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Si vous prenez d’une façon globale cet éditorial de l’International Herald Tribune du 18 mai, il n’y a pas grand’chose à redire. Le titre est: «Rebuilding U.S. forces to face the challenges ahead.» On y trouve une série de constats de l’état pitoyable des forces armées US, de la situation au Pentagone, des gaspillages, du coût des systèmes, etc.

… Tout juste peut-on remarquer que les milieux soi-disant “modérés” ne sont pas les derniers à réclamer un renforcement militaire, c’est-à-dire plus d’argent, plus de forces, etc. L’esprit militariste qui s’est renforcé décisivement aux USA après 9/11 est désormais général, et l’état d’esprit est celui de la mobilisation permanente et en constant renforcement. Car, effectivement, continue l’argument, bien des menaces se profilent à l’horizon et il importe que les USA puissent y faire face.

«…It is also in need of substantial repair. Two wars – the war of necessity in Afghanistan and President George W. Bush's disastrous war of choice in Iraq – have worn out soldiers and equipment at an unprecedented rate. So alarming is the deterioration that many military commanders say the United States is unable to sustain the current operation in Iraq, let alone face down future threats.

»The next president's most pressing challenge will be to plot an orderly exit from Iraq. The challenges will not end there. The turmoil Bush unleashed in Iraq, and the failure to defeat al-Qaeda in Afghanistan, have made the world more dangerous. The next president will also have to grapple with an increasingly powerful Iran with nuclear ambitions, a rising China, an assertive Russia, and a raft of unstable countries, from nuclear-armed Pakistan to Somalia.

»What America does not need is a military ready to refight the Cold War or even the Iraq war. It needs a force that is both strong and flexible enough to meet a host of very different challenges.

»How broken is the military? Let us count the ways:…»

Mais ce n’est rien… Ce ne sont pas les mesures présentées que nous voulons signaler ici, qui ont suscité notre intérêt pour ce texte, mais la première phrase de l’édito. L’extrait ci-dessus reprend en effet la première partie du texte, après suppression de cette première phrase. Nous la rendons à César, – car la voici:

«The U.S. military is the world's best…»

Ainsi commence-t-on ce texte de cette façon tonitruante posée sans la moindre incertitude, pour ensuite enchaîner les constats de carence, les échecs, voire les défaite, les erreurs de programmation, les gaspillages, les impuissances, – en un mot, tout ce qui caractérise une force militaire qui est tout ce qu’on veut sauf «the world's best…».

«The U.S. military is the world's best. It is also in need of substantial repair. Two wars – the war of necessity in Afghanistan and President George W. Bush's disastrous war of choice in Iraq – have worn out soldiers and equipment at an unprecedented rate…»

C’est un trait bien étrange, qui nous conforte dans nos appréciations à propos de la psychologie américaniste. Il y a une Vérité Révélée, sur laquelle personne ne peut songer une seconde à revenir : “nous sommes les meilleurs”. Là-dessus, on peut enchaîner sur les diverses catastrophes qui démentent évidemment la Vérité Révélée mais il n’est pas convenable, ni même concevable de réaliser un rapport de cause à effet entre les deux choses. Ainsi la psychologie américaniste évolue-t-elle sur deux niveaux, l’un qui affirme la supériorité US en toutes circonstances, de toutes les façons et quoi qu’il en soit, – et l’autre qui, au jour le jour, devant les réalités du système-usine à gaz, colle les sparadraps de secours et pose les cautères sur les diverses jambes de bois. Le phénomène est d’autant plus singulier qu’il n’est nullement délibéré ni calculé en aucune façon. D’ailleurs, vous et moi, par faiblesse ou par inattention, serions capables de lire cet éditorial qui nous dit “nous sommes les meilleurs, voici l’état catastrophique où nous sommes, ridiculisés par tout le monde”, – sans crier gare ni trouver vraiment à redire. Il y a quelque chose d’à la fois aveuglé et aveuglant dans l’affirmation américaniste, une intense bataille entre la réalité et la virtualité américaniste, – nous n’osons dire qu’elle est équivalente, cette bataille, à celle du Mal contre le Bien ou du Bien contre le Mal, – mais, avouons-le, l’idée nous a effleuré.

Au reste, on observera que ce cloisonnement fonctionne à toutes les occasions et de toutes les façons. Le processus psychologique rejoint après tout celui de Bush-Gates, que nous détaillons par ailleurs aujourd’hui. On y retrouve les caractères déjà signalés de l'indéfectibilité et de l'inculpabilité, comme constantes fondamentales de la psychologie US.


Mis en ligne le 19 mai 2008 à 13H02