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360226 janvier 2022 (20H50) – Une hypothèse intéressante est de poser que l’élection présidentielle française, contrairement à la “coutume”, n’est plus, cette fois, en 2022, le terme d’une séquence mais une étape d’une séquence en cours, – importante sans doute, mais rien qu’une étape, – dans un processus qui domine la situation générale française en étroite corrélation avec le reste de l’évolution du bloc-BAO (ou, pour faire plus digne : “de la civilisation occidentale”). J’ajouterais même, pour faire plus précis et plus ample : une étape dans le processus d’effondrement de la situation générale française, “en étroite corrélation avec le processus d’effondrement de la civilisation occidentale”.
C’est-à-dire qu’il faut voir les choses au-delà de l’élection, immédiatement comme une suite logique de ce qui a précédé, non seulement de la campagne électorale mais de la situation déjà-catastrophique d’avant la campagne, et de plusieurs années. Dans ce cas, l’élection n’est pas une rupture du processus mais une accélération du processus ; elle l’est encore plus si, comme c’est probable selon ce qu’il est convenu de savoir, Macron est réélu. C’est là le point essentiel du propos (de l’hypothèse).
On a souvent abordé ce sujet selon un angle qui m’est cher dans ma conception “tactique-stratégie” ; savoir qu’il y a des victoires tactiques (celles du Système dans ce cas, avec réélection de Macron) qui sont la seule voie véridique et implacable pour conduire à une défaite stratégique fondamentale (du Système, toujours). La chose a été très récemment développée sur cet honorable site, et je la rappelle avec quelques extraits.
D’abord, Macron -2.0, c’est l’homme qu’il nous faut...
« On le sait désormais : Macron est l’homme de la situation. Il est parfaitement idoine, assorti, ad hoc, homme de son temps et fidèle à son temps, au point qu’on ne sait s’il est homme, qu’il pourrait être transgenre camouflé et transfiguré pour répondre parfaitement et en même temps aux normes de la police de la moraline et aux exigences d’un Ciel qui s’est drapé de nuées catastrophiques pour mieux nous indiquer la voie à suivre. Tout est, chez lui, mesuré, calculé, bien coupé comme un costume sur mesure.
» En un mot et pour aller aussitôt à l’essentiel, nous aurions bien tort de nous en priver pour les années, pour les mois qui viennent parce que cet être, là où il est, posté comme une si parfaite imposture, correspond si parfaitement aux exigences nécessaires pour nous libérer de cette imposture. Malgré tout le respect que nous impose une si complète perfection, il n’en est pas moins une marionnette correspondant à la trame de la catastrophe, – et c’est bien cela, une fois nos esprits libérés d’une juste colère, – c’est bien cela qu’il faut considérer avant toute chose.
» Il est l’homme de la situation au point d’en être une vérité-de-situation, comme nous aimons à dire. Il serait extrêmement dommage et tout à fait dommageable à notre destin qu’il ne l’emportât pas dans le tournoi démocratique prévu pour un peu après les Ides de Mars et l’assassinat de Jules César. »
Ensuite, description de la manœuvre selon ma formule préférée, et en y mêlant toutes les conceptions que j’affectionne. La victoire tactique qui est la marque de la surpuissance du Système (réélection de Macron) remportée, nous filons tout droit, parce que les conditions de désordre, de haine et de colère y invitent irrésistiblement, vers la défaite stratégique du Système (autodestruction) parce que la dynamique macroniste, aveuglément, avec ses outrances imbéciles, son jeu magnifique d’une communication arrogante et déconstructionniste, ne laissent aucune autre issue que la catastrophe qui porte tous les éléments féconds d’une rupture vertueuse de type antiSystème. On concrétise tout cela par l’hypothèse acceptable d’élections législatives médiocres sinon catastrophiques pour le réélu ; mais il ne s’agit que d’une hypothèse opérationnelle, et il faut avoir à l’esprit qu’il y en a d’autres allant dans le même sens de la catastrophe absolument nécessaire : simplement, celle-ci a pour elle la netteté chronologique et le légalisme liant les deux élections, présidentielles et légidslatives.
« Nous ne plaidons pas ici comme par satire. Il y a certes de la satire, mais également un jugement bien tempéré, que l’on tente d’élever au-dessus des réactions bien naturelles à des actes et des paroles si infâmes. Il faut se rendre à l’évidence : nous avons passé le Cap des Tempêtes et il s’agit désormais, comme un capitaine au milieu des éléments déchaînés, de montrer le réalisme du jugement débarrassé des embrasements justifiés mais désormais inutiles. Passé le Cap des Tempêtes, en effet, Macron devient l’homme des tempêtes qui emporteront tout, le capitaine-imposteur pris de boisson, et lui en premier bien entendu nous y précipitant aveuglément et en s’y “emmerdant jusqu’au bout”.
» Macron réélu, c’est la France précipitée dans une de ces tourmentes dont elle a le secret, et dont l’issue est nécessairement une rupture furieuse. Macron réélu, dès le lendemain commencera la phase tant attendue de la tempête, le déchaînement par lequel nous ne pouvons faire autrement que passer. Macron réélu dans l’amertume et dans le “quoi faire d’autre ?” pour nombre de votants, il y aurait bien possiblement une revanche lors des législatives de quelques semaines plus tard, qui pourraient accoucher d’un Parlement amer sinon insoumis, et dans tous les cas plus autonome, bien assez pour rendre fou de rage jusqu’aux erreurs tragiques le despote enfantin. »
Je termine par une dernière citation de cet article qui concrétise une de mes idées essentielles lorsqu’il est question du destin français. C’est une erreur courante du “la France seule”, comme font tant de commentateurs, même les meilleurs et les plus antiSystème qui se désespèrent de voir la France dans un tel état, – ne pas croire une seule seconde que la France, désignée comme “le mauvais élève” d’un monde qui serait en harmonie acceptable, serait la seule à subir cette épreuve infâme pour certains, nécessaire pour d’autres, de la catastrophe avec Macron-2.0. Tout le monde, dans tous les cas dans le bloc-BAO, est logé à la même enseigne, et notamment nos grands amis-ennemis d’outre-Atlantique.
On voit cette idée dans les geignements des bons commentateurs sur une “américanisation” de la France (pourtant déjà faite depuis trois-quarts de siècle), notamment parce que l’Amérique nous pervertirait avec ce nouveau outil d’invasion et d’inversion culturelles du wokenisme. C’est être aveugle et ne pas voir que ce virus mortel qui touche la France, a touché encore plus gravement l’Amérique elle-même avec son américanisme, en menaçant de la disloquer et de la désintégrer (voir Victor David Hanson).
Au contraire, il faut tenir compte ce nouveau phénomène des effondrements parallèles, concourant à la catastrophe collective du Système ; il faut remplacer la “convergence des luttes” par la “convergence des effondrements”. D’où ce dernier extrait du texte en question :
« Maintenant et sans doute pour terminer, faisons une analogie, du type “Faisons un rêve” (comme disait Sacha) ; c’est-à-dire une analogie de destins... Le président Biden est, dans un genre différent mais pas tant, au moins tout aussi détestable pour la cause qui est nôtre, que ce Macron. Avec un Macron réélu qui serait relevé sinon défié immédiatement par le poivre et sel d’une Chambre hostile, on peut envisager un Biden héritant, dès novembre, d’un Congrès qui lui serait également inamical.
Nous aurions ainsi, de concert, deux situations constitutionnelles catastrophiques dans un environnement social et psychologique absolument crisique, tout aussi catastrophique. Ainsi se poursuivrait, de concert coordonné, la similarité métahistorique de deux compères, la Grande Nation et la Grande République, qui ont figuré depuis le “déchaînement de la Matière”, à la fois la cause temporairement unificatrice et l’antagonisme irrésistible de ce déchaînement. »
... Tout cela pour en venir à Zemmour et introduire un texte d’un bon calibre à cet égard. Il s’agit d’une analyse de Rodolphe Cart dont l’intention est aisément comprise dans le titre (« Pourquoi il ne faut pas que Zemmour ait ses 500 signatures ») ; il s’agit du destin de Zemmour en fonction de son nécessaire “pass-électoral”, très difficile à obtenir ; bref, il s’agit de l’obtention des 500 signatures d’élus qui constitue, si vous voulez, une sorte de “passe-vaccinal” autorisant l’entrée dans la course à la présidentielle. L’époque est au “pass”. (“Pass” ou “passe” ? Tant pis pour tous et pour nous, l’époque est à l’orthographe inclusive-exclusive.)
Le texte (en deux parties réunies en un ci-dessous) a été publié les 24 janvier et 25 janvier successivement sur le site de la revue ‘éléments’. Il prend la même hypothèse que celle examinée ci-dessus, mais en la retournant : Zemmour doit absolument ne pas obtenir ses 500 signatures pour ne pas être, disons ‘souillé’ par une défaite probable, qui surtout ‘signerait’ (difficile d’éviter la tentation du jeu des mots) une participation au jeu truqué de l’élection présidentielle. Le développement est remarquablement structuré et argumenté, visant à donner comme conseil à Zemmour qu’en ne participant pas de cette façon, après avoir réuni une force politique significative, il constituerait un “recours” pour l’après-élection qui ne pourrait être marqué que par une catastrophe. Comme on voit, le langage est gaullien : “l’homme du recours” dans la tempête qu’aurait achevé de susciter un Macron-2.0... Car l’élément essentiel, qui va de soi, est bien sûr d’envisager
1) que Macron serait réélu, et
2) que cette réélection serait objectivement catastrophique dans ses effets sur la situation française.
Il est précisé avec force qu’il importe de laisser de côté les notions de droite et de gauche, la thèse de “l’homme du recours” impliquant un “rassemblement du peuple français” comme on disait en 1947, – tout cela, toujours très gaullien, on l’entend bien à l’oreille. Cette orientation, cette façon de tourner l’élection présidentielle devenue une sorte de forteresse du Système, est absolument la mienne comme on l’a vu ; et j’irais même plus loin selon mes conceptions, en acceptant effectivement un tel rôle hypothétique de Zemmour parce qu’il est celui qui, parmi les candidats d’importance, est le moins compromis avec les processus du Système, mais en faisant de lui un “instrument utile” du destin national et même du “destin civilisationnel”.
(Toujours cet argument actuel, je veux dire d’aujourd’hui comme vu plus haut, de considérer le destin de la France comme partie du destin de l’ensemble du bloc-BAO considéré comme le reste principal de ce qui fut la “civilisation occidentale” transformée en “civilisation catastrophique de la modernité”. Cet argument n’existait pas de façon aussi pressante et spectaculaire en 1947-58 [de Gaulle “l’homme du recours”])
Bien entendu, cette hypothèse reste tout à fait gaullienne. Ce qui fut souvent reproché à de Gaulle comme une extrême vanité, de se considérer comme “étant la France”, pouvait et peut aussi se voir comme une extrême humilité, – soit l’être de l’homme s’effaçant derrière, ou plus encore se fondant dans l’être supérieur, collectif, qu’est la France/la nation française, et assumant la tâche de parler pour cet être supérieur. On comprend que c’est une façon de voir qui repousse encore plus radicalement les colifichets démocratiques du type droite-gauche, extrême-modéré, etc. Cela me convient tout à fait et m’évite d’avoir à considérer les vains caquetages autour de Zemmour, de ses ambitions gaullistes, des sarcasmes méprisants-antifas et des terreurs du type ‘Bête immonde’, toute cette basse-cour qui ne m’est d’aucun intérêt ni ne me concerne en aucune façon, – PhG façon Ponce-Pilate, peu de goût pour aller « jouer avec cette poussière ».
Le texte est long, il vaut largement la lecture. (En plus, il a la vertu si rare de citer ‘notre’ Guglielmo Ferrero.) Ne craignez rien, il ne mord pas ce texte et, malgré ce que nous disent les bonnes langues du Camp du Bien, il n’est porteur d’aucun virus susceptible de transférer « ce mal qui répand la terreur » dans la chair tendre et l’esprit virginal de nos gentils et complètement inclusifs démocrates. Il nous change des envolées compassées et frétillantes à propos de nos pesantes “valeurs” sans aucun doute démocratiques et républicaines ; l’esprit s’aère et prend l’air...
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Le ticket à la grande parade présidentielle coûte cher. Certains s’en plaignent, et pas des moindres. En effet, depuis plusieurs semaines, quelques candidats parmi les plus sérieux – en l’occurrence Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen – se plaignent de rencontrer des difficultés dans la récolte des fameux sésames. De peur d’être mis sur le carreau de la bacchanale républicaine qu’est l’élection présidentielle, chacun à tour de rôle relève une « situation de blocage », un « bluff » ou une « galère » du système qui permettraient, selon eux, d’opérer une épuration injuste des candidatures « hors système ».
Si ces jérémiades semblent faire partie de la guignolade victimaire et habituelle des candidats de La France insoumise ou du Rassemblement national, la chose paraît moins feinte dans le cas du candidat de Reconquête qui pourrait, possiblement, ne pas récolter ses 500 signatures. Cependant, au lieu de voir dans cette situation un déni de démocratie, ne pourrions-nous pas apercevoir, dans ce camouflet, la lueur d’une formidable opportunité d’émergence d’une opposition au système en place qui dépasserait, de loin, une candidature qui semble perdue d’avance ? Et est-ce que la mise au ban du candidat Zemmour ne pourrait-elle pas dépasser, et même décupler, les effets d’une candidature de témoignage censée préparer le terrain pour 2027 ou 2032 ? Penchons-nous sur cette possibilité.
Pour bien comprendre l’enjeu de ce moment politique, il nous faut revenir sur quelques chiffres. D’abord, les dernières élections régionales ont marqué une nouvelle étape dans l’absentionnisme, déjà croissant d’année en d’année, avec 66,72 % d’abstention lors du premier tour. Nous avons même une pointe chez les jeunes de 18 à 24 ans à 87 % et à peu près équivalente chez les bas-revenus. Rappelons aussi qu’aux dernières législatives, le taux d’abstention atteignait déjà des records avec 51,3 % au premier tour, puis 57,36 % au second. La fracture entre le pouvoir politique et des citoyens ne se sentant plus représentés ne datent par conséquent pas d’hier. Autre chiffre parlant, les trois principaux candidats opposés au président sortant, ceux qui rencontrent des difficultés pour les parrainages, représentent près de la moitié des intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle actuelle. L’éviction de ces candidats pourrait donc renforcer cet écœurement légitime de l’opinion et porter, une fois de plus, un coup sérieux à cette pantomime qu’est la souveraineté populaire. Si même l’élection présidentielle voyait son taux de participation chuter en flèche, alors il est certain que l’empêchement et le refus de prise en compte de l’expression du peuple, consubstantiel au système actuel, seraient encore plus mis à jour et flagrants. La sous-représentation d’un bloc majoritaire et son effacement au moment de l’élection ne pourraient rester, encore longtemps, sans répercussions tangibles et sérieuses. Cet ersatz de démocratie fut déjà analysé par Christophe Guilluy lorsqu’il affirmait que « dans les stratégies électorales, les partis ne s’adressent plus qu’aux catégories supérieures et aux retraités ».
Cette négation de la dimension populaire ne date pas d’aujourd’hui. En réalité, la République française, et cela dès son départ, s’appliqua à nier la moindre réclamation allant à l’encontre des dessins des élites bourgeoises. Elle se constitua comme l’ennemi du populisme dès son premier souffle. L’exclusion du peuple fut entérinée par la Convention de 1792 lorsqu’elle se constitua sur un corps électoral vierge de toute souche « prolétarienne ». Marx l’avait déjà constaté lorsqu’il analysait que la classe révolutionnaire par excellence était la bourgeoisie. De sorte que la Révolution n’aura été l’affaire que d’une minorité dont le Parti socialiste et les Républicains, lorsqu’ils votèrent en 2016 ensemble la modification de la loi durcissant l’accès à l’élection présidentielle, sont les dignes héritiers, tout comme le gouvernement Jacques Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, le fut aussi lorsqu’en 1976, il ouvrit la voie de la publicité des soutiens et de l’augmentation des signatures exigées de 100 à 500. Les lois de la République, depuis 1792 et jusqu’à aujourd’hui, n’ont jamais été que les desiderata d’une minorité agissante. Et le système républicain une machine excellemment pensée et instituée pour qu’elle puisse, selon la phrase de Paul Valéry, « empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».
La souveraineté du peuple est donc limitée au jour du vote. Chose dont Rousseau dira, évoquant le peuple anglais : il « pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien ». La République n’a jamais défendu la souveraineté populaire. Bien au contraire, elle en a été plutôt le fossoyeur, lui préférant la souveraineté parlementaire dont Sieyès était le prophète. De ce point de vue, l’obstruction à la candidature d’Éric Zemmour, si elle devait s’avérer effective, ne ferait que raviver dans l’esprit des citoyens le souvenir d’un lien rompu depuis bien longtemps. Tant il est vrai que la scission des élites et du peuple n’a rien d’un phénomène nouveau, l’objectif premier des Républiques consistant à se perpétuer dans le sillage de cette démocratie libérale, trompeuse, oligarchique.
Seule peut-être la Ve du général de Gaulle, et uniquement à ses débuts (et non après ses nombreux travestissements constitutionnels), pourrait être considérée comme une rupture, en déphasage avec l’exclusion historique du peuple. L’élection présidentielle au suffrage universel pouvant alors être perçue comme la rencontre d’un homme et d’une majorité sous une forme plébiscitaire. Déjà à l’époque, les tenants du parlementarisme classique, les ancêtres de nos chers allergiques au peuple, percevaient cette onction du peuple comme la mort des libertés ou la possibilité de l’émergence de nouveaux Césars. Alors que quelques rares voix discordantes, comme celle de Maurice Duverger, y décelaient plutôt un ferment propice à la rénovation de nos institutions.
Or, nous constatons, et cela même sous l’ère du suffrage universel, que des procédures d’exclusion et de neutralisation perdurent, alors que le vote censitaire a disparu. L’augmentation du nombre de signatures et la publicité qui en est donnée l’attestent ; elles ne peuvent être comprises que comme des modifications des règles du jeu aptes à toujours favoriser l’oligarchie et les partis complices du système. Si les régimes précédents, comme le Directoire, se fondaient sur un suffrage censitaire qui perdurera tout au long du XIXe siècle en excluant les « classes dangereuses » ; de nos jours, la combinaison du scrutin majoritaire et de l’abstention reproduit, en réalité, une situation similaire à celle des méthodes antérieures d’exclusion. Seule l’élection présidentielle résiste à cette désaffection croissante et à cette situation. Mais jusqu’à quand ?
L’exclusion du candidat Zemmour pourrait bien être le point de bascule. Celui qui ferait de l’élection présidentielle, à partir de cet empêchement, une élection comme les autres, dès lors discréditée aux yeux des Français. Une élection réduite, au même titre que les scrutins intermédiaires, au rassemblement en petit comité des inclus, des habitants des métropoles mondialisées, des bourgeoisies de droite et de gauche, des retraités et des fonctionnaires reproduisant une élection censitaire de fait. Le rappel des chiffres de la dernière élection présidentielle, celle de 2017, sont éloquents. Macron fit 15 % au premier tour des inscrits, ce qui ne l’empêcha pas d’avoir la majorité absolue lors de l’élection législative qui suivit. Pendant ce temps, Le Pen, Mélenchon et Dupont-Aignan récoltaient 45 % des votants quand, aux législatives, l’addition des trois ne représentait que 4 % de la représentation nationale.
L’élection présidentielle, par son haut taux de participation, demeure le dernier rituel de légitimation républicaine. Mais force est de constater que même ce dernier artifice, déjà si précaire comme les chiffres l’attestent, peine à dissimuler une démocratie-témoin qui tient dans les mains d’un petit nombre. Cette dernière et si fragile cérémonie de légitimation subira peut-être bientôt le même destin que les autres élections marquées par le désintérêt, l’indifférence et la dévalorisation – et l’éviction de Zemmour en serait alors l’accélérateur final. Si cette pente devait être suivie, la dernière « charpente républicaine », celle qui tient encore l’édifice républicain de cette « démocratie Potemkine » selon la formule de Patrick Buisson, pourrait ainsi se fracturer définitivement et dévoiler, à la vue de tout monde, l’incroyable supercherie qu’elle cache toujours plus périlleusement. L’ultime parade de l’apparence légale, derrière laquelle la classe dirigeante se cache pour asseoir son pouvoir, disparaîtrait pareil à un voile qui se lève. Le peuple serait directement confronté à la situation d’une captation minutieusement cachée : celle à laquelle une minorité se livre dans le seul but de privatiser les instruments de l’État au détriment du bien commun.
L’échec d’Éric Zemmour à recueillir ses 500 signatures pourrait fournir cette dynamite capable de faire exploser ce dernier rempart qui fait obstacle à une confrontation ouverte entre le peuple et les élites républicaines. Une telle explosion, un tel dynamitage signifierait la libération du « souverain captif », à savoir la majorité du peuple français. L’illusion du vote, celui mis en place par la classe dirigeante pour se protéger de la tyrannie de la majorité de Tocqueville, volerait en éclat et supprimerait cette technique du miracle républicain dont Coleridge a pu dire qu’elle est « une suspension de l’incrédulité ». Nerf contre nerf, l’ère d’un basculement politique pourrait être, plausiblement, pris en compte comme une hypothèse sérieuse.
La classe dirigeante a très bien compris cette situation. Les évocations du vote obligatoire, de la prise en compte du vote blanc ou du rassemblement des scrutins nous démontrent que la minorité au pouvoir a bien saisi ce « coup de semonce ». Au-delà de ces différentes pistes, la voie qui semble avoir été prise est celle de la gestion de la peur. Si le peuple ne se sent pas représenté, il faut, afin de maintenir un sentiment de légitimité, au moins qu’il sente que le gouvernement actuel est le seul capable de le protéger. Qu’il tâche d’incarner le parti de l’Ordre.
Lors de la crise des Gilets jaunes, l’analogie entre Thiers et Macron fut particulièrement éclairante. À l’occasion d’une rencontre diplomatique organisée à Versailles, ce dernier n’hésita pas à prétendre que « Versailles, c’est là où la République s’était retranchée quand elle était menacée ». La République en revient donc à sa meilleure technique de gestion des crises qui repose sur la manipulation brutale du sentiment de la peur et l’envoi de la canonnière. Confronté à un bloc majoritaire reconnaissant de moins en moins la légitimité du pouvoir et face à des soulèvements sans précédent dans l’histoire récente, le pouvoir décida de miser sur la spéculation autour des peurs. Peur du retour de la peste brune, peur du populisme, peur du nationalisme, peur du souverainisme, peur de la crise économique, peur du racisme, peur de la pandémie, peur du réchauffement climatique, peur de l’islamisme, peur du repli sur soi… Or, jouer sur la peur pourrait bien s’avérer être une aventure risquée, qui pourrait, qui sait, se retourner contre le pouvoir lui-même. Avant, on proclamait qu’il ne fallait pas « désespérer Billancourt » ; la République actuelle, pour se maintenir, pourrait faire sien le slogan suivant : « Il faut terroriser la Métropole et écraser la Périphérie ».
Pour bien comprendre l’articulation, si difficile à saisir par bien des aspects, de la légitimité, entre le peuple et le gouvernement, il faut en appeler à un penseur italien, à cheval sur le XIXe et le XXe siècles, qu’est Guglielmo Ferrero. Pour lui, la légitimité du pouvoir politique ne tient que sur la peur réciproque, laquelle maintient une relation entre les gouvernants et les gouvernés. À évocation de cette idée du désir d’ordre dans une société, le penseur italien pouvait dire que « le pouvoir est à l’origine une défense contre les deux plus grandes frayeurs de l’humanité : l’anarchie et la guerre ». Mettant au centre de sa réflexion la notion de peur, il continuait en affirmant que « si les sujets ont toujours peur du Pouvoir auquel ils sont soumis, le Pouvoir a toujours peur des sujets auxquels il commande. […] Tous les Pouvoirs ont su et savent que la révolte est latente même dans l’obéissance la plus soumise, et qu’elle peut éclater un jour ou l’autre, sous l’action de circonstances imprévues. » De cette manière, il faut impérativement qu’il y ait un principe de légitimité reconnue entre les gouvernants et les gouvernés de sorte que « dans l’ordre politique, Caïn représente les hommes destinés à commander, Abel, ceux destinés à obéir ». Guglielmo Ferrero voyait quatre principes de légitimité pouvant opérer ce lien : principes héréditaire et aristo-oligarchique, puis le principe démocratique et le principe électif. Il aura cette belle formule sur la légitimité en disait qu’elle est ce qui « adoucit le pouvoir », ce qui établit le droit de commander et le devoir d’obéir.
Ces quatre principes de légitimité peuvent se combiner et nous donnent, dans le cas de la Ve République après son pourrissement commencé sous VGE et accentué sous Mitterrand, une République démocratique à élections oligarchiques. Non pas aristocratique dans le sens des « meilleurs » mais bien oligarchique, et c’est là que réside une part du problème, puisque l’élection ne se fait que sur un principe électif limité, ou oligarchique, dans la réalité des faits. Effectivement, l’élection ne se fait qu’au sein de la classe dirigeante elle-même, car comment ne pas voir dans les primaires une analogie avec les candidatures officielles du Second Empire sous Napoléon III. L’élection présidentielle et l’élection législative n’ont-elles pas été basées, pendant plus de 30 ans, sur l’opposition entre deux forces politiques hégémoniques qui choisissaient elles-mêmes les candidats éligibles au sein d’un même vivier excluant la quasi-totalité des autres acteurs de la politique. Cette procédure de re-légitimation ne prend pas appui sur le peuple. « République du centre », « UMPS », « cercle de la raison », « cordon sanitaire » ou encore « alternance unique » sont les différentes appellations d’un même phénomène dont Macron sera l’incarnation parfaite avec le rassemblement, dans le cas de son électorat, de la bourgeoise de droite et de gauche. Macron personnifia la nécessité de dévoiler une partie de cette supercherie qui tenait de moins en moins. Il cassa la surface et la forme en prétextant être l’homme en dehors de cette entente cordiale qui simulait une opposition ; le tout pour mieux continuer, sur le fond, une politique qui réunit encore les deux bords. Le ralliement, lors du deuxième tour face à Marine Le Pen, des deux anciens partis derrière Macron comme un seul homme, en scella l’évidence.
L’élection présidentielle est devenue un jeu en trompe-l’œil où le candidat du Système gagne à tous les coups contre le candidat hors-système. Même avec ses 500 signatures, Éric Zemmour, quand bien même il se hisserait au second tour, ne pourrait gagner l’élection suprême. L’État-Macron et ses appareils d’hégémonie – médiatiques, culturels, universitaires, etc. – lui livreraient une guerre à mort. Ce qu’ils commencent du reste à faire. À l’inverse, un empêchement d’Éric Zemmour mettrait à nu les fragilités d’un Système à bout de souffle qui, faute de pouvoir choisir les électeurs, en est réduit à trier les candidats. Dans l’épreuve, Zemmour gagnerait une stature d’homme du recours et rouvrirait l’horizon des possibles. Seconde partie d’un scénario de politique qui n’est pas que de fiction.
Sûrement l’élection de Macron, en 2017, était-elle déjà une défaite de l’oligarchie face au peuple puisqu’elle fit sauter un de ces remparts, dans son cas : celui de l’alternance fallacieuse des deux forces du centre, qui camouflait sa captation inique et privée du pouvoir. Ce n’est pas étonnant que le mandat de Macron marqua un durcissement de l’ensemble des politiques que l’UMP et le PS menaient de leur côté. L’emballement de la politique macroniste – autant par sa violence dans la répression que dans son empressement dans les réformes – fut le signe d’un affolement, d’une terreur et d’une acceptation à devoir jouer à visage découvert devant une situation dorénavant difficilement dissimulable.
La non-présence d’Éric Zemmour à la présidentielle pourrait être cette brèche qui ferait tomber le dernier mur ; celle qui ferait définitivement basculer la relation de peur pour la projeter entièrement vers le gouvernement et la soustrayant au peuple, semblable au retournement de la relation entre le maître et l’esclave chez Hegel. Si une pareille rupture dans l’équilibre des peurs réciproques se produisait, alors nous serions à l’aube d’un cataclysme politique certain. Et il se pourrait, que cette fois-ci, Macron utilise vraiment cet hélicoptère qui était censé le mettre en sécurité lors des événements des Gilets jaunes.
Une chose est à noter : le système se défend bien et avec hargne. S’il est vrai que nous sommes en train de gagner le combat culturel, n’enterrons pas tout de suite un ennemi que l’on a tendance à parfois trop sous-estimer. Le système des démocraties libérales ne réside pas en la prépotence d’un État totalitaire comme le XXe siècle put nous en donner l’exemple. Au-delà de la forme traditionnelle que l’on peut lui connaître par ses attributs de puissances publiques (comme ceux du judiciaire, de l’administratif ou encore du maintien de l’ordre), sa force réside aussi dans sa « deuxième peau » qui regroupe les institutions qui cadenassent la société civile par leurs diverses emprises. Intellectuels organiques, médias, associations, monde universitaire ou encore l’ensemble des divers appareils politico-culturels encadrant les agents de la société civile avec une puissance de feu redoutable.
On sait que Carl Schmitt reprocha à Hobbes d’avoir symbolisé l’État par la figure du Léviathan, monstre biblique marin, alors que l’appellation Béhémoth, monstre terrien, lui aurait mieux correspondu. Suivant cette remarque, si l’État « dur » et légal pourrait s’apparenter à cet État-Béhémoth, cette doublure de l’État « liquide » qui contrôlerait insidieusement la société civile pourrait être appeler État-Léviathan. Si la résistance à l’État-Béhémoth est rendue plus facile puisque celui-ci tient en des lieux précis, dans des autorités reconnaissables et par des actions identifiables ; la tentative de circonscrire les acteurs de l’État-Léviathan est rendue beaucoup plus difficile puisque l’ensemble des caractéristiques évoquées pour l’État-Béhémoth ne tiennent pas pour lui. Opacité, réseaux, groupes de pression ou d’influence, menace et même mise à mort sociale ou économique ; cette « viscosité », selon le mot de Sartre, de la société civile démontre qu’en plus du solide de l’État-Béhémoth, la démocratie libérale se protège aussi par des manières détournées lui permettant de contenir en amont la moindre contestation.
Voilà pourquoi on peut penser, raisonnablement, que l’accession au pouvoir d’un homme comme Éric Zemmour sera extrêmement compliquée par la voie « royale », à tout le moins normale. Le véritable coup d’État judicaire auquel se heurta Fillion en est une parfaite démonstration. Ce n’est pas la simple conquête de l’État qui est à faire, mais bien aussi la victoire contre un État-Léviathan entièrement dévoué à la protection de sa chasse-gardée constituée des différents appareils hégémoniques du pouvoir.
À ce niveau, il faut faire intervenir un autre penseur italien qu’est Antonio Gramsci. Esprit particulièrement incisif sur l’État, le penseur appela la constitution de cette union – celle qui est politique, culturelle, économique et juridique – entre les deux « États » et à laquelle il donna le nom de « bloc historique ». Gramsci nous en donne ensuite sa définition : « État = société politique + société civile, c’est-à-dire une hégémonie de coercition ». Le penseur italien avait parfaitement saisi cette doublure, déjà présente à son époque, même si quelques différences sont à relever. Si Gramsci nous parle de « fortifications » ou de « casemates » pour permettre cette défense de l’État, la protection actuelle semble avoir subi une transformation élémentaire du solide au liquide. C’est pour cela que François Bousquet, dans son livre Courage ! Manuel de guérilla culturelle, en conclut que les coups d’État bolchevique ou mussolinien, dont la technique fut décortiquée par Malaparte, sont dépassés. Cette transformation est d’autant plus redoutable qu’elle rend quasiment inopérant, et aussi vraisemblablement impossible, d’autres coups d’État, à l’ancienne, comme la grève, la prise des usines – la désindustrialisation est passée par là – ou encore le renversement direct des gouvernements par la force du type 18 Brumaire.
La prise du pouvoir par l’élection présidentielle demeure, au vu de la puissance encore certaine de l’État-Léviathan, une chimère dont nous devrons contourner les obstacles encore insurmontables. Nous pouvons imaginer, et avec une assez grande précision, quels orages se soulèveraient et quels torrents de boue se déverseraient si un candidat comme Zemmour devait accéder au deuxième tour. L’État-Léviathan entrerait aussitôt en convulsion comme un poisson ridicule et frétillant sorti de l’eau. Le précédent Jean-Marie Le Pen, en 2002, doit nous servir de leçon. Zemmour finaliste, l’Armada de l’État-Léviathan se mettrait en branle pour mener une guerre totale contre un homme pouvant remettre en cause son hégémonie. Tous les spectres de la peur seraient agités dans un immense tohu-bohu destiné à conjurer le retour de la « bête immonde ».
Étant toujours dans une position d’infériorité et d’asymétrie, la défaite serait assurée au soir du second tour. Nonobstant les diverses victoires dans les médias, pour la plupart éparses (on pense néanmoins à CNews ou à Bolloré), mais aussi dans l’opinion publique (en témoignent les sondages allant dans le sens de nos combats et marquant une prise de conscience des enjeux décisifs comme celui de l’immigration ou de la souveraineté), il n’en demeure pas moins que la guerre culturelle est loin d’être gagnée, sans même évoquer la guerre institutionnelle – celle de la prise des lieux importants et officiels de pouvoir et d’influence.
Devant ce constat, François Bousquet propose que le combat soit mené selon une perspective de guérilla. S’il y a actuellement une guerre entre un faible et un fort, nous sommes encore le faible, que nous le voulions ou non. L’incroyable dynamique de Zemmour peut nous apparaître comme une belle promesse pour la cause nationale ; toutefois, notre cheval de bataille – la cause nationale – et nos idées, même si elles progressent, restent dans une position en retrait, évoluant en parallèle du système dominant, sinon même en dissidence. Nous ne faisons pas encore le poids ; et une guerre régulière ou conventionnelle engendrerait nécessairement notre défaite. L’élection présidentielle, qui est une opposition directe, se fait sur le terrain de l’adversaire et donc à notre complet désavantage. Prendre part aux règles de l’élection présidentielle reviendrait à accepter les règles du jeu de l’adversaire qui sont entièrement tournées à son avantage.
Devant ce constat du déséquilibre des forces entre nous et nos adversaires, faisons sortir notre dernier as, ou plutôt italien, caché dans notre manche qui est Machiavel. Nous venons de le voir : l’opposition directe ou solide, celle de l’élection présidentielle, compromet nos plans et annonce une défaite inéluctable. Le penseur florentin parlerait à cet endroit de duel de lion contre lion puisqu’il disait : « Le lion en effet ne se défend pas des pièges, le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour connaître les pièges et lion pour effrayer les loups ». Pour l’instant, Zemmour fait une campagne de lion. Imposant ses thèmes privilégiés au cœur de la course présidentielle et faisant sauter des lignes longtemps « sacrées » et « intouchables » dans le débat public, le combat mené par le lion Zemmour force l’admiration.
Sur le terrain de l’adversaire, il sait se montrer conquérant pour nous faire gagner de précieuses batailles idéologiques. Patrick Buisson avait dit de Sarkozy qu’il avait au moins le mérite d’avoir fait gagner cinq ans à « la cause du peuple ». Sans même être président, Zemmour en a déjà fait autant, voire plus. Cependant, il est peut-être temps de se faire renard. De quitter la force d’un Achille, ponctuellement, et de faire sienne la rouerie d’un Ulysse. Si Zemmour gagne en ce moment bataille sur bataille, il se peut qu’à l’approche de la Citadelle, quand viendra la bataille finale – l’opposition frontale au système lors de l’élection présidentielle –, il doive, lui aussi, faire face à son Général hiver qui déjouera sa dynamique. La stratégie du choc a ses limites ; et la prochaine étape, une éventuelle place au second tour, pourrait marquer son arrêt brutal. Peut-être alors serait-il plus judicieux de faire semblant de se retirer, de passer à une stratégie de l’évitement qui lui permettrait de revenir encore plus fort. Et c’est là qu’apparaît la chevelure à saisir, celle du Kairos (car on saisit l’occasion aux cheveux, opportunément) : son incapacité à récolter les 500 signatures.
À la croisée des chemins comme il aime lui-même le dire de la France, deux options s’offrent à Zemmour. Soit il se fait le condottiere du « rassemblement des droites », glorieux et magnifique peut-être, mais dans une partie d’échec truquée d’avance. Alors possiblement arrivé au second tour – ce qui n’est même pas certain dans l’absolu –, il perdrait devant un adversaire encore trop fort qui ferait de lui sa caution « fasciste » et « brune » permettant à cette République de se maintenir en agitant son diable de carnaval – en l’occurrence Zemmour. Soit il devient un Prince selon la perception de Machiavel, ce qui signifierait l’incarnation d’un nouveau mythe politique. Ainsi bien que momentanément perdant, exclu de la course présidentielle faute des 500 signatures, il deviendrait, mécaniquement et pour toutes les raisons évoquées, le personnage central d’un mouvement de contestation du système qui porterait avec lui une capacité future de renversement politique éminemment plus conséquente.
Au lieu de s’incarner dans un projet d’alternance gauche-droite ou progressiste-conservateur, Zemmour deviendrait ainsi l’incarnation d’une volonté collective beaucoup plus large. N’étant plus assigné au seul antagonisme horizontal gauche-droite, il pourrait ouvrir une nouvelle dimension à sa substance politique, en l’inscrivant dans l’axe vertical haut-bas, ou bloc élitaire et bloc populiste selon l’image de Jérôme Sainte-Marie. En en finissant avec la division euclidienne des petits personnages politiques, Zemmour aurait alors la possibilité d’entrer dans la cour des grands hommes politiques qui peuvent se réclamer, comme le général de Gaulle, de cette dimension « hors parti », en renouant avec les formes mythiques d’une pulsion nationale ou de l’incarnation de la conscience politique, privilège de quelques hommes.
La balle est dans votre camp, monsieur Zemmour, et la chevelure du Kairos s’entremêle autour de vos doigts. À vous de la saisir ou de la laisser filer…
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