Y a-t-il des Britanniques dans les “missions de reconnaissance” en Iran?

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Y a-t-il des Britanniques dans les “missions de reconnaissance” en Iran?


21 janvier 2005 — On ignore s’il y aura réellement une attaque contre l’Iran, mais une certitude s’impose déjà si c’était le cas: au niveau des erreurs, des dissimulations, du désordre politique, — tout cela, du côté occidental, c’est-à-dire des glorieux Anglo-Saxons, — la situation sera pire encore. A cet égard, le cas des Britanniques est édifiant.

(Y aura-t-il une attaque en Iran? L’expertise occidentale pro-américaine, surtout française donc rationnelle, est affolée parce qu’il faut bien envisager, en posant cette question, le facteur le plus déstabilisant pour la thèse qu’ils défendent: l’Amérique peut-elle encore effectuer une telle attaque? C’est une question déshonorante lorsqu’on s’intéresse au cas de l’hyperpuissance. Alors, on tente d’y répondre ou de l’éluder en alignant les contradictions inhérentes au temps historique que nous vivons, lorsqu’on s’est engagé à la légère dans un parti un peu trop confiant dans le virtualisme. Exemple de Alexandre Adler dans Le Figaro, ces deux extraits d’un même texte, le 19 janvier 2005: « Quatre ans plus tard, Bush aura tenu, à sa manière, sa promesse : l'Amérique n'est pas très populaire mais elle est parvenue à infliger une crainte salutaire à un certain nombre de ses adversaires, qui savent maintenant qu'elle peut recourir à la force et qu'elle ne songe plus à mettre en vigueur la fallacieuse doctrine du “zéro mort”. » Dix lignes plus loin, puisqu’il faut bien réfuter l’hypothèse Hersh d’une attaque contre l’Iran: « …l'Amérique n'a plus l'appétit ni les muscles pour une nouvelle confrontation militaire avec les musulmans du Moyen-Orient et politique avec la communauté internationale. » Nous passons, en dix lignes imperturbables, d’un King Kong pétaradant de santé à l’anémie chronique d’un vieux guerrier anachronique.)

Avec la publicité faite au texte de Seymour Hersh, des publications ont signalé que le Pakistan avait autorisé des “forces anglo-saxonnes” à effectuer des raids en Iran à partir du territoire du Pakistan. Le terme “anglo-saxon” désigne-t-il les Britanniques également? Des sources proches de l’OTAN nous assurent que oui, que « des unités des SAS britanniques participent effectivement à des missions clandestines en Iran à partir du Pakistan, avec les Special Forces américaines ». Pour autant, ces sources ne présentent aucune indication complètement convaincante pour étayer leurs affirmations, tout en faisant remarquer presque ironiquement que la question est quasiment sans réponse: « Même au sein des forces armées britanniques, bien peu sont assurés de pouvoir donner une réponse, le statut des forces spéciales type-SAS étant vraiment très ‘spécial’ quant à leurs déploiements et à leurs missions ».

Alors, Tony Blair nous donnerait-il la réponse? Timothy Garton Ash, qui l’a rencontré le 18 janvier et l’a pressé à ce sujet, publie le 20 janvier un compte-rendu de cette rencontre. Évoquant l’article de Seymour Hersh et la présence possible en Iran de Special Forces US, voici ce qu’il nous en dit (les guillemets dans les guillemets sont du Premier ministre): « So, is the SAS in Iran too? “We never answer questions about special forces, but do not take that as an answer indicating an affirmative.” »

Le ministère des affaires étrangères britannique maintient sa position qui est de dire qu’il est « inconcevable que les Américains bombardent l’Iran ». Quant aux forces spéciales britanniques, bien entendu « notre politique est de ne jamais répondre lorsqu’il s’agit des forces spéciales ».

Lorsqu’on examine les conditions d’utilisation des forces spéciales dans la situation que décrit Hersh, une possibilité très réelle est, pour certaines circonstances, une complète perte de contrôle de ces forces par leurs autorités politiques (britanniques). L’Iran pourrait être une de ces circonstances. Comme le fait remarquer Hersh lui-même (« …about Iran, …you can almost argue that, of course, we're doing surveillance »), les incursions clandestines en Iran constituent une activité probable des forces spéciales anglo-américaines depuis l’investissement de l’Irak. Il pourrait y avoir, sur ce plan, une piquante séparation contradictoire de “politique” entre cette activité des forces spéciales britanniques et la ligne diplomatique (négociations) des Britanniques au sein de la troïka européenne Allemagne-France-UK. L’imbroglio des rapports des Britanniques avec les Américains, notamment avec les exigences des seconds pour exercer un contrôle opérationnel effectif total sur absolument tout ce qui fait “pan pan”, est encore plus grand que la situation courante des forces spéciales.