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3384• Il est très intéressant de connaître la perception que des analystes étrangers peuvent avoir de la candidature du ci-devant “polémiste d’extrême-droite” à la fonction présidentielle. • Bien entendu, il s’agit de trouver des commentateurs d’esprit indépendant, de bonne expérience professionnelle et parés d’une certaine tendance à la dissidence d’un Système qui nous saoule de ses consignes lourdes des extraordinaires ennui et bêtise de la bienpensance. • C’est le cas, selon notre choix, de la Nord-Américaine Rachel Marsden et du Brésilien Pépé Escobar.
Si les commentateurs français ont souvent des difficultés, tant ils ont l’esprit encombré de jugements contradictoires, à bien définir le cas peu ordinaire de la candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle, que dire des commentateurs étrangers ? L’exercice que nous proposons de faire concerne deux commentateurs que nous connaissons, pour leur indépendance d’esprit, leurs capacités professionnelle et leur tendance, plus ou moins marquées, ou peut-être marquées de façon différente, à se trouver à une certaine distance du Système, c’est-à-dire avec une certaine dissidence qui leur permet, selon les circonstances, de faire brillamment acte d’antiSystème. Quelles que soient les divergences qu’on peut avoir avec leurs jugements, c’est cette touche de dissidence qui nous importe par-dessus tout.
Les deux analystes, dont les noms sont souvent apparus sur ce site comme citations et références, sont la Nord-Américaine Rachel Marsden, journaliste d’expérience aux USA, plutôt conservatrice sans pesanteur partisane au sens politicien et avec une tendance à l’antiaméricanisme de type antiSystème, et depuis 2009 en France. Elle chronique notamment sur Spoutnik-français (son excellente chronique « Le Désordre mondial ») et sur RT.com. L’autre analyste est le Brésilien Pépé Escobar, vieux combattant de la presse alternative et dissidente, plutôt de tendance néo-tiersmondiste (c’est-à-dire un “tiersmondisme” antiSystème depuis 9/11) qu’on lit sur de nombreux sites comme ‘Asia Times’ ou celui du ‘Saker-US’.
Marsden parle beaucoup de Zemmour, qu’elle connaît et considère comme un ami, et également comme un “révolutionnaire” dans la politique française. Dans son article de RT.com du 10 décembre qu’on peut considérer comme typique de son jugement, il est remarquable qu’elle ne cite jamais, ni la question de “l’islam en France”, ni celle de l’immigration. Elle considère essentiellement le statut du candidat-Z du point de vue de la Grande Stratégie disons Est-Ouest ou Europe-USA, et selon une référence civilisationnelle qui n’a rien à voir directement avec la question migratoire (laquelle ne s’y inscrit qu’indirectement). Pour elle, la France a pris une orientation suicidaire dont elle juge que Zemmour peut l’en sortir :
« ... [L]a France s’est alignée sur le suicide collectif économique occidental dirigé par les États-Unis au point d'imiter les pires tendances de l'establishment américain, de la désindustrialisation et de l'externalisation de l'industrie vers des juridictions étrangères à faible coût, à l'adhésion à toutes les narrative globalistes. Ce système est décrit comme une sorte de bénéfice pour l'ensemble de la sphère économique et politique occidentale, mais il ne profite en réalité qu’au corporatisme globaliste et à ses élites dirigeantes. »
Un autre aspect remarquable des observations de Marsden, faites notamment lors du meeting de Villepinte du 5 décembre, est son jugement selon lequel Zemmour attire particulièrement la jeunesse. C’est en ce sens également qu’elle juge ce candidat révolutionnaire, par les espoirs qu’il fait naître. Suivant sa propre posture, elle compare sans hésiter à de Gaulle. Le mot de “reconquête” que Zemmour a choisi pour nommer son parti à constituer, qui est souvent apprécié en référence à l’expulsion de l’occupant maure par les Espagnols en 1492, est également cité par François d’Orcival à partir du discours de bienvenue que René Coty fit à son successeur en janvier 1959 : « Le plus illustre des Français, celui qui, aux années les plus sombres de notre histoire, fut notre chef pour la reconquête de la liberté et qui, ayant réalisé autour de lui l’unanimité nationale, refusa la dictature pour rétablir la République. » La référence est ici faite effectivement à un événement qui est souvent comparé par ses partisans comme une “révolution” après l’occupation allemande.
Voici donc comment Marsden présente cette “reconquête” qui est plutôt, selon elle, une “libération” de l’alignement français sur les USA avec la décadence de son indépendance qui suivit la période de Gaulle 1959-1969, devenue un effondrement à partir de Sarkozy :
« Quelques jours plus tard, lors d’un gigantesque meeting de lancement de la campagne, le 5 décembre, qui semblait grouiller de jeunes universitaires, la foule a applaudi à chaque déclaration de M. Zemmour, qui promettait que, s'il était élu, il réduirait la différence entre les salaires bruts et nets, et “réduirait massivement les impôts sur la production pour toutes les entreprises”, afin que la France redevienne une “puissance industrielle mondiale” pour créer des emplois et stimuler l'innovation. Il a promis de soumettre les grandes questions d'importance nationale aux électeurs directement par référendum, et de sortir la France de l’OTAN.
» “Nous sommes la France”, a déclaré Zemmour. “Nous ne sommes pas les vassaux des États-Unis, de l'OTAN, de l'Union européenne”. Il a ajouté que la France devrait “parler à tous les pays, les États-Unis, la Chine, la Russie, mais aussi être sceptique à l’égard de tous, car la géopolitique n'est jamais un long fleuve tranquille”.
» Ce n’est pas un changement progressif que l’ancien éditorialiste expose. C’est un changement révolutionnaire qui ramènerait la France à l’époque où elle jouissait de l’indépendance et de la prospérité sous la présidence de Charles de Gaulle, dont Zemmour semble vouloir suivre le modèle. Certains critiques disent que le monde a trop changé pour les idées de Zemmour, qu’il vit dans le passé et que ses ambitions sont des anachronismes inutiles. Mais c’est un peu comme acheter un billet de loterie, dans la mesure où les électeurs français ne peuvent jamais espérer gagner s’ils ne trouvent pas le courage de tenter leur chance. »
Ceux qui suivent Escobar depuis au moins deux décennies peuvent apprécier la rareté des réflexions qu’il accorde à la France comme facteur central de ses analyses, et cela sans le moindre doute depuis la présidence de Sarkozy (la France avait trouvé grâce à ses yeux pour ce qui est de son importance lorsque Chirac s’était opposé à l’invasion de l’Irak de 2003). C’est une mesure intéressante de l’écho que recueille la candidature de Zemmour, au-delà du cadre français enfermé dans l’épuisante et fantomatique litanie des anathèmes “antifas” et de l’hystérie qui les accompagne.
Pour autant, Escobar s’attache complètement à l’aspect de cette candidature que Marsden passe complètement sous silence : la croisade anti-islam.
« Dans un contexte politique morose en Europe, l’élection présidentielle française s’annonce soudain, contre toute attente, comme le scrutin le plus passionnant à suivre en 2022.
» Alors que tout le monde, de la Normandie à la Côte d’Azur, semblait résigné à subir un deuxième épisode de macronisme, le polémiste devenu politicien Éric Zemmour a suscité un rebondissement sensationnel.
» Il lui a fallu moins d’une semaine. Le lundi 29 novembre, Zemmour annonce officiellement qu’il se présente à l’élection. Il joue au de Gaulle, lisant son propre discours au son de Beethoven, devant un micro à l'ancienne, entouré de livres.
» Puis Zemmour annonce le nom de son nouveau parti politique : ‘Reconquête’, du nom de la bataille menée par les chrétiens pendant sept siècles pour expulser les Maures de la péninsule ibérique, qui a finalement abouti en 1492.
» Pour Zemmour et ses acolytes enthousiastes, il s’agit de reconquérir une nouvelle fois la France sur l’ennemi musulman.
» Puis, le dimanche 5 décembre, il a tenu son premier meeting en tant que candidat devant plus de 10 000 personnes. Aucun homme politique français actuel n’est capable d’attirer une telle foule. »
Escobar parle ensuite du personnage, de son héritage personnel, de ses références, de son combat tel qu’on le connaît aujourd’hui. Pour lui, pour Escobar, Zemmour est d’abord marqué par ses origines de juif berbère d’Algérie alors qu’il est perçu en France, et se présente également lui-même, comme “pied-noir”, ou “Français d’Algérie” (d’où ce titre de l’article d’Escobar, qui sonne assez étrangement même s’il n’est pas faux d’une certaine façon : « La Reconquête : Aux élections de 2022, un Algérien islamophobe veut purger la France du “péril musulman” »). Escobar nous offre donc cette appréciation que constitue l’énigme de l’islamophobie de Zemmour :
« Zemmour se définit toujours comme un juif berbère. Il refuse d'être qualifié d’Arabe, soulignant que “les Berbères ont été colonisés, massacrés et persécutés par les Arabes, islamisés de force”. Et c’est là que nous abordons le cœur de l’énigme : Zemmour est essentiellement un arabophobe, et très spécifiquement contre les Arabes du Maghreb. »
Par ailleurs, Escobar en fait, comme Zemmour lui-même aime parfois à se référer, un personnage de Balzac, un Rubempré essentiellement, ou un Rastignac pour ses ennemis. Aussitôt, la description du candidat passe des rudes douars de la Kabylie à l’aisance et à l’hypocrisie de la bourgeoisie parisienne, dans cette atmosphère de “haute décadence” où la France, sortie des fracas de la sanglante Révolution et de l’épopée napoléonienne, découvrait l’argent, la modernité et la grande littérature ennemie de la modernité et de son argent. Le “juif berbère” devient héros balzacien, achevant la mue étonnante d’un immigré (mais tous les Français le sont plus ou moins) devenu un terrible polémiste parisien dénonçant l’immigration... Tout cela fait donc un excellent candidat pour nous tenir en haleine, dans tous les cas dans la plus grande et la plus exotique incertitude possible, – marquée par deux “pourtant” qui se contredisent :
« CNews a vanté les mérites de Zemmour en le qualifiant de ‘Dynamiteur’. Pourtant, il court le risque de se dynamiter lui-même, coincé dans un piège islamophobe de sa propre fabrication, alors qu'il cherche à refonder la droite radicale française et à “reconquérir” la République.
» Il est peut-être trop tôt pour le dire, mais il n’a pas réussi le direct électoral décisif après être monté sur le ring. [...]
» Pourtant, il ne faut jamais sous-estimer l’ambition considérable d’un juif berbère autoproclamé dont le but est de “reconquérir” une République en luttant contre un djihad islamique. »
Disons et redisons encore quelle bouffée d’air frais cela représente de lire deux articles sur Z sans devoir avaler, comme une espèce de vermifuge zélote et contre-indiqué, les mots “fascisme”, “racisme”, “xénophobe”, “nauséabond” et toutes cette espèce de torrent de médiocrité compulsive d’aliénés et absolument enfoui dans les strates d’une sorte de crétacé de la pensée pavlovienne, – sorte de hoquets hallucinés qui mériteraient que l’on portât plainte pour placer les coupables dans des familles d’accueil. La classe intellectuelle française dans ses couches les plus basses est bien paralysée dans son encroutement, son impuissance, son intelligence si complètement stupide, sa servitude volontaire aux délices des puissants du jour.
Cela dit et répété, voilà qu’on a deux portraits intéressants, et combien différents, du candidat ex-“polémiste d’extrême-droite”. Nous ne pensons pas que la vision d’Escobar soit réellement pertinente, et surtout, surtout, nous pensons que, parce qu’il est réaliste, elle est sujette à des modifications importantes si, par une sorte de miracle, Zemmour venait aux affaires. Nous voulons dire par là que Z aurait une attitude bien différente vis-à-vis des pays arabo-musulmans, ceux du Golfe notamment et un autre comme l’Égypte, s’il venait à avoir une Grande Politique. Par contre, ce qu’Escobar met justement en valeur et qui est fort peu perçu en France malgré le rappel constant de l’intéressé, c’est l’origine berbère de Zemmour (le fait qu’il soit juif passant alors au second plan). Cela pourrait lui inspirer une autre politique que son islamophobie sans nuances, dans les rapports avec l’Algérie surtout où le conflit latent entre Arabes et Berbères (Kabyles) est un point fondamental de la crise de ce pays. (Si l’on veut, pour Zemmour l’Algérie est aujourd’hui un système colonial, avec les Berbères [Kabyles] opprimés par les Arabes.) Il n’est pas inutile d’en prendre conscience, et cela pouvant servir d’autre part comme exemple d’une façon de nuancer l’aveugle et pathétique politique de repentance que la France suit vis-à-vis de l’Algérie prise comme un bloc qu’elle n’est pas.
La perception de Marsden est, elle, extrêmement riche et va au cœur de ce qu’il peut y avoir de “révolutionnaire”, et de tout à fait actuel, dans la politique de Zemmour. Cette politique devient alors franchement anti-impérialiste, antiSystème si l’on veut, retrouvant l’aspect effectivement révolutionnaire constant du gaullisme. La posture anti-anglosaxonne de De Gaulle est une constante, encore plus forte durant la guerre qu’en 1959-1969, parce qu’elle s’adresse au suprémacisme anglosaxon, le même que dénoncent nombre de pays du tiers-monde, dont bien des pays musulmans (!), le bloc de résistance Russie-Chine (éventuellement l’Iran), et même la communauté afro-américaine comme les milieux populaires blancs luttant aux USA contre l’hypercapitalisme (et le wokenisme qu’il manipule) absolument déconstructeur au service du Système. Il s’agirait alors d’une politique absolument pertinente pour ces temps-devenus-fous, puisque se dressant contre la principale force déstructurante “au service du Système”.
Mais bon, Z n’est pas encore élu, et loin, très loin d’être assuré d’avoir une chance de l’être... « Ben voyons », comme il a coutume de dire.
Mis en ligne le 12 décembre 2021 à 10H15
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