Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Janvier 2023 (9 articles)
31 janvier 2023 (07H00) – J’avoue platement avoir complètement raté l’histoire du siècle, je veux dire “de la semaine dernière”, avec mercredi l’interview de Blinken par l’ami Ignatius (du ‘Post’, entre amis), suivi par l’audition de l’impressionnante Victoria Nuland, en pleine santé et adjointe du précédent, jeudi devant la Commission des Relations Extérieures du Sénat. John Helmer, qui s’amuse bien en ce moment en “dansant avec les ours” (‘DancewithBears.com’), rapporte ces deux interventions qui se sont magnifiquement télescopées, selon une parfaite coordination psycho-technologique, comme l’on danse le tango sur le rythme de la java chaloupée au rythme de la valse.
Je lui laisse la parole tandis que Mercouris rapporte l’aventure entre divers éclats de rire (fin de la vidéo du 27 janvier) :
« Depuis que James Forrestal a sauté du seizième étage d'un hôpital de la marine américaine en 1949, aucun secrétaire de cabinet américain n'a présenté autant de symptômes psychopathologiques qu'Antony Blinken, l'actuel secrétaire d'État. L'annonce faite par Blinken cette semaine sur les conditions de la fin de la guerre en Ukraine peut-elle être crue dans une clinique psychiatrique militaire américaine, et encore plus au Kremlin à Moscou ?
» Et que peut-on croire lorsque, le lendemain des remarques de Blinken, Victoria Nuland, la sous-secrétaire d'État la plus psychopathologique de l'histoire de la fonction, a annoncé à la commission des affaires étrangères du Sénat qu'elle et Blinken sont prêts “dans le contexte de la décision de la Russie de négocier sérieusement, de retirer ses troupes d'Ukraine et de restituer des territoires [qu’elle occupe]”, [à soutenir l’assouplissement des sanctions].
» Ce que Nuland entendait par l'Ukraine et les territoires “à restituer”, Blinken l'avait détaillé la veille [dans sa proposition]. La Crimée, Zaporozhye et “le pont terrestre qui relie la Crimée et la Russie”, c'est-à-dire Kherson, Donetsk et Lugansk, resteront russes et ne seront ni négociés ni “restitués” car, selon Blinken, “un assaut contre la Crimée serait un déclencheur d'escalade nucléaire”. »
(Suite)
28 janvier 2023 (19H00) – Qui ne ses souvient du tonnerre que causa, en 1989-1991, une conférence transformée en l’article, et l’article transformé en livre, tout cela sous le titre de ‘La fin de l’histoire’ ? L’auteur était un fonctionnaire du département d’État, Francis Fukuyama, d’origine Asian-American (oui pour la diversité). L’idée était que la démocratie libérale américaniste l’avait emporté et régnait désormais sur le monde jusqu’à la fin des Temps ; d’où ‘The End of History’, – capito ?
On batailla ferme là-dessus et, dès1990 et la crise de l’ex-Yougoslavie, on commença à ricaner. Moi-même, comme d’habitude du camp des réfractaires et des dissidents... Mais voici que, trente ans plus tard, me vint une idée ; je parle d’il y a quelques heures, une idée comme ça, que je sentais venir sans lui donner forme... Les mots aident, ils ont leur propre force, leur propre sens, vous les dites ou vous les entendez en croyant les maîtriser mais ils reviennent, disons “par la fenêtre”, vous chuchotant quelque chose d’inattendue...
C’est en relisant ce passage du texte d’hier de la rubrique du ‘Jourbal-dde.crisis’ que m’est venue cette idée baroque : “Mais la voilà, ‘la fin de l’histoire’ !”, – mais pas du tout, mais alors PAS-DU-TOUT dans le sens bien lissé du State Department...
(Suite)
27 janvier 2023 (18H10) – Ainsi, les deux dernières semaines ont été animées par la débat sur les chars à livrer aux Ukrainiens, comme s’il s’agissait de quelque(s) mystérieuse(s) arme(s) absolue(s) venue(s) de la volonté des dieux – puisque les dieux sont du côté de Zelenski-Saint. Ne comptez pas sur moi pour y prendre part et vous dire mes positions de non-spécialistes des chars. Ce que j’ai remarqué, c’est la même réaction chez tous les gens que j’estime être du même côté que celui où je suis, qui est de dire que ces chars ne sont pas d’une catégorie divine au-dessus du lot, qu’un char démocratique occidental brûle aussi bien qu’un char autocratique poutinien, qu’il faut du temps pour savoir s’en servir, qu’en donner comme çà quelques pincées de-ci de-là c’est se ficher du monde, prendre une pellicule hollywoodienne pour une leçon de l’“art opératoire” dans la guerre.
Bref, on laisse le concours des chars de côté en n’attendant rien de son résultat, pas plus qu’il n’y en eut des livraisons de machines présentées avec emphase et lyrisme, pour chacune d’elle, comme le nouveau ‘game-changer’ du conflit, évidemment destiné à pulvériser les Russes, – les ‘Leopard’-‘Challenger’-‘Abrams’ après l’antichar ‘Javelin’, le HIMARS, etc. Éventuellement on s’intéresse, – mais juste en passant, – à la question de savoir pourquoi livrer ces chars dont on sait qu’ils n’auront aucun effet décisif, et surtout qu’ils ne seront vraiment opérationnels d’une façon organisée et efficaces, si les Russes ne les détruisent pas avant, que dans neuf mois, un an, et même plus sans doute et même certainement. Ici, et pour illustration, une hypothèse de mon duo préféré Christoforou-Mercouris, sur lequel je reviendrai :
« Alors, on en revient à la question initiale : pourquoi livrer ces chars à l’Ukraine ? Alex Christoforou et moi-même avons eu une longue discussion dans une de nos précédentes vidéos, au cours de laquelle nous avons évoqué la possibilité que tous ces chars soient regroupés en Pologne et, lorsque l’armée ukrainienne se serait effondrée, ils seraient intégrés dans la force expéditionnaire polonaise qui est en train de se former pour occuper l’Ukraine occidentale et je dois dire que cela m paraît être de plus en plus une possibilité crédible... »
Vous voyez, on est déjà dans le folklore des épisodes inédits. On est même dans l’avenir, dans le post-‘Ukrisis’, lorsque Mercouris mentionne la suggestion de John Helmer (venue de sources US et à laquelle lui-même, Helmer, ne croit guère) que la livraison de chars ‘Abrams’ serait essentiellement l’amorce d’une future armée ukrainienne de temps de paix, mais suffisamment forte face à la Russie, et surtout superbement dotée de machines dont la vertus se mesure en dollars :
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25 janvier 2023 (20H35) – En ouverture, cette rimaillerie de Léo Ferré parlant des romances qui reviennent toujours... Mais là, on ne parle pas des romances mais des aventuriers dont Washington fait grand usage pour le rythme des “regime change”, et l’on remarque qu’avec Zelenski une fois de plus le même schéma menaçant de se se reproduire...
Il fait, il est nécessaire que chacun d’entre nous se rappelle la phrase fameuse du temps d’Eisenhower (est-ce un ambassadeur US en Amérique du Sud, ou le secrétaire d’État ou quelqu’un du genre...), parlant d’un dictateur sur mesure installé par la CIA là où il faut pour faire ce qu’il faut :
« He’s a sonavabitch but he's our sonavabitch » (« C’est un fils de pute mais c’est notre fils de pute. »)
La question numéro un est de savoir si un tel traitement de jugement infâme peut être appliqué à Saint-Zaleski ? La deuxième question, si par extrême malédiction la réponse à la première était positive, serait alors : “Mais Washington ne serait-il pas sur la voie de liquider “son fils de pute” ?
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19 janvier 2023 (05H00) – Je n’ai jamais été un soutien enthousiaste du diplomate Kissinger. Il est du parti qui voit dans le Congrès de Vienne le triomphe de l’autorité de Metternich ; je suis de ceux qui y voient l’effet de surprise de la géniale manœuvre de Talleyrand. Pour le reste, Kissinger fut un impitoyable défenseur de l’hégémonie américaniste, sans pitié pour les fauteurs de trouble intérieurs à l’Empire, mais qui ne le cédait pas à la folie des militaires...
Kissinger, levant les bras au ciel en 1973, après une rencontre avec les généraux du Joint Chiefs of Staff : « Mais au nom de Dieu, qu’est-ce que cela signifie “supériorité stratégique” à ce degré de destruction mutuelle assurée ?! »
Ces derniers temps, il n’avait aucun mal à figurer comme le “vieux sage de la stratégie” au milieu des fous de l’OTAN, en plaidant implicitement pour une sorte de neutralisation de l’Ukraine, sans beaucoup d’espoir mais avec la constance de l’expérience et du “réalisme”. A 99 ans, il semblait aussi sage que son devancier de la génération d’avant, Georges Kennan qui, à 98 ans, à la fin du XXème siècle, avertissait que l’élargissement de l’OTAN vers l’Est et la Russie constituait la plus monumentale erreur stratégique que l’on puisse concevoir.
Et puis, peu à peu et subrepticement, mais brutalement pour nous qui le voyons de l’extérieur, tout s’est écroulé.
Mardi, lots d’une intervention en virtuel à Davos, Kissinger a baissé les bras, – nous disons cela par respect, d’autres à la rancune plus acharnée diraient qu’il a “baissé sa culotte” mais inutile de s’y attarder. Il s’est fait aussi médiocre, finalement aussi plein d’une hystérie épuisée, aussi fou que tous les autres, devant la ‘Davos Crowd’ qui ne fait pourtant pas recette (sauf pour les escort girls, très nombreuses cette année comme si c’était leur re-set, qui vous assurent une nuit de rêve pour €4000-€5 000). Il s’est payé le triste luxe d’être cohérent, “réaliste” dit-on, de la sorte de celui qui dirait “Eh bien, puisque nous en sommes là et qu’il ne faut pas trop se distinguer pour rester en odeur de respectabilité, je vais m’employer à embrasser ce que je ne puis étouffer”. Dommage pour lui, dirais-je pour mon compte : ça ne marche pas, Kissinger.
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16 janvier 2023 2023 (14H50) – Je me suis arrêté à un segment d’une chaîne YouTube de la série ‘Campaign 23s’ (YouTube n’enchaîne pas nécessairement le programme de la série, – il s’en garde bien) ; essentiellement pour mon cas et pour qui est de quelque intérêt de mon point de vue, avec Scott Ritter (surtout) et Douglas Macgregor comme intervenants. Je m’arrête à un Ritter inhabituel...
Je veux dire, un Scott Ritter qui fait des commentaires inhabituels, le plus souvent hors de la formule de l’interview ou de la conversation, et souvent en voix off sur le fond de films montrant l’actuel conflit en Ukraine. Ritter nous a habitués à des commentaires très techniques mais, dans ce cas, il emploie un style d’intervention beaucoup plus tragique, métaphorique, voire mystique et symbolique, un style inhabituel marqué sur le fond par son obsession manifeste qui est celle du conflit nucléaire, à la possibilité duquel il croit manifestement.
Par exemple, le 15 janvier :
« Je ne suis pas un amateur de musique classique comme certains d’entre vous sont, je me réfère renvoies plutôt au goût d’une musique populaire présente dans les classes de travailleurs ... Quand j’essaie de trouver une musique qui corresponde à la description de la situation que nous vivons, qui est celle de la possibilité d’une guerre nucléaire, je pense à la chanson de Johnny Cash ‘The Man Comes Around” et les derniers vers qui viennent d’une voix éteinte parce qu’ils pourraient venir d’un homme sur son lit de mort.
» ‘And I heard a voice in the midst of the four beasts
» ‘And I looked and behold, a pale horse
» ‘And his name that sat on him was Death
» ‘And Hell followed with him.’ »
(Suite)
Le 13 janvier 2023 (16H00) – Il est vrai qu’aujourd’hui, il ne fait pas bon être un chroniqueur constitutionnaliste précis et particulièrement réputé. Entre le moment où vous écrivez votre chronique et celui où elle paraît dans le quotidien auquel vos collaborez, “Joe la surprise” peut nous en réserver une de plus avec un nouveau paquet de documents ‘Top Secret’, datant de son service comme Vice-Président (VP, 2009-2017) ou de ses accointances à la CIA et au FBI, retrouvé dans les toilettes, ou dans la poubelle de la cuisine, ou bien sous la gamelle de son chien bien-aimé... C’est un peu ce que nous dit Jonathan Turley en présentant sur son site une version ‘updated’ de son texte pour le New York ‘Post’.
« Vous trouverez ci-dessous une version légèrement modifiée de ma chronique du NY Post sur la découverte du deuxième lot de documents classifiés dans des zones précédemment utilisées par le président Joe Biden. Un certain nombre de questions restent sans réponse en raison de la réponse initiale étrange du président Biden [cette “découverte” est “une surprise” pour lui], qui a déclaré qu'il ne demanderait même pas à connaître du contenu de ces documents sur les conseils de son avocat. Toutefois, avec la découverte d'un deuxième lot de documents classifiés dans un lieu différent, la “surprise” du président pourrait croître de manière exponentielle dans les jours à venir. Il serait peut-être bon que vous vous trouviez une chaise pour suivre plus confortablement... La tournure que prendront les événements dans la presse et chez les experts pourrait provoquer un vertige mondial... »
Suivent les nombreux détails et péripéties sue cette nouvelle étape de la carrière de Joe Biden, et de son mandat comme POTUS sans équivalent ni précédent. On retrouve des “documents secrets” chez lui, pratique qu’il dénonçait furieusement chez Trump comme « répugnante d’irresponsabilité », et il réagit en disant qu’il est bien “surpris” de cela, qu’il y ait, comme ça, des documents classés ‘Top Secret’ chez lui, dans ses braves petites résidences familiales. Le brave Joe ignorait qu’il y en avait ici et là ; et pis, dans un autre “ici et là”, pour un deuxième lot qu’on nous a sorti ! Et puis un dernier, en dernière minute ! Nous allons de “surprise” en “surprise”, alors que je ne peux définitivement pas me défaire de la remarque si fine du non-moins-fin Obama, qui l’eut comme VP :
gnante d’irresponsabilité », et il réagit en disant qu’il est bien “surpris” de cela, qu’il y ait, comme ça, des documents classés ‘Top Secret’ chez lui, dans ses braves petites résidences familiales. Le brave Joe ignorait qu’il y en avait ici et là ; et pis, dans un autre “ici et là”, pour un deuxième lot qu’on nous a sorti ! Et puis un dernier, en dernière minute ! Nous allons de “surprise” en “surprise”, alors que je ne peux définitivement pas me défaire de la remarque si fine du non-moins-fin Obama, qui l’eut comme VP
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11 janvier 2023 (14H40) – Déjà hier, j’étais ébranlé, en lisant Bhadrakumar, justement cité par le fin renard qu’est Martyanov. Voici ce que cite Markianov, ceci qu’on retrouvait déjà dans le texte de Bhadrakumar, bien entendu :
« Rice et Gates reconnaissent indirectement que la Russie est en train de gagner, contrairement au récit triomphaliste occidental jusqu'à présent. De toute évidence, l'offensive russe attendue à l'avenir les met sur les nerfs. [ ...]
» Le Pentagone est incertain à propos de la stratégie future de Sourovikine. D'après ce qu'ils savent de son brillant succès dans l'éviction des officiers de l'OTAN d'Alep en Syrie en 2016, la guerre de siège et d'attrition est le fort de Sourovikine. Mais on ne sait jamais. Un renforcement constant de la Russie en Biélorussie est en cours. Les systèmes de missiles S-400 et Iskander y ont été déployés. Une attaque de l'OTAN (polonaise) contre le Belarus n'est plus réaliste. »
Martyanov, c’est l’évidence même, n’apporte rien de nouveau puisqu’il cite un texte que nous avons nous-mêmes mis en ligne. Ce que juge intéressant, c’est qu’il le cite, parmi d’autres nouvelles tendant à mettre en évidence une certaine prise de conscience, essentiellement aux USA, de la vérité-de-situation, de la situation militaire en Ukraine.
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10 janvier 2023 (16H00) – Un mien ami me faisait remarquer hier soir qu’il y avait eu, en 2014, lors du coup de Kiev et de ce qui suivit immédiatement, un frisson terrifiant qui nous avait tous saisis, – je parle de ceux qui sont capables de frissonner à partir d’une pensée indépendante qu’ils ont et non pas en attente d’une consigne-Système de leurs gouvernants : “Vous frissonnerez quand on vous le dira”. Il s’agissait du spectre de la Grande Guerre de la Fin des Temps que la crise ukrainienne avait soudain fait surgir à nos yeux brutalement décillés. Ce même ami me rappelait un texte de ce site qui en avait parlé, et je ne tardai pas à m’en souvenir.
C’était ce texte du 3 mars 2014, sous le titre « La guerre est en réparation d’urgence ». D’abord, il y était question de l’évolution doctrinale du Pentagone, – qui se foutait bien des dingueries des neocons et de leurs délires chroniques, – qui venait d’annoncer l’abandon des “grandes guerres conventionnelles de haut niveau”. Ce n’était plus d’actualité et, mon Dieu, je dirais que c’était fort bien vu lorsqu’on se balade du côté de Bakmouth et de Soledar, n’est-il pas ?...
« Techniquement et opérationnellement, le secrétaire à la défense Hagel annonce que le Pentagone a décidé d’abandonner le modèle d’une “guerre consistant en des opérations stables, très amples et de longue durée (“...long and large stability operations”), – c’est-à-dire tout ce qui se rapproche de la guerre conventionnelle de haut niveau, et a fortiori du “modèle pur de ‘guerre conventionnelle de haut niveau’”. »
(Suite)