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36188 octobre 2021 – Me Vergès avait trouvé la “défense de rupture” ; le presque-candidat Z met en place une “stratégie de rupture”. Maintenant que les sondages le mettent au deuxième tour, on le tient désormais sérieusement à l’oeil. Hier soir, dans le ‘Face à l’info’ de 19H00 (sur CNews), Mathieu Bock-Coté a développé une brillante analyse de ce que pourrait être cette stratégie, et donc de ce que Zemmour, quoi qu’il en soit de son destin, est en train de nous offrir en guise d’énorme plat du jour, – et cela, désormais, imposé à tous les invités de la campagne, bref à la campagne elle-même comme si un esprit collectif parlait, comme si la France pouvait retrouver l’envolée de l’‘Odyssée’ au travers d’un épisode tragique de plus de son destin.
Bock-Côté tient assez brillamment la place de Zemmour dans l’émission de Christine Kelly. On sait que l’accent québécois pousse à une verve très “françoise”, plutôt rabelaisienne mâtinée de clins d’œil du côté de Voltaire, et Bock-Côté ne s’en prive pas. Son emphase est ironique, donc absolument bienvenue, et ses bons mots jubilatoires alternent en les contenant avec ses envolées lyriques. Il se pourrait bien qu’il ait distingué justement “de quoi Zemmour est le nom”.
Son analyse de la stratégie du presque-candidat Z, qui est peut-être une prémonition de cette stratégie, est bien qu’il s’agit d’une “radicalisation” du propos central de Z, qui va bien au-delà de l’immigration même s’il passe par elle, qui est plus à l’aise avec “la question de l’identité”, pour aboutir à ceci qui dit tout :
« Le thème de fond qu’il veut imposer à la campagne ... La question de l’existence du peuple français, une question civilisationnelle. »
Dans ce cas, dans cette hypothèse qui impliquer celle d’un second tour Macron-Zemmour, il y aurait « la Grande Clarification », dit Bock-Côté, opposant deux définitions de la France totalement opposées. Il s’agirait alors d’« une élection référendaire... », et alors la radicalité s’imposant, impliquant l’affrontement politique des extrêmes (non plus droite contre gauche, mais “civilisation” contre “civilisation”, et l’on voit évidemment de quoi il est question) : alors, «...radicaliser c’est crever l’abcès », c’est-à-dire que c’est une excellente chose pour nous qui souffrons de cette enflure étouffante.
Cessons ici de parler des avatars de l’élection, à partir de l’hypothèse extrême, désormais possible, qui en fait toute son importance. Bien entendu, c’est un affrontement de conceptions, et l’on peut dire alors, sur un ton sceptique : de toutes les façons, tout cela c’est de l’électoralisme, et dans l’hypothèse incroyable où Z gagnerait, rien ne dit que sa politique suivrait et qu’il ne serait pas pris, encalminé, lui aussi après tant d’autres, dans les rets du ‘politics as usual’... Sauf que ! Sans même parler des remous d’une probable tempête, il y a déjà une promesse, un engagement, qui est le référendum sur l’immigration, qui est une colossale bombe à retardement.
Pire encore, ou mieux c’est selon, l’idée d’un tel référendum est tellement évidente dans la dynamique de cette campagne si tôt explosive et marquée par l’irruption du Z, que tous les autres candidats de droite, tous au temps de la pléthore extraordinaire de la chose, ont repris à leur compte cette promesse du référendum sur le sujet qui brûle jusqu’à l’explosion... On voit bien que, Z ou pas Z, on est autorisé à penser que le rouge est mis. (J’avouerais volontiers que pour moi, jamais en retard d’une perspective de désordre, c’est absolument le cas.)
En effet, cette idée d’un référendum sur l’immigration, si elle est appliquée, si elle rencontre un verdict radical (4 Français sur 10 sont partisan de l’extrême de la limitation de l’immigration, une “immigration zéro”, selon un sondage CNews), va heurter de plein fouet la législation européenne qui est considérée par Bruxelles et par les juges européens de Luxembourg comme la nouvelle Table de la Loi du monde pré-transhumaniste ; qui est adorée et honorée comme surclassant absolument tous les actes législatifs des pays-membre, supranationalité postmoderne contre souveraineté nationale. Si l’on écoute simplement le débat, qui est en fait une explication de texte coordonnée de Charlotte d’Ornellas et de Benjamin Morel, avant-hier sur Europe1, on mesure le vertigineux imbroglio, l’impasse totale qui oppose les deux législations, entre la supériorité (européenne) absolument proclamée et la souveraineté (nationale) réaffirmée avec une terrible volonté.
Ainsi faut-il voir que ce séisme qui secoue la France n’est pas seulement une affaire française, mais à tout le moins européenne, et sans doute même, bien au-delà, au cœur de la Grande Crise d’Effondrement du Système. Comme à propos, deux affaires ou développements en-cours vont parfaitement dans ce sens.
• Il y a l’affaire polonaise, qui va directement au cœur du problème de la structure juridique de la souveraineté nationale contre la supranationalités. Dans les diverses querelles qui opposent la Pologne et l’UE, le Tribunal Constitutionnel polonais a tranché hier en faveur de la primauté des lois nationales, en jugeant que des articles de la Constitution de l’UE sont incompatibles avec les lois en vigueur en Pologne. “C’est une décision historique”, écrit-on sans forcer le trait.
« La plus haute juridiction polonaise a décidé que certains articles des traités de l'UE étaient “incompatibles” avec la Constitution de la Pologne, dans une décision historique. [...].
» Le Tribunal constitutionnel polonais a jugé, le 7 octobre, des articles des traités de l'Union européenne (UE) incompatibles avec la Constitution du pays. Cette décision est le dernier rebondissement en date d'un long affrontement entre la Pologne et l'UE au sujet de réformes judiciaires controversées introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS). »
... Bien entendu, Bruxelles est furieux, tonne et menace. Plongée dans le torrent impétueux de toutes ses certitudes, l’UE est soutenue par divers États-membres, surtout situés à l’Ouest, – dont la France-de-Macron qui, bien entendu, entend n’en pas rater une. Une affaire « gravissime ... un sujet éminemment politique qui s’inscrit d’ailleurs dans une longue liste de provocations à l’égard de l’UE », dit l’excellent et ô combien brillant secrétaire d’État aux affaires européennes Clément Beaune. C’est sans aucun doute, doivent-ils se dire en congrès, avec de cette sorte de phrases majestueuses que l’on dynamite les attardés type-Z.
« Bruxelles a menacé Varsovie de faire usage de ses pouvoirs après que le tribunal constitutionnel polonais a jugé certains articles des traités européens incompatibles avec la Constitution du pays. [...]
» “La Commission n'hésitera pas à faire usage des pouvoirs que lui confèrent les traités pour préserver l'application uniforme et l'intégrité du droit de l'Union”, a affirmé Bruxelles, [...] ne manquant pas de réaffirmer sur les réseaux sociaux la primauté du droit de l'UE sur les droits nationaux “y compris les dispositions constitutionnelles”. “Tous les arrêts de la Cour lient toutes les autorités des États membres”, a encore tonné la Commission. »
• La deuxième nouvelle apparaît comme si elle voulait faire une non moins brillante démonstration du programme et des conceptions du cadre pressant où doit s’inscrire demain la France de Macron. On s’interroge, et moi le premier, sur l’habileté de ces gens, qui vous confirment tous les pires complots du monde qu’on leur attribue, presque sur un ton guilleret, comme s’ils croyaient vraiment que ce sont des lendemains qui chantent. Ils le croient d’ailleurs, et ainsi fait-on du ‘Financial Times’ (FT pour les amis) un sergent-recruteur si brillant du quasi-candidat-Z.
Effectivement, le très-influent et brillant FT, porte-parole de l’élite financière globaliste et anglosaxonnisée publie un article d’un de ses proches, un Indien-Américain, habile comme un Indien d’origine (les Russes et les Chinois disent de Modi qu’il excelle dans l’art d’« avoir un pied dedans, un pied dehors ») ; il s’agit de Parag Kanna, parfaite illustration de la diversité décomplexée et transnationale, spécialiste des relations internationales et conseiller en stratégie, et auteur à succès d’estime et prolifique en quelques dizaines de langues, assuré de positions privilégiées dans la ‘Davos Crowd’. Paul Joseph Watson, bretteur antiSystème infatigable sur son site ‘Summit.News’ fait un rapport sarcastique et persifleur de l’intervention de Kanna, sous la plume duquel le Grand Remplacement devient “Grand Repeuplement” pour donner quelques belles munitions à Zemmour pour la suite de sa campagne... Vraiment, ils ne se dissimulent de rien :
« Le Financial Times a publié un article qui affirme que les personnes vivant dans les pays européens devraient “se préparer à un repeuplement démographique par les Arabes et les Asiatiques”.
» Oui, vraiment.
» Parag Khanna, l'auteur de l'article, est également l'auteur d'un livre intitulé ‘Move : How Mass Migration Will Reshape the World, – and What It Means For You’.
» Sans surprise, il entretient également des liens étroits avec le Forum Économique Mondial [‘The Davos Crowd’] et le Council on Foreign Relations ; il a été également ‘Global Governance Fellow’ à la Brookings Institution.
» Khanna affirme de façon ridicule que de larges pans de la planète deviendront “inhabitables” en raison du changement climatique, ce qui amènera “des millions, voire des milliards de personnes... à se déplacer vers des terrains situés aux latitudes les plus propices à la survie”. »
Tout cela est fait pour mettre la quasi-candidature de Z-Zemmour dans sa véritable dimension. Elle est bien entendu française, elle est également européenne, elle est évidemment inscrite dans la crise générale de la globalisation. Ainsi me garderais-je bien de faire de Zemmour un acteur du seul drame français, comme ils sont si prompts à le faire dans les brumes embouteillées du Paris d’Hidalgo. Il est directement intégré dans le cours de la Grande Crise qui secoue le monde, où la France occupe sans aucun doute une place privilégiée, où elle “tient son rang” comme disait le général. Cela est pour consoler ceux qui se lamentent sur le déclin de la France, sur la perte de son poids et de son prestige ; au contraire, qu’ils se rassurent !
Aujourd’hui, se trouver dans une phase décliniste n’est nullement une marque d’infamie ni de réduction de son rôle, au contraire c’est flamboyer en apportant sa pierre à l’entreprise de déconstruction du Système. De même ne suis-je pas inquiet sur l’issue de la cavalcade de Zemmour, même s’il ne l’emporte pas, et même s’il n’est pas l’adversaire direct de Macron. Il a d’ores et déjà dévoilé les “sales petits secrets” de l’élite-Système française, et mis à nu le roi.
Néanmoins, je le reconnais, s’il lui arrivait de triompher c’est alors que se lèveraient ces « orages[tant] désirés » par son cher Chateaubriand, cette tectonique furieuse du Système touché dans son hybris catastrophique.. Mais qu’on m’écoute encore, dans la logique de mon propos : sa défaite, son élimination, ne serait pas moins un détonateur fulgurant de grandes colères, et par conséquent détonateur en chaîne de la même tectonique furieuse du Système.
La messe est déjà dite, et François fort préoccupé.
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