août donnée par Bill van Auken le 7 août (traduction française du 8 août 2015, sur WSWS.org également). On appréciera la différence de point de vue avec le rapport qu’en fait Raimondo, qui le présente comme un grand discours “de paix” se référant directement (du fait d’Obama lui-même) au grand discours de Kennedy du 10 juin 1963. Au contraire, van Auken, qualifiant le discours d’“extraordinaire” insiste systématiquement sur la perspective de guerre impliquant la possibilité d’un conflit mondial que présente ce discours, là aussi du fait même du président, par la simple évocation de ce que serait la situation si le Congrès parvenait à une situation où il repousserait le veto qu’il opposera à toute résolution s’opposant à l’accord nucléaire avec l’Iran. Le titre du texte de van Auken ne laisse aucun doute à cet égard :«Le discours d’Obama sur l’Iran et le spectre d’une troisième guerre mondiale»...
«Dans un discours extraordinaire prononcé mercredi 5 août, le président américain Barack Obama a averti publiquement qu’une forte partie du Congrès et de l'appareil d'Etat était déterminée à mener contre l'Iran une guerre aux conséquences incalculables. Obama a déclaré, la veille du 70è anniversaire du bombardement atomique d'Hiroshima, qu’un sabotage de l'accord nucléaire avec l'Iran annoncé le mois dernier signifierait la guerre avec l'Iran, pays près de quatre fois plus grand que l’Irak et dont la population est trois fois plus nombreuse. Il a suggéré en outre, évoquant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide, qu’une telle guerre pouvait ouvrir la voie à une troisième guerre mondiale. [...]
»Ce qui ne fait aucun doute, c’est que la grande majorité du Congrès américain va voter pour une politique fondée sur une escalade guerrière catastrophique du militarisme américain. Obama a averti que si la Chambre des représentants et le Sénat rejetaient son veto, il y aurait la guerre, et “bientôt”. Le président “commandant en chef” a donné la nette impression que le contrôle d’une marche vers la guerre lui échappait. Comme il l’a dit clairement: “le rejet de cet accord par le Congrès ne laisse à une administration américaine absolument déterminée à empêcher que l'Iran n’obtienne une arme nucléaire, qu’une option, une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Je ne dis pas cela pour provoquer; j’énonce un fait”. [...]
»Il a averti qu’un rejet de l'accord sur le nucléaire provoquerait une dangereuse confrontation avec la Russie et la Chine. Cela enflammerait aussi, a-t-il fortement suggéré, les relations avec les alliés de Washington en Europe, en premier lieu l'Allemagne, et en Asie. Aucun d'entre eux, a-t-il dit, ne se plierait aux “diktats du Congrès américain” et n’appliquerait un régime unilatéral de sanctions qui a déjà coûté à leurs économies d’innombrables milliards de dollars. Si l'armée américaine attaque l'Iran en même temps que le capitalisme européen tente de pénétrer sur son marché, le résultat final pourrait bien être la mort de l’Alliance Atlantique et l'éruption de tensions militaires entre l'Europe et l'Amérique.
»Obama a également attiré l'attention sur les conséquences d’une tentative de forcer la Chine à revenir au régime des sanctions. “Nous aurions à couper des pays comme la Chine du système financier américain”, a-t-il dit. “Et puisqu’elle se trouve être parmi les principaux acheteurs de notre dette, de telles actions pourraient déclencher de graves perturbations dans notre propre économie et soulever d’ailleurs, au plan international, des questions sur le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale”. Une telle issue comporte implicitement une confrontation militaire avec la Chine. Elle plongerait également l'économie américaine, et mondiale, dans une dépression économique complète, a suggéré Obama.
»Mais un tel cours précisément est appuyé par de puissants secteurs de l'élite dirigeante américaine. Ils le font dans le dos d’une population américaine qui s’oppose massivement à la guerre. Étant donné les conséquences effrayantes des avertissements d'Obama, la réaction des médias américains a été remarquablement silencieuse...»
• Ce 10 août 2015, toujours sur WSWS.org, Patrick Martin reprend et développe l’approche générale de van Auken, à partir d’une interview du weekend, d’Obama par Fareed Zakaria de CNN. L’idée est celle d’un “conflit au sein de l’establishment washingtonien”, pour ou contre l’accord nucléaire, – c’est-à-dire, traduit WSWS.org, pour ou contre la guerre contre l’Iran... On retrouve une remarque déjà faite par van Auken, sur la situation d’Obama, – «Obama donne l’impression d’un “commandant en chef” qui est en train de perdre le contrôle d’un processus menant à une guerre bien plus grave que les guerres en Irak et en Afghanistan». En effet, tout le commentaire sur le conflit intra-washingtonien est axé sur la possibilité d’un conflit contre l’Iran (en cas de refus de l’accord par le Congrès)...
«Dans la dernière question qu’il pose à Obama dans son émission de dimanche sur les dangers qui suivraient un rejet par le Congrès de l’accord avec l’Iran, Zakaria conclut comme ceci : “...Êtes-vous préoccupé par l ‘idée de la possibilité que vous pourriez être confronté, à la fin de votre mandat, à une forte possibilité d’avoir à utiliser la force nucléaire ... je veux dire la forte possibilité d’avoir à utiliser la force militaire pour empêcher l’Iran de s’équiper d’armes nucléaires ?”. L’apparent lapsus freudien [entre “force nucléaire” et “force militaire”] constituait une référence implicite à l’utilisation possible par les USA d’armes nucléaires contre l’Iran. Obama retourna la question, disant qu’il préférait ne pas “anticiper un échec” dans le processus de confirmation de l’accord iranien. Mais le fait subsiste : une guerre des USA contre l’Iran ne serait pas limitée à des attaques aériennes ponctuelles contre des sites de production pour l’énergie nucléaire et pourrait ne pas être limitée aux seules armes conventionnelles.
»L’objectif d’un tel conflit serait la conquête militaire de l’Iran et l’installation d’un gouvernement de marionnettes pro-US. Pour réaliser cela dans un pays de 80 millions d’habitants, de quatre fois les dimensions de l’Irak, il faudrait une force d’occupation de plusieurs centaines de milliers d’hommes ou bien l’utilisation d’armes nucléaires, ou bien les deux...»
.. Comme l’on voit, les perspectives, lorsqu’elles sont poussées dans ce sens et à cet extrême, sont particulièrement effrayantes. En théorie, pourtant, ce ne devrait pas être le cas ; on pourrait avancer que le rejet de l’accord par le Congrès pourrait aussi bien signifier que le président Obama pourrait rechercher un autre accord, qui rencontrerait les vœux du Congrès ... Mais l’on sait bien que cette hypothèse est à la fois intenable et absurde. L’opposition du Congrès n’est pas rationnelle, et si elle triomphait ce serait l’irrationalité guerrière qui l’emporterait, surtout dans le climat créé par une telle victoire si inattendue, qui aurait été précédée par une montée aux extrêmes des extrêmes dans le champs de la communication, c’est-à-dire, du côté du Congrès, la représentation d’un Iran qu’il faut à tout prix détruire parce qu'il tient déjà prêtes ses armes nucléaires pour détruire plusieurs fois Israël (pour être bien sûr) et bien sûr les USA eux-mêmes. On ne peut discuter rationnellement avec cette sorte de psychologie portée à l’incandescence du paroxysme non seulement guerrier, mais purement et simplement de l’anéantissement.
D’autre part, rien ne dit et tout indique au contraire que, dans le cas d’une défaite d’Obama, les autres partenaires, et notamment les Iraniens, seraient prêts à repartir pour quelques décennies de négociations, de sanctions et de menaces, surtout dans le climat d’hôpital psychiatrique déchaîné ainsi créé.... Bref, dans le cas considéré, il s’agirait bel et bien de l’option de la guerre. Or, cette option-là représente un cas qui est terrible, tel qu’il est présenté, mais qui est aussi pas loin d’être irréalisable... L’idée ayant déjà été évoquée, nous avions envisagé ce que constituerait une guerre de conquête de l’Iran, comme celle qu’on évoque ici ; ainsi, le 17 octobre 2012 :
«On doit rappeler ici l’hypothèse d’une attaque de l’Iran avec une invasion terrestre, qui est un projet encore éloigné en volume et importance de ce que pourrait être une “guerre mondiale”. Cette option est considérée comme la plus sûre pour contrôler totalement le programme nucléaire iranien, imposer un changement de régime et contrôler le pays, et “sécuriser” la région selon les appréciations théoriques des stratèges du bloc BAO. Elle a été étudiée en 2007 par des universitaires travaillant pour le Pentagone, notamment avec le National War College, et a conduit à la conclusion qu’il faudrait une force d'un million à 1,2 millions de combattants US, impliquant une masse telle avec le soutien logistique qu’une mobilisation massive serait nécessaire, sans doute avec un retour à la conscription, et des hypothèses de délais minimums selon les objectifs et les conditions (parfaites, normales, etc.) de 12-18 mois à deux-trois années de préparation logistique aux USA au-delà du niveau actuel, avant d’envisager seulement les préparatifs logistiques de l’invasion elle-même. Dans le climat actuel, la perception des instabilités civiles intérieures notamment dans les pays du bloc BAO, l’activisme du système de la communication et l’incontrôlabilité des situations opérationnelles en cours, dans la région et ailleurs, la chose (cette option de l'invasion terrestre de l'Iran) est non seulement impossible mais tout simplement impensable, comme d'un autre temps et d'un autre monde ; c’est-à-dire qu’elle serait rejetée du simple processus de planification avant même d’être étudiée. L’on retrouve évidemment le même cas dans toute planification d’une opération de cette envergure. Les conditions courantes des situations civiles et civiques, – c’est-à-dire l’état courant de la crise d’effondrement du Système, – interdisent d’une façon générale les grandes planifications de type mobilisation qui sont nécessaires au concept de “guerre mondiale”.
»La seule alternative sérieuse pour une vraie “guerre mondiale” devient une attaque nucléaire, qui est bien entendu théoriquement possible mais qui recèle un tel degré d’incontrôlabilité qu’elle se rapproche décisivement de l’idée du suicide collectif, qui ferait également qu’elle serait refusée par la planification bureaucratique nécessaire à toute préparation d’un conflit de cette sorte, et provoquerait sans doute un refus s’apparentant à un coup d’État interne “défensif” (refus d’obéissance) de la hiérarchie militaire, – ce qui briserait décisivement le front du “military-banking capitalism” ou du “military-corporate capitalism” imaginé par Katasonov. Même une attaque nucléaire “par surprise”, par saisie d’une arme nucléaire par un groupe du bloc BAO voulant initier par force une “guerre mondiale”, devrait aboutir à la prise en main du processus par les militaires pour éviter l’extension des frappes...»
Nous ajouterions à ces extraits d’un texte d’il y a presque trois ans que, depuis, les conditions n’ont fait qu’empirer dans une mesure extraordinaire. Les adversaires potentiels des USA et du bloc BAO sont devenus presqu’affirmés, et ils ont pris la mesure de la dangerosité de ce bloc dont la politique n’est plus qu’un spasme paroxystique monstrueux initié par un Système qui écrase absolument tous les pays du bloc BAO et les tient dans un emprisonnement psychologique indescriptible, réduisant l’intelligence à mesure, pour la mettre au service des projets les plus insensés. A notre sens, et pour prendre un exemple bien précis, si le Congrès l’emportait et si une menace d’attaque contre l’Iran de l’ampleur qu’on a décrite se dessinait, il n’est pas du tout improbable que la Russie, réalisant l’enchaînement inéluctable que signifierait une attaque nucléaire, offrirait à l’Iran sa protection nucléaire, signifiant ainsi aux USA et à Israël qu’une attaque nucléaire contre l’Iran entraînerait une riposte russe, par exemple contre telle et telle base israélienne et US, dans le dispositif moyen-oriental ou OTAN, ou contre un groupe d’attaque de l’US Navy avec son porte-avions de 100 000 tonnes...
Quant au conflit d’invasion conventionnel, les conditions imposées aux forces US constituent une telle contrainte, dans une situation interne aux USA qui s’est encore dégradée depuis 2012 et une opinion publique largement majoritaire dans son hostilité à un conflit d’une telle absurdité, qu’on voit mal qu’elle puisse seulement connaître un début de préparation. On parle en effet de délais d’au minimum un à deux ans pour préparer une véritable force d’invasion, et l’on ne peut imaginer une situation interne stable, – sans parler de l’environnement international, – sur une telle période, dans une époque où le temps ne cesse de se contracter et l’Histoire d’accélérer, et les crises de s’empiler en tourbillonnant. Il s’agit de perspectives complètement folles qui ne se résument guère à l’annonce d’une Troisième Guerre mondiale mais se décrivent plutôt par l’incapacité qui serait démontrée pour les USA d’entamer un conflit de grande envergure. De ce point de vue, les conséquences seraient d’abord intérieures, dans un affrontement sans précédent par son désordre, son nihilisme, etc., au sein du pouvoir américaniste, jusqu'à son irrésistible entraînement vers l'autodestruction. (Peut-être est-ce là qu’on peut rappeler l’hypothèse que faisait le chef du parti néo-sécessionniste du Vermont Thomas Naylor, le 26 avril 2010 : «Il y a trois ou quatre scénarios possibles de l’effondrement de l’empire. Une possibilité est une guerre avec l’Iran...»)
Au reste, et comme nous le suggérions au début de cette nouvelle, c’est plutôt la situation washingtonienne qui est le véritable sujet de ces nouvelles. Comme on le voit, on considère certaines catégories de sources déjà éprouvées pour leur sérieux d’analyse, – on parle ici d’Antiwar.com et de WSWS.org, la presse-Système ne figurant pour absolument rien dans cette situation puisqu’elle est totalement figée dans son allégeance au Système dont la folie ne lui laisse d’autre politique de communication qu’une sorte de “doctrine du silence” ; ainsi, qu’on puisse sans forcer le trait faire cohabiter dans une unité de temps, de lieu et de communication deux visions prospectives aussi radicalement opposées, donne une mesure de la folie caractérisant la situation washingtonienne. La situation ressemble à un gigantesque désordre figé, enfermé dans cette sorte de “tourbillon crisique” à quoi revient désormais la situation générale du monde. Nos admirables trotskistes de la IVème Internationale continuent à dénoncer l’impérialisme bourgeois-capitaliste avec leurs stylos-mitraillettes, annonçant la prochaine mobilisation de la classe prolétarienne internationaliste, comme d’autres annoncent à leurs façons les mêmes tempêtes décrites sous d’autres couleurs. Dans ce business as usual qui ressemble à un étrange magma, l’on se demande comment la Troisième Guerre mondiale parviendrait à se faire une place...
Mis den ligne le 10 août 2015 à 18H12
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