Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Janvier 2018 (11 articles)
25 janvier 2018 – D’abord, l’émission de LCI portait le titre de « Davos : Macron altermondialiste ? ». Léger frisson pour l’âme poétique que je suis, comme effleurée par l’audace du langage, tandis que le point d’interrogation danse ironiquement devant mes yeux, exactement comme ferait un clin d’œil. Il fallait bien ce cadre sérieux d’une émission de télévision, de ces commentateurs-discoureurs aux avis bariolés car l’on se disputa ferme, pour affuter mon intérêt et me faire prendre conscience que le système de la communication est en train de répercuter une alarme générale dans le contingent des Masters of the Universe rassemblés dans les neiges d’antan.
...Par ailleurs, ils commencent l’émission, – plutôt la sympathique-sévère dame patronnesse Arlette Chabot commence l’émission par deux extraits de deux présidents français successifs, Sarko et Hollande, lors de Davos passés, disant à peu près exactement ce que Macron va nous dire, – à peu près, dis-je, c’est-à-dire en un peu plus soft : “Si vous voulez que la mondialisation (*) soit imposée sans trop de remous, vous devez vous arranger pour ne pas nous fabriquer des inégalités aussi terribles”. Il est vrai que Macron est plus précis, et alors il y a un instant de vérité, – un instant n’est-ce pas, pas un moment...
(Suite)
24 janvier 2018 – Il s’agit d’une phase particulièrement remarquable du “tourbillon crisique”. On observe la réactivation parallèle dans un nouveau paroxysme commun de deux centres crisiques essentiels, comme si deux volcans qui semblaient dans une phase d’accalmie relative se réveillaient parallèlement dans deux brutales éruptions :
• d’une part, la situation syrienne, avec l’opération turque lancée contre les Kurdes qui sont largement soutenus par les USA embarqués dans un effet-domino de trahisons multiples, dans ce qu’on pourrait qualifier de “complot” américaniste pour une partition d’une bande de territoire syrien avec une “armée” de 30 000 hommes qui ressemblerait à une recomposition d’une sorte de Daesh-2, tout cela avec un avenir hautement fantaisiste et incertain, mais aussi de nouveaux désastres (US) à venir ;
• d’autre part, la communication d’un mémorandum aux parlementaires de la Chambre des Représentants, mettant en évidence ce qu’on pourrait désigner comme un “complot” impliquant notamment le FBI et le département de la justice rassemblés dans ce qui est désigné comme une “société secrète” contre le candidat devenu président Donald Trump.
C’est bien un signe de “tourbillon crisique” dans une dynamique de surpuissance inédite qu’on distingue dans l’emploi actif et très exposé de la technique dite du “complotisme”, très déstabilisatrice quand elle est à ciel ouvert. Dans ce cas, le “complotisme” devient, dans le rapport qu’en fait la communication-Système, sinon vertueux dans tous les cas innocent par rapport aux anathèmes déversés depuis l’attaque du 11 septembre contre les hypothèses “complotistes” venues d’adversaires du Système. La simultanéité des deux éruptions alimentées par des démarches aussi risquées et suspectes témoignant du désordre et de la perversion extraordinaires du Système, signale une pression grandissante et formidable des événements. Il apparaît ainsi manifeste que leur fonction est orientée vers l’accélération de l’effondrement du Système.
A côté des conseils de retenue et de prudence à tous, les Russes ont désigné un seul coupable en Syrie : les USA, qui ont armé les Kurdes et les autres (djihadistes, ex-Daesh, etc.). Les thèses sont nombreuses pour faire porter la responsabilité de cet aventurisme sur la dislocation du pouvoir de l’américanisme, son éparpillement dans des centres devenues incontrôlables. Le constat nous renvoie bien entendu à la recrudescence de la crise washingtonienne, qui dépend des mêmes impulsions de désordre. L’effet est similaire, à la fois tourbillonnaire et autodestructeur, du tourbillon dévorant ses propres enfants comme le Cronos du mythe ou la Révolution française vue par Joseph de Maistre.
Le moteur est essentiellement psychologique, avec une domination écrasante de la maniaquerie obsessionnelle dans la pathologie maniaco-dépressive qui caractérise “D.C.-la-folle”, qui se manifeste en tout ou en partie, quelle que soit l’orientation de telle ou telle partie. Les deux tourbillons évoluent selon les normes de la chose : la “politique” est caractérisée par l’obsession, que l’on retrouve dans les deux épisodes, — et qui vaudrait dans n'importe quel autre (Poutine, Kim, etc.) car l'objet de l'obsession est interchangeable.
Dans le cas syrien, c’est l’obsession anti-Assad qu’aucune explication rationnelle ne parvient évidemment à éclairer (voir Philip Geraldi, « Détruire la Syrie : pourquoi Washington hait-il Assad ? » : « Les États-Unis n'ont pas de politique cohérente, ni d'intérêt national à rester en Syrie, mais les étranges alignements politiques qui semblent se dérouler dans et autour du Bureau ovale ont suscité le désir de détruire un pays et des peuples qui ne menacent en rien les Etats Unis. »). Dans le cas washingtonien, ce sont les comportements complètement illégaux explicables par la seule obsession maniaque anti-Trump, d’ailleurs constamment excitée par la maniaquerie narcissique du président qui permet d’obtenir un schéma pathologique complètement fermé, quasiment parfait (voir cette citation de Justin Raimondo où notre souligné en gras dit l’essentiel : « Quand cette crise sera terminée, – si jamais elle se termine, – le Congrès devra rassembler tout son courage et examiner exactement ce qui s’est passé. Nous avons besoin d’un nouveau Comité Church pour reprendre le contrôle du FBI et de la CIA – et des 16 autres agences de renseignement que nous persistons inexplicablement à entretenir »).
Dans les deux cas, la maniaquerie obsessionnelle entretient des politiques tourbillonnaires, tournant sur elles-mêmes avec des objectifs que ce mouvement renforce au lieu de les réduire. Le résultat est une dynamique crisique constante, le tourbillon crisique générant constamment des relances de crises de plus en plus complexes et hermétiques, donc par définition insolubles. Ce qu’on doit observer avec intérêt, c’est l’usure accéléré du Système dans ce processus, accélérant par conséquent le processus d’effondrement.
23 janvier 2018 – On ne cesse de relever ce trait du caractère extraordinaire de la conduite et de l’orientation de la politique extérieure des USA. La tirade shakespearienne lui va parfaitement si, au contraire de Macbeth, elle est complétée par une assurance extraordinaire, je dirais quasi-inconsciente sinon totalement inconsciente, que malgré cette description cette politique est juste et bonne... Voici : remplacez “life” par “politique étrangère US“, par “comportement US”, par “USA today” en général, et vous avez une image de la situation générale de la dynamique politique que produisent les USA aujourd’hui.
« Life’s but a walking shadow ; a poor player,
» That struts and frets his hour upon the stage,
» And then is heard no more : it is a tale
» Told by an idiot, full of sound and fury,
» Signifying nothing. » (*)
Le constat devient une habitude, notamment et surtout chez les Russes. Il fallait voir et entendre Lavrov, dimanche dernier, parlant de la politique US en Syrie (soutien massif en armements avancés aux Kurdes, formation d’une “armée” de 30 000 hommes dans une sorte d’enclave kurdo-machinchouette et Daesh recyclé à la frontière syrienne de la Turquie) ; cette politique ayant brutalement déclenché une aggravation de la situation en Syrie avec l’invasion turque (opération “Olive Branch”), Lavrov remarque de sa voix de basse : « Ou bien ils ne comprennent rien à la situation, ou bien ils ont une politique de provocation délibérée. ».
(Suite)
20 janvier 2018 – Deux hommes, dans une similitude chronologique qui a valeur de symbole, sont entrés dans une phase délicate de leur existence à cause de la maladie. On savait depuis un certain temps que Justin Raimondo était malade, par l’une ou l’autre interruption dans ses colonnes, une indication ou l’autre de lui ; on sait maintenant qu’il est entré dans une phase cruciale de sa bataille contre le cancer. (Voir son dernier article, raccourci par rapport à ses habitudes : « My apologies for the abbreviated column, but this is being written on the fly as I get ready to travel to San Francisco to receive my fifth infusion of the anti-cancer drugs Keytruda and Alimta. I have to say I’m feeling a lot better since the treatments started, but I still have a ways to go: I’ll keep you posted. »)
L’accident arrivé à Robert Parry est plus inattendu. Il s’agit d’une attaque cardiaque qui semble avoir affecté ses capacités visuelles, et donc ses capacités de lecture et par conséquent d’écriture. Depuis le 28 décembre 2017, l’article où il annonçait son accident, Parry n’a plus rien écrit (un article de lui a été publié, mais c’est une reprise de 2010). Parry écrivait ce 28 décembre :
(Suite)
11 janvier 2018 – Tout honnête homme et tout homme curieux connaissent et ont à l’esprit, parfaitement dessinées grâce au prodigieux talent du trait et du détail, les peintures de Dali baignées de leur prodigieuse envolée ésotéique. Je veux surtout parler de cette mollesse élastique, de cette dilution des formes permettant les transformations les plus audacieuses et si ésotériques, de cette exceptionnelle description de la nature déstructurée du monde de la modernité, comme l’est déjà son époque... Les fameuses montres molles de Dali décrivent assez bien l’état informe et gluant en quoi se sont transformés le Temps et avec lui l’histoire et les événements. (Voir notamment La persistance de la mémoire et La désintégration de la persistance de la mémoire.)
Œuvre prémonitoire, en fait, et rien de moins après tout...
(Suite)
08 janvier 2018 – Ce n’est qu’un petit potin, après tout mais il est vrai qu’ici ou là, dans la presse-antiSystème, on en fait des gorges chaudes. J’ignore qui est tombé dessus le premier parmi les malfaisants de l’antiSystème ; à ma connaissance, et sous toute réserve par conséquent, le premier à avoir écrit à ce propos c’est Bryan MacDonald sur le réseau officiel FakeNews & Co, je veux dire RT qui est l’objet de toutes les adorations secrètes de notre-Macron. Il s’agit d’une annonce très sérieuse et détaillée du Wall Street Journal (WSJ pour les amis), sur le site du Dow Jones, concernant les offres d’emploi. Le WSJ cherche un chef de bureau pour le journal à Moscou, et il détaille le profil de la personne recherchée.
Je ne vais pas trop m’attarder sur les six paragraphes de l’annonce pour en rester à un condensé, qui a été répandu, de Max Blumenthal de Alternet.org à Tyler Durden de ZeroHedge.com, mobilisé sans ménagement par Russia Insider. Je donne quelques mots ici et là, qui résume le profil de WSJ, c’est-à-dire les qualités professionnelles, psychologiques et intellectuelles que ce grand quotidien new-yorkais, connu pour sa haute qualité professionnelle, requiert chez le candidat.
(Suite)
06 janvier 2018 – Le secrétaire à la défense Mattis, Général à la retraite du Corps des Marines, a été interrogé sur la bonne marche du Pentagone et sur les perspectives de 2018 par les journalistes accrédités qu’il recevait pour ses vœux de nouvelle année. Benny Johnson, du Daily Caller, rapporte le 5 janvier ce qui devrait devenir une citation classique dans le florilège du Pentagone...
Si l’on veut bien me donner une certaine licence et me passer la traduction de “concern,” par “problème” plutôt que par “préoccupation” pour donner du rythme à la formule, cela donne ceci que l’on pourrait baptiser “Doctrine Mattis” : “Je n’ai pas de problèmes, j’en crée”. « Defense Secretary Jim Mattis talked to reporters at the Pentagon this afternoon. Asked what is his biggest military concern in 2018, he responded : “I don’t have concerne, I create them.” »
(Suite)
5 janvier 2019 – L’on sait l’importance qu’on accorde ici, à dedefensa.org, et moi-même sans aucun doute et avec une insistance extrême, à la communication sous sa forme la plus large du “système de la communication”. (Voir le plus récemment sur cette question, le Glossaire.dde sur Notre-Méthodologie.) Un ensemble de facteurs, des événements très significatifs, une évolution structurelle depuis l’apparition notamment du concept de déterminisme-narrativiste, conduisent à proposer un nouveau concept général sous forme de doctrine qui ferait le pendant du technologisme.
(Technologisme bien entendu pour la technologie, l’une des deux forces principales avec la communication constitutives de la puissance aujourd’hui. Donc technologisme et communicationnisme [je préempte], côte-à-côte ou bien plutôt face à face, c’est selon.)
Je propose d’adopter le mot, déjà existant, de “communicationnisme”, sous l’éventuelle réserve d’en trouver un plus satisfaisant pour définir le seul sens que je veux lui donner ici. Cette page du Journal dde-crisis est une esquisse, un banc d’essai, pour une idée recouvrant une situation évidente, qui sera très certainement développée ; le développement du concept et de l’idée éclairera la situation et fera sans doute apparaître des dimensions cachées.
(Suite)
05 janvier 2017 – Il me suffirait de rappeler quelques mots de notre commentaire introduisant le plus récent des textes de Dimitri Orlov repris sur ce site, pour résumer ce qu’il nous et me semble parfaitement justifié d’observer pour avoir une bonne appréciation du personnage :
« L’intérêt des chroniques de Dimitri Orlov, c’est qu’elles sont en général dominées et conduites par un jugement central qui est celui de l’effondrement du Système (voir son livre sur le sujet, bien entendu) ... [...] [U]n homme bien de son temps dans le bon sens, Orlov, pour pouvoir observer son temps complètement de l'en-dehors, à distance de sécurité contre l'infection et avec l’ironie qu’il faut, avec l’indépendance qui importe pour nous donner la mesure de l’insanité de la liberté à laquelle les zombies-Système s’affirment attachés avec passion. »
Cette entrée en matière permet d’aller directement, tout en la justifiant du point de vue de la qualité de la réflexion, à l’initiative que je présente ici à nos lecteurs : l’ouverture d’une nouvelle rubrique dans dedefensa.org, baptisée “Le Monde d’Orlov”, et reprenant les textes que cet éminent “collapsologue” fait paraître sur son site “Club Orlov”. Effectivement, l’homme est le créateur ironique et avisé d’une “science” que nous qualifions de “science de circonstance”, voire “de circonstance urgente”, qui est la “collapsologie” à partir du terme “collapsus” (participe passé du verbe latin collabï, ‘tomber ensemble“, “s’effondrer”). Cette idée de l’effondrement est au centre, au cœur de la pensée d’Orlov ; c’est dire si son travail a sa place dans nos colonnes, dans ce site si friand de concepts qui décrivent les circonstances de cette époque sans équivalent, jusqu’à la GCES (“Grande Crise d’Effondrement du Système”). Il y a là une ligne centrale commune, qui structure le jugement en renforce la psychologie et sa perception.
(Suite)
04 janvier 2018 – Quoi qu’on pense de The-Donald et de ses adversaires à “D.C.-la-folle”, respectivement soi-disant American-Firster et soi-disant globalistes milliardaires et progressistes-sociétaux, nul ne repoussera l’idée qu’ils font partie des “Maîtres du Monde” (Masters of the Universe). Cela me paraît une appréciation justifiée, sur la base de laquelle je commence cette chronique.
Voyons les évènements qui vont étayer mon propos assez paradoxal, puisque c’est d’une certaine façon un propos sur le vide de Nos-Temps-Derniers lorsqu’ils sont laissés aux seuls sapiens-lilliputiens. Le premier est que Steve Bannon, le fils préféré de The-Donald, l’indispensable artisan de son élection, le cerveau diabolique et révolutionnaire-populiste que toute la gauche progressiste-sociétale désignait comme le diable et l’éminence grise-foncée du monstre, pourtant virée de la Maison-Blanche avec un camion de fleurs d’amitié et d’amour par le POTUS en août dernier, Bannon donc a tapé nucléaire (“goes nuclear”) contre le Président. Dans un livre (Fire and Fury) consacré à l’aventure Trump-POTUS à paraître la semaine prochaine, et dont quelques extraits sont parvenus au Guardian, Bannon est cité qualifiant le fils et (surtout) le beau-fils (Kushner) du POTUS de “traîtres”, d’“anti-patriotes”, etc., pour avoir reçu l’avocate russe Natalia Veselnitskaya dans la Trump Tower durant la campagne électorale. Tout le monde le savait et jugeait qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat mais, soudain, Bannon prend la mouche et juge la chose catastrophique et inacceptable. Quelle mouche a donc piqué Bannon ? Peut-être le poison de l’amertume et du ressentiment, jusqu’à se laisser emporter à dire ce qu’il pense en vérité, car tout le monde sait ce qu’il pense à ce propos, notamment le sentiment furieusement hostile qu’il entretient à l’encontre du gendre Kushner du Président.
(Suite)
Parlons de l’exemple qui a suscité l’idée du propos général. Il s’agit d’une interview très récente de Ron Paul au Washington Examiner, quotidien qui n’est certainement ni dissident ni antiSystème, le 26 décembre 2017 ; et Paul de dire sans ambages, répondant à une question sur l’état de la nation, des USA : « Nous sommes tout proches de quelque chose qui ressemble à ce qui est arrivé en 1989 lorsque le système soviétique s’est effondré. J’espère seulement que notre système se désintégrera avec aussi peu de dégâts que le système soviétique. »
Réponse aimable (“gracefuly” pour “aussi peu de dégâts”, ce qui vous a un petit air effectivement gracieux) ; mais réponse sans aucun doute tranchante et catastrophiste, qui mérite une attention disons métahistorique. Par ailleurs, l’avis de Ron Paul se retrouve chez nombre de commentateurs de qualité, dans le camp antiSystème veux-je dire, souvent par des voies différentes et selon des logiques spécifiques. Malgré sa répétition, cet avis garde son aspect sensationnel et dramatique, – peut-être même, à cause de la répétition... Au contraire d’une répétition par imitation et goût du sensationnalisme et de la dramatisation gratuites, on la perçoit d’une façon radicalement différente, comme un sentiment commun, voire une intuition partagée ; la répétition devient alors comme une marée qui monte, comme une évidence qui grandit irrésistiblement...
(Suite)